Mardi 10 février 2 10 /02 /Fév 18:34
 

Sans Artifice …

Carmen, dès l'instant où elle se vit pleine de vie, supprimant tous les colifichets pierçant ses chairs et brûlant les gravures ornant sa peau, de sa mémoire raya d'un seul trait d'oubli les tumultes de son passé. Et elle ne ressentit plus cette impérieuse nécessité de s'exhiber sur scène ; d'offrir l'intimité de son corps aux éclairs de la rampe, aux feux des yeux du public, aux excitations telluriques des accords de Gabriel ; elle n'eut plus besoin d'abuser de l'exceptionnelle souplesse de son corps, ni de plaquer ses épaules et de planter ses pieds au plancher, ni de relever ses fesses, de grand-écarter ses cuisses, d'offrir son sexe ouvert… Ni de sucer son majeur, pour vivre : pour vibrer, trembler, jouir... Pour sentir la vie la pénétrer et l'envahir... Puisque aussi bien aujourd'hui la vie décidait de l'investir pour demeurer en elle. Et bien que son désir de danser subsistât, vivace ; subsistât assez intense, et très exaltant même, elle possédait le bon remède dans l'autre partie d'elle-même : Gabriel

...

Gabriel arrivait à la fabrique au premier coup des neuf heures. Il la quittait au dernier des quinze. ça suffisaitt car la fabrique n'avait jamais été aussi rentable. Ainsi, il rentrait tôt au mas. Et dans le grenier de l'Est, jusqu'au soir, il soignait les désirs de Carmen.

[De par la volonté de ses ancêtres, on accédait à ce grenier de plain pied depuis l'extérieur par une porte cochère en conifère décomposé. Gabriel la fit remplacer par une immense baie, coulissante et motorisée, aux vitres fumées à la vive couleur cuivrée polarisant la douce et intense lumière de Nord.

Aujourd’hui, on y découvrait une vaste salle de musique et de danse. Dans son tiers gauche un piano quart de queue de Rameau d'Alès verni brillant aux couleurs anthracite de la mine abandonnée]

... Chaque jour que fasait le temps qui passe, Carmen dansait Gabriel jouait…

Puis, la nuit tombée sur le couvercle, sur le clavier, le tabouret sur le parquet, ils communiaient toujours, Carmen chevauchant Gabriel : toujours. Toujours ils jouissaient beaucoup, et prolongaient le bonheur par une longue extase chaque jour plus angélique. Angélique est approprié à la condition qu’on s’abstienne d’y accoler le vulgaire statut de la virginité comme représentant d’images de la pureté. Ainsi, Gabriel excellait dans l’art du peaufinage (Non pas en raison du statut de leader mondial décerné à sa Fabrique perpétuant l’art du tannage et traitements des cuirs et peaux des causses, et des caïmans des piscines drômoises et ardéchoises (c’est une concession à l’énergie nucléaire), ou d’ailleurs ; cuirs et peaux (de très grand luxe (style : Large Very Must Hybridé))... Donc, Gabriel excellant dans l’art du peaufinage, enduisait Carmen d'huile d'amande douce et vierge, ou de lait de coco, et massait son corps lentement tandis qu'elle travaillait ses souplesses de mi juin à mi janvier. Et, vers la fin, en grand écart face à Gabriel choyant ses seins fermes devenus énormes, sa proéminence reposant au sol, ils entendaient résonner sur le parquet les battements sourds et pressés de l'enfant…

Carmen nourrit son fils aux seins (se rangeant ainsi, et sans nulle peine, à l'avis médical pronostiquant, autant un lait abondant et riche, qu'un plaisir très rare ; pronostiquant une communion sans égale et un retour d'équilibre hormonal favorables à sa plastique comme à sa forme)…

Et Carmen y gagna un « gros lot »...

Jorge Albert est un très bel enfant ; c’est un enfant béni des dieux, et chéri de ses parents ; c’est un enfant gâté de son grand-père, idolâtré de sa mère, qui bien vite et sans effort, saura où situer ses intérêts...

Carmen donna de ses seins à Jorge durant quinze mois (ce qui sous nos latitudes et dans nos civilisations, est extraordinaire, voire inconcevable). Certes, autour de ses six mois Jorge fut aussi nourri d'autres aliments, mais il voulait encore les seins de Carmen et s'endormait rarement sans les téter. Et Carmen ne parvenait pas à se sevrer de « ce » plaisir qu'elle en retirait. Plus Jorge tétait, plus le lait montait, plus le plaisir l'inondait...

