Lundi 9 février 1 09 /02 /Fév 18:21

 

Au tour du calice…

D'emblée, le père Albert ne vit pas cette idylle du meilleur oeil.

 — Mon cœur bât comme il s'écoute ! —

Se défendit Gabriel contre les jugements d'Albert frémissant de revoir en Carmen le clone de Louise pondeuse de Julien. Mais Carmen ne pouvait pas ressembler à Louise. Et Gabriel ne pouvait pas renouveler les errances des désœuvrements des lendemains de guerre d'Albert. Non !

Carmen et Gabriel, eux, attribuaient peu d'importance aux convenances et n'accordaient aucun intérêt à l'évolution des mœurs sociales et aux mutations économiques. Réfutant la demi-mesure ils les jugeaient trop superficielles, trop consensuelles : institutionnalisées. Eux qui, recherchant la jouissance de l'éphémère présent, n'interrogeant pas demain, ne se projetaient même pas un futur conjoint...

Alors, ce préliminaire les réunissant, n'avait eu d'autre intérêt que d'harmoniser leurs plaisirs dans un rythme effréné, engendré par un duo fortuit ; un duo non prémédité et théoriquement improbable.

Nez en plus, aussi subjugué que le commun des voyeurs assistant à leur tour de magie, Albert comprit que c'était plus fort que la raison : un pied de nez à toute raison

...

Auparavant, Monsieur le Marquis Albert aura bien testé quelques initiatives à dissuader ; il aura aussi poussé quelques tentatives de reconquêtes : il aura même menacé de déshériter avant d'envelopper quelques tentations colorées et pleines de zéros... Mais rien de tout cela ne fut capable de désarçonner la déesse de l'ange. Alors, Albert décida d'exciter Carmen à corps défendant : il l'entreprit devant Gabriel… Certes, il l'entreprit en laissant seulement entendre qu'elle ne saura jamais être une Marquise : une Marquise de rang dans l'ordre du sang... Sauf qu'à Carmen, le sens de ce rang, ça l'amusa foutrement :

 — Me faire foutre par votre Marquis de fils ?  Bof ! Sans intérêt ! Me faire foutre par mon ange Gabriel, ça, c'est tout ce que je désire. Et là, cher Marquis, je suis déjà une marquise : la Marquise des anges. —

Puis, tournant le dos à Albert, nue, emportant sa lune dans une révolution ondulatoire, elle s'enficha sur le sexe de son ange Gabriel... Là, devant la cheminée crépitante de la noble chambre du mas, ils firent l'amour sans gêne sous les yeux du Marquis fasciné qui ne pouvait fuir, ni détourner son regard, ni... Mais, revoyant Louise, il revécut leurs coïts sauvages et se souvint de leurs orgasmes... De Julien... Des jugements « nobles » sur le bâtard et la pute... De ses joutes pour reconnaître l'enfant, le nourrir, l'éduquer et lui léguer des miettes d'héritage (ce dont Dé se moquera toujours… plus que Carmen)... Et Albert se souvint aussi de la noblesse de Marie-Cécile : de sa noblesse d'âme… Et du calice de son sacrifice de mort pour donner la vie à Thomas... Alors, tandis que Carmen poussait le râle suraigu de son orgasme, Albert dit :

 — Mes enfants ! Aimez-vous autant que vous pouvez, aimer-vous comme vous le désirez, aimez-vous jusqu’aux confins de vos plaisirs… Aimez-vous, mais ne me faites jamais que de beaux comtes ou de belles comtesses... —

Carmen s'extirpant de sa verge, courut dans les bras d'Albert et dit :

 — Gracia padre ! Jamais je n’ai autant joui d’amour qu’aujourd'hui. —

En l'embrassant si tendrement qu'il crut... Comprendra-t-on, là, que la raison d’Albert avait pu chanceler ? Pourtant, cinq ans après ce jour, Carmen et Gabriel vivaient toujours du « feu de dieu » et du même plaisir des anges : puissant, irréel, un tantinet surnaturel ; Carmen dansant toujours aux accords de Gabriel qui même pour un empire n'aurait nullement cédé sa place. Encore moins  pour honorer son titre d'Ingénieur obtenu haut la main. Ni malgré ses titres de noblesse, malgré les titres boursiers ou la succession d'Albert à la fabrique... Malgré tout.