Gabriel se plaisait à les regarder ; il admirait cette étrange communion sans jalousie ni aucune autre arrière pensée : il pensait que c’est sain et normal. Et, en voyant Carmen rayonnante comme il ne l'avait jamais vue avant, ni comme il n’aurait jamais pu l'imaginer, il en était même convaincu… Il n'y a qu'un « truc » qui le dérangerait un petit peu : plutôt, l’absence de ce « petit truc »... Voilà : le lendemain de l'anniversaire du marquis Albert Carmen désira vivement danser. Tous les trois, ils gagnèrent leur grenier... Carmen dansait, Gabriel jouait, Jorge dormait paisiblement du sommeil d'un enfant de trois cent quatre vingt neuf jours de vie... La nuit tombait sur le parquet... Comme Carmen venait pour chevaucher Gabriel, Jorge poussa un cri puis hurla. Carmen se figea. Sa main qui s'apprêtait à conduire Gabriel en elle se crispa sur la verge. Elle les abandonna, bondit vers le couffin aux cris et prit Jorge dans ses bras. Il renifla, ouvrit une bouche avide, saisit le sein droit sans hésiter et... Carmen ferma les yeux, pinça ses lèvres, étouffa un petit cri puis gémit de plaisir...

Repus et propre Jorge se rendormit. Gabriel, allongé au pied du piano, appuyé sur ses coudes à admirer ce ballet, il rêvait. Carmen revint au dessus de lui. Gabriel remarqua son clitoris turgescent et aussitôt il banda raide. Carmen, lentement, fléchit ses jambes. Voyant ses lèvres épaisses rouge sang épanouies, son gland salua du bonnet. Puis, voyant les nymphes violacées, savourant d’avance l’onctueuse chaleur de la sève nacrée nappant le trou noir qu’elles cachaient et où chavirera sa… Le cœur de Gabriel battit sur son gland… La main de Carmen saisit la verge de Gabriel, et comme elle s'apprêtait à la conduire en elle, Jorge se réveilla, cria, et puis hurla...

Une vingtaine de jours ainsi, soir après soir, avant que Carmen, après qu'elle a dansé, prenne Jorge et s'en retourne dans le salon du mas Roux...

A la suite, jamais plus Carmen se pénétrera de Gabriel la nuit tombée, glissants du clavier au pied du piano avachis renversés ombres spectrales nues filant sur le parquet...

Aujourd’hui, sans aucune arrière pensée, se plaisant à admirer cette communion qui unissait la mère et l’enfant, en voyant Carmen rayonnante comme jamais avant, il n’y avait plus que ce « petit truc » qui le dérangeait : la réceptivité néfaste de Jorge contre les vénérations de Carmen pour lui…

Mais, n’était-ce pas davantage l’absence d'enthousiasme de Carmen à consacrer ses exaltations qui dérangeait Gabriel ?

Tu te poses encore des questions pareilles ? – Grinça ma femme aboutissant à ce

point du conte. Ce genre d'humour à friction face à pareille situation a engendré des réactions irritantes qui m’ont fait hurler ma défense :

Il y'a longtemps que je ne me pose plus ce « genre de question : je la pose aux autres ! Je la leur pose car, persuadé qu’ils subissent pareils outrages plus souvent que tu crois, j’aimerai qu’ils répondent franchement que le résultat est issu, non pas d’une extrême sensibilité de l’enfant, mais plutôt du plaisir de la mère à répudier la femme... —

Ma femme a jeté le livre puis est sortie sans mot dire.

Son dédain m’a plus fâché que si elle m’avait maudit

... Toujours, le soir couché, la nuit entamée, et aussi le matin naissant, Gabriel caressait Carmen endormie lovée comme dans le ventre de sa mère mains sur son pubis dos cambré cul offert ; Gabriel n'avait de cesse de bander de caresser et de laisser glisser ses doigts ; Carmen les yeux clos n'ayant de cesse d'osciller lascive, de caresser la main agile et faire pénétrer leurs doigts, puis d’en gémir faiblement ; Gabriel apprêtait sa verge, Carmen la conduisait main ferme vers l'entrée. Précise la tête oblongue glissait et les lèvres charnelles appréciaient ouvrant la voie de l'antre des délices de la belle endormie : depuis quelques mois, ce n’est qu’ainsi qu’ils s’aimaient. Mais cet « ainsi », ils l’aimaient aussi énormément et en jouissaient intensément

... Un petit matin naissant, Gabriel caressait Carmen endormie lovée, cambrée cul offert ; Gabriel bandait et laissait glisser ses doigts ; Carmen les yeux clos oscilla lascive, caressa la main agile, fit pénétrer leurs doigts, puis gémit doucement ; Gabriel apprêta sa verge, Carmen la conduisit vers l'entrée. Précise la tête oblongue glissa et les lèvres charnelles ouvrirent la voie de l'antre aux délices de la belle endormie… réveillée au cri : le cri strident de Jorge qui envahit le silence des chambres. Carmen comme un félin qui ne dort jamais bondit, étouffa le cri, blottit l'enfant sur sa poitrine qui se tut, bouche pleine d'un sein. Il téta avide et Carmen cambra ses reins, pinça ses lèvres, sa tête renversée, ses yeux clos, gémit doucement, dansa du ventre et du cul, flotta des hanches, savoura ce délice...

Et, Gabriel une main au chambranle regardait, muet…

Le soir venu, Gabriel caressa Carmen charnelle… cambrée cul offert ; Gabriel banda et laissa glisser ses doigts ; Carmen les yeux clos se dandina sensuelle, fit pénétrer la caresse des doigts ; Gabriel apprêta sa verge, Carmen de sa tête oblongue se pénétra l'antre de ses délices sans ménagement, puis gémit impudemment et tressailla… au cri discordant de Jorge qui envahit le silence des chambres. Carmen comme un félin… bondit…

Dès lors, toujours, le soir couché, la nuit entamée, ou le matin naissant Jorge criait à l’instant même où les lèvres secrètes de Carmen avalaient le doigt d’amour de Gabriel : comme si cet amour parental n'avait su qu’engendrer un « monstre à cauchemars »… Depuis, Gabriel fuyait souvent la main agile à faire pénétrer son doigt. Il se levait, arpentait le couloir, la chambre… parfois, il s'approchait du lit et regardait Jorge dormir paisiblement. Toutes les fois où il se penchait sur lui, l'enfant ouvrait les yeux un sourire d'ange sur les lèvres, gazouillait, moulinait des jambes, tendait ses bras… Alors, Gabriel le prenait, l'amenait vers son buste mais Jorge résistait, éloignait sa tête et scrutait son père le regard froid et les lèvres crispées... Gabriel ne comprenait pas

...

Un peu plus tard, Jorge sait marcher mais il tète encore.

Lorsque Carmen dansait il aimait sauter dans ses bras prendre un sein entre ses petites mains caresser le téton le faire durcir et l'aspirer... et Carmen dansait cambrée lascive yeux clos tête renversée gémissante.

Quelquefois Gabriel riait.

Mais le plus souvent Gabriel ne riait plus.

Une fois même, où Gabriel s'arrêta de jouer, Jorge se mit à pleurer. Alors, Carmen lui reprocha sa jalousie stupide. Gabriel pleura : jamais de sa vie avant il n'avait pleuré. Carmen s'approcha et l'embrassa sur les lèvres tendrement en disant :

Pardonnes-moi, je t'aime. —

Jorge hurla : — Non Maman aime Jorge ! —

...

Quelques temps après, Carmen décida, enfin, que Jorge ne tètera plus.

Factuels caprices…

Gabriel Carmen et Jorge vivaient le plus souvent seuls au mas Roux : Carmen n'aimait pas le quitter ; elle n'aimait pas descendre à Quissac, ni à Montpellier, ni à Vauvert ou à Aigues Mortes : elle n'était bien qu'ici. Alors, c'est le vieux Marquis Albert de Savignac qui montait jusqu’au mas. Et trois à quatre fois par an, Erika, Julien et Antoine descendaient de Paris où ils vivent maintenant...

Gabriel Carmen Jorge logaient à l'Est sous le grenier : deux chambres cheminées, cuisine américaine, bibliothèque cheminée, commodités au bout du couloir, dessins de Gabriel quatre vingt mètres carré savamment agencés.

Carmen aimait aussi le grand salon au centre commun du mas ; elle aimait son odeur, ses meubles, sa lumière douce du jour de nord et l'immense cheminée de granit avec son feu d'hiver crépitant. Carmen ne laissait passer aucun jour sans venir se prélasser une heure ou deux dans les vastes et moelleux fauteuils de cuir fauve griffés. Mais elle délaissait les autres pièces du mas, surtout celles du premier et plus encore la chambre du Marquis Albert ; la chambre où Marie-Cécile est morte lui faisait certainement peur car lorsque Gabriel en ouvrait la porte, elle tournait le dos. Quand Gabriel y entrait, elle redescendait. Alors Gabriel avançait, à deux pas des pieds du lit, et son regard semblait se perdre sous le gros édredon de velours ocre en duvet d'oies... Et il se souvenait aussi

... Là, devant la cheminée et du foyer consumant du chêne vert qui grésillait, la première fois où ils firent l'amour sans gêne sous les yeux du Marquis qui fasciné ne pouvait fuir, ni, ni... Et tandis que Carmen poussait le râle suraigu de son orgasme, Albert avait donné sa bénédiction. Mais Gabriel n'en comprenait toujours pas le pourquoi...

...

Jorge est trop grand pour téter maman ! — Dit Carmen.

Jorge était suffisamment grand pour comprendre. Aussi, il ne téta plus, avide : il suça le mamelon délicatement pour la première fois. Et Carmen cambrée frémissante haleta lèvres entrouvertes. Elle aima mieux ça et le dit :

Si, mi angel, si, eso, es eso, mimoso precioso. — En susurrant chaque mot

Jorge en digne fils de ses parents donnait des signes évidents de précocité. Très vite, il parla correctement, en usant même d'un vocabulaire et de tournures de phrases élaborés et riches. Et il comprenait tout très vite, même souvent ce qui n'était que sous-entendu ou murmuré. Carmen s'émerveillait. Gabriel aussi. Mais à chacun des progrès de Jorge, Carmen le récompensait, un peu comme fait le dresseur des animaux savants du cirque

... A trois ans, Jorge savait lire ses alphabets et décomposer quelques mots :

ma-man, pé-pé, mai-son, ca-sa, comer, man-ger, mer, pla-ya, bâ-ton, ba-teau…

bilingues sans se tromper. Il connaissait sa clé de sol et savait aussi monter une chromatique et jouer : du bon tabac, pierrot, va t'en guerre, meunier… Ainsi que quelques autres classiques sans trop déraper et faire danser sa mère.

Carmen, pour le récompenser lisait Cervantés Arrabal Neruda… Et Rabelais Aragon Sartre comme d'autres le petit poucet ou la chèvre de Seguin : Jorge était insatiable.

— Encore maman. — Exigeait-il. Ou bien il demandait :

Que veut dire tout ça... Como esta eso : viviendo de aire... —

Carmen répondait toujours. Et à tout. Et, Jorge grimpait sur elle, se blottissait, frottait sa tête bouclée contre la poitrine drapée, respirait fort et demandait :

Quieres, mimoso precioso de tu angel ? — Carmen ne savait pas refuser

Au milieu des nuits, après que la bouche de Gabriel eût adulé l'intimité de Carmen ; après que le bouton sacré prenant sa démesure eût bien joué entre les lèvres de Gabriel ; après que la langue de Gabriel se fut délectée du nectar secret ; après que Carmen (muscles bandés, fesses suspendues, sexe offert, jambes écartelées), aux extrémités de son plaisir aura joui d'un gémissement de fauve, d'un feulement rauque ; avant que Gabriel totem dressé s'enfouisse dans le temple des délices... Jorge s’immisçait.

On entendait ses petits pas sur le parquet. Il entrait dans le lieu saint, montait sur l'autel, poussait le prêtre loin de l'idole maternelle, s'allongeait sur son ventre, caressait ses seins ... Carmen ne disait rien. Elle caressait ses cheveux et il se rendormait bienheureux.

Gabriel ne disait plus rien depuis leur dispute ; leur première et unique dispute :

Avec d'infinies précautions, Gabriel avait enlevé Jorge du ventre de sa mère. Il l’avait porté dans sa chambre et l’avait recouché dans son lit. L'enfant n’avait pas bougé. Gabriel était resté quelques instants à l'admirer. Puis il s’était dit :

–  C'est étonnant comme il ressemble à un ange. —

Il était revenu s'allonger, ventre blotti contre le dos de sa femme. Elle avait demandé :

— Il dort ? —

Oui ! Comme une ange. — Avait-il répondu en caressant les seins de Carmen.

Elle s’était retournée, à plat dos, cuisses ouvertes, clitoris arrogant, lèvres... A refaire bander Gabriel sans coup fourré. Alors, Gabriel s’était glissé sur son ventre et comme Jorge avant, il avait caressé ses seins… La verge aux portes des lèvres entrouvertes se contenait là. Carmen appuya ses mains sur les fesses de Gabriel pour la forcer. Mais elle se refusa. Soudain par un coup de rein brutal elle se planta jusqu'à la garde. Carmen se cambra, s'agrippa aux cheveux de Gabriel, mordit sa bouche... Et mâcha ces mots entre lèvres et dents :

Oui sauvage ! C'est bon ! Continue baise-moi ! Plus fort encore ! —

Gabriel ne s’était pas fait prié. Il avait foncé ! Enfoncé ! Défoncé ! Puis il s'était étonné : il ne se connaissait pas cette fougue et ne soupçonnait même pas qu'existât pareil plaisir. Eh oui : c'était la première fois en huit ans qu'il baisait Carmen, lui, et non pas qu'il la laissait se baiser elle de lui. Et cette jouissance lui plaisait tant qu’il se promettait d'en user… Et d'en abuser... Lorsque dans son dos il sentit des coups de poings ; de petits poings mais qui tapaient très très fort. Puis les cris de Jorge :

Vilain méchant, pas câlin. Vilain, Vilain... —

Gabriel n’avait pas apprécié. Houlà-là non ! « Vilain » ? Insulte suprême ; L’insulte que Gabriel n’aurait jamais pu accepter, Marquis ou pas : en cette occurrence, la noblesse ne détient pas le monopole de la dignité... Gabriel s’était retourné vivement. Il avait soulevé Jorge à bout de bras et, le regardant dans les yeux, il avait dit distinctement et assez durement :

Si tu as une maman qui t'aime c'est parce que tu as aussi un papa qui l'aime. Et toi, tu n’aimes pas ta maman ? —

Jorge avait froncé ses sourcils, il avait boudé, puis il s’était mis à crier :

Maman est à moi. —

Elle n'est pas à toi plus qu'elle est à moi. — Avait répondu Gabriel.

J'aime maman plus que toi. — S’était récrié Jorge.

Peut-être, mais tu as toutes les journées pour lui montrer combien tu l'aimes.

Avait grondé son père.

J'aime ma maman tout le temps. — S’était-il rebellé encore.

Moi aussi, j’aime ta maman tout le temps. Tu partages le jour avec maman, mais la nuit... — Avait tenté de le raisonner Gabriel.

Jorge s’était débattu et avait cherché à frapper son père qui s’était fâché :

T’es un méchant garçon : un gentil garçon ne tape pas son papa. —

Non, je suis le petit ange de maman. — Criait-il toujours.

T’es un ange de zizanie. Une bonne fessée... — Avait voulu corriger…

Laisse mon fils tranquille. T'as pas honte ? Il est sans malice, voyons ! En pleine nuit harceler un bébé ainsi, t'es dérangé ! –

Avait bondi Carmen arrachant Jorge des bras de Gabriel. Puis elle s’était recouchée en gardant Jorge sur elle. Et l’enfant avait cajolé ses seins comme il savait si bien le faire. Carmen avait caressé sa longue chevelure aux boucles dorées. Jorge s’était rendormi bienheureux…

Gabriel n'avait rien dit. Il avait quitté la chambre nu, était sorti sur le pré haut nu… Gabriel avait admiré la voûte céleste nue scintillant de mille étoiles, longtemps. Un vent cru avait fouetté sa peau nue mais Gabriel n'avait pas ressenti le froid tant sa rage l'avait brûlé...

Depuis lors, Gabriel se satisfaisait de sa bouche et de ses doigts.

Et peu à peu, il en retardait l'heure pour qu'elle fut la plus matinale possible et lui permît de quitter le lit conjugal quand Jorge y entrait sans que Carmen l'interrogeât.

* * * * *

Sacrifices…

A quatre ans, Jorge savait lire couramment l'espagnol et le français, il raisonnait parfaitement, maniait la rhétorique et tenait des discours savants, selon qu'il est dit :

« Les chiens ne font pas des chats. » 

Ou encore : 

« L'homme descend du singe et la vache du cachalot. »

Sans parler de la sentence du « fantaisiste fontainier » :

« Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se brise »

Bien qu’à quatre ans, Jorge soit plus obstiné qu'à trois, plus capricieux, et toujours plus jaloux, des faveurs de sa mère comme des égards de son père pour elle…

Maintenant, dans le grenier, il faisait des scènes hystériques quand Gabriel jouait et que Carmen dansait. Il bousculait son père. Il tapait sur le clavier et jouait ses musiques sur les touches des aiguës, ou sur celles des basses... Et Carmen riait... Et Gabriel souffrait... Parfois il aurait aimé corriger Jorge, mais pour rien au monde il n'aurait voulu se disputer avec Carmen...

Pour les fêtes de la pentecôte lors de leur passage au mas Roux, Erika et Julien remarquèrent chez Jorge ces petits jeux de comportement. Alors, Erika jugea utile d’en parler avec Carmen ; connaissant très bien la nature de Gabriel, elle jugeait important d'avertir des dangers dans lesquels il pourrait s’enfermer, s’emmurer ou se dissoudre. Erika conseilla fortement à Carmen d'asseoir son autorité sur Jorge, l'incitant à rétablir l'ordre normal du père et de la mère, chacun à sa place respective :

Ne va pas nous faire un Oedipe — Précisa-t-elle,

Appuyant sur la sensibilité de Gabriel, Erika explicita les réactions imprévisibles dont elle fut témoin ; d’autant de réactions capables de générer des issues fatales.

Mais Carmen en sourit : tout simplement.

Et puis, arriva le dix janvier 2000…

C’était autour des dix-sept heures et l'obscurité gagnait alentour…

Ils étaient tous les trois dans leur grenier et travaillaient un divertissement pour les quatre-vingts ans du Marquis. Une espèce de trio excentrique, un peu trash où Carmen dansera tour à tour avec Jorge et Gabriel ; Carmen dansera la tentation d'un ange puis celle d'un démon : l’ange Jorge et le démon Gabriel. Inversions de rôle ? Aversion des symboles ? Violation du commun sens divin ? Dévastation de l’idolâtrie des Cieux, l'un et l'autre, tour à tour, joueront au piano leurs chants...

Carmen dansait nue... Carmen a toujours dansé nue. Et d'ailleurs, le plus souvent, ils vivaient nus : pour eux trois, il n’y avait rien d’extravagant en cela. Et moins encore, rien d’amoral, ni de vicieux.

Carmen dansait : elle appela l'ange, pris sa main, pirouetta... Elle l'attira puis elle s'échappa... l'ange se faufila entre ses cuisses. Elle glissa et s'étendit. L'ange, déploya ses petites ailes d’oie et enfouissant sa tête... Gabriel n'en revint pas :

Non ! Mais ce n'est pas vrai... Mais si ! Mais c'est qu’il lui suce le... —

Gabriel arrêta de jouer net. Et Gabriel s'enfuit sur le pré haut blanc de neige vierge. Jorge cria :

Reviens papa ! Je t'aime ! –

Gabriel l’entendit mais il crut le rêver :

Il ne m'a jamais appelé « Papa » et moins m'a-t-il dit  « je t'aime ».

Alors, pris de panique, Gabriel fuit encore plus vite et disparût dans le crépuscule...

A présent il faisait nuit noir et neigeait dru il neigeait comme si rarement ici qu’aussitôt il ne resta nulle empreinte de Gabriel, aucun signe, aucun souffle, rien : il semblait s’être envolé au-dessus de la neige immaculée.

Carmen fouilla partout...

Mais tout le mas et toutes ses dépendances restaient vierges d’indices : sans aucune trace visible, ni aucune trace de cette odeur de Gabriel qui l’enivrait tant.

Carmen pleurait et Jorge aussi…

Alors, Carmen téléphona à Julien, au Marquis… Puis aux gendarmes aussi...

Julien et Erika ayant roulé toute la nuit, malgré les tourmentes de neige et d’angoisses, arrivèrent à l'aube au mas Roux.

Le Marquis et son chauffeur étaient là depuis minuit. Mais il neigeait trop fort et il faisait trop froid pour chercher au-delà des limites du parc. Carmen ne cessait pas de pleurer et ses yeux noirs étaient rouges...

Julien voulut inspecter la grotte préférée de Gabriel ; cette grotte que Gabriel enfant, aimait à explorer jusqu’à oublier le temps ; cette grotte qu’il connaissait parfaitement pour s’y être perdu à chercher son frère… Mais s'enfonçant dans la neige jusqu’à mi-torse, et n'y trouvant plus aucun de ces repères connus qui lui permettaient d'en déceler l'entrée secrète, il y renonça et crut plus sage d’attendre les secours adéquats

Toutes les grottes, tous les bois et tous les massifs seront minutieusement inspectés trois jours entiers, par les gendarmes, les pompiers et leurs chiens spécialisés... Mais Gabriel restera introuvable…

Une semaine après, alors que la neige fondait rapidement, et que Carmen pleurait encore en fixant le vide au-delà de la baie vitrée d'où Gabriel s'était enfui, adossé au rocher, derrière la cascade qui revivait, elle le vit : Gabriel nu ; Carmen vit Gabriel qui, souriant, la regardait. Alors, Carmen se dévêtit et aussitôt, bondit nue sur le pré ; nue, elle courut les bras ouverts en criant :

Gabriel ! —

Jorge se précipita jusqu’au vélux éclairant la mezzanine surplombant la « grange-grenier à musique » et dominant de très haut, le pré, offrant une vue aussi vaste que splendide de la cascade et des bois alentour. Carmen s'approcha mais Gabriel ne broncha pas. Elle le prit et le serra dans ses bras. Gabriel tomba et l'entraîna avec lui, juste sous la chute d’eau, au milieu de la vasque de granit. Carmen hurla... Et ses hurlements déchirèrent le vacarme des flots de la cascade qui se brisaient sur leurs têtes et sur leurs corps nus et rejaillissaient jusqu’à la surface de l’onde dans un fracas bouillonnant…

Depuis son « mirador », Jorge regardait ses parents enlacés, sans broncher. Il les regardait « rejaillir » de l’eau de la cascade aux rythmes assourdissants de ses flots et des cris de sa mère ; il les regarda un très long temps... Lorsque Carmen ne cria plus ; lorsque « amalgamée » à Gabriel elle se laissa glisser vers le fond de la « baignoire » puis disparut aux yeux de Jorge... Jorge sut qu’alors, il était temps pour lui, de sauter sur le pré et de courir rejoindre ses parents ; rejoindre ses parents, parce qu'il savait maintenant qu'il les avait trop « bien mal aimés ».

Jorge sauta, du vélux sur le pré haut, quinze mètres plus bas et se rompit les os : l’ange avait appris beaucoup de chose du monde des hommes, tout au long de ses courtes années, mais l’ange n’avait jamais appris à voler. C’est donc ainsi, séparés, qu’ils se rejoindraient dans l’Eternité : la mère et le père, ne faisant qu’un, et l’enfant, tout seul.


Dans la poche de la chemise de Gabriel, pendue sur le cintre du vestiaire de la grange-grenier, les enquêteurs ont trouvé un lambeau de papier sur lequel ils ont déchiffré :

- Je n'ai pas peur de mourir mais de vivre sans toi. -

* * * * *



Pal Supplice…

Depuis cette autre fois où je m’étais cru maudit, ma first lectrice ne m’ayant plus rien dit, ni plus rien demandé à propos de ce conte des marquis, je m’étais senti soulagé... Libéré ! Et j’étais même convaincu que mon « impérieux désir d’écrivain » ne l’intéresserait plus jamais. Si bien que ce qui suivit son ironique critique sur « la question posée », je l’écrivis sans souffrir. Alors, lorsque mon épouse (le préfixe au « joint légal » : ma maritale « con » vocation), entra dans le salon le conte dans sa main... Surtout lorsqu’elle jeta d’un air dédaigneux ou de dépit ou de mépris ses pages sur la table qui refusa de les retenir, les laissant se répandre sur le parquet, je sus qu’elle l’avait lu en entier et qu’il lui déplaisait...

Et je me préparai à...

Mais elle ne me fit aucun commentaire : ni non ou non. Rien.

Elle me jeta juste son regard noir de défi. Je souris. Elle cria :

Egoïste ! Je te déteste ! —

Je répliquai, dans un souffle :

Je n'ai pas peur de vivre sans toi mais j'ai peur de mourir avec toi. —

Mon fils aîné, adoucissant les effluves du cri et du souffle dit sincèrement :

Mon cher père, T'es un peu fou ! —

Son jeune frère, le petit ange, me sourit. Tout simplement.

* * * * *

FIN
Par Pateric - Publié dans : Contes - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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