Et la tour des délices portait si bien son nom qu'on venait y célébrer un culte idolâtre depuis les confins de Septentrion jusqu'au soleil levant ; une grande messe à lune et à seins dont la déesse Égérie était la reine ; la reine la plus encensée du culte : une vraie dîme épiscopale, aussi jalousement gardée, que le trésor papal sur lequel le monseigneur cardinal économe veille farouchement assisté de quatre coadjuteurs abbatiaux, espèces d'hercules à face de gorille

...

Carmen et Gabriel ne voulaient pas se marier : surtout Carmen. Gabriel disait : « Amen ! »…

Gagnant très bien le « pain quotidien » par leur vie exhibitionniste, s’aimant encore plus, se désirant toujours davantage, copulant instamment, ils étaient pleinement satisfaits d'eux. Le plus triste, et sûrement aussi le seul à l’être encore, c’était Albert...
Carmen embellissait chaque jour davantage ; elle embellissait autant de cette beauté physique qu'exigeait son travail de danseuse érotique que de cette indicible beauté engendrée par ses jouissances orgasmiques.

Gabriel devenait un pianiste remarquable et un metteur en scène remarqué : un vrai chef ordonnateur.

Carmen était maîtresse de son public mais chaque soir elle ne jouissait plus que de l’aiguillon de son ange. Même avec les règles ils savaient bien jouer ...

Et Gabriel était si comblé qu'un jour il écrivit à son père pour que Carmen soit l'unique héritière des biens de Marie-Cécile de Castries auxquels il renonçait.

Mais Monsieur Albert de Savignac Marquis de Sauveterre répondit :

— ça ne se fait pas : c’est hors de nos Us et Coutumes. Maintenant, si tu veux qu'elle hérite de toi, ce ne sera que de toi. —


 

* * * * *


 

... Cinq ans …

Et par un beau matin de printemps elle courut aux toilettes, vomir : elle n'avait pas eu besoin d'autre test pour savoir ce qui la dérangeait.

Lorsque, la mine défaite, elle revint s'allonger près de Gabriel, il souriait, d'un beau sourire de fêtes, aux anges sur la nuée car qui d'autre que ces anges auraient pu apporter cet embryon de vie ?

— Comment ? —

Cent pour cent du quart chrétien de notre planète ne croit-il pas, déjà, à un tel miracle ? Bon !

Je vous concède que pour Carmen, soignant sa contraception avec une extrême rigueur, le miracle devait être vexé. Même plus, il devait se choquer au parfum « offusqué » de chez Scandale, le miracle, quand, Carmen affirmait brutalement à Gabriel :

—Jamais, jamais je n’aurais d'enfant : je ne veux pas flétrir. — 

Car, Gabriel qui ne s'opposait jamais aux envies ni aux folies de Carmen, n'avait jamais avoué à personne (sauf à Dé qui me l’a rapporté) qu'il priait le ciel pour avoir un enfant de Carmen...

Et, ma foi, pour la première fois de sa vie, Gabriel mentit ; Gabriel mentit à Carmen :

— Tu m'avais dit que tu ne voulais pas d'enfant, moi, ça me rassurait, tant je n'aime que toi. Maintenant ? Tu vas le garder, non… —

Sans ponctuer son « non » : un non prononcé sur un ton qui se voulait… ni interrogatif, ni exclamatif ; un « non » vague.

— Je ne voudrais pas le garder… — Répondit-elle, suivi d'un long silence que scrutait Gabriel les yeux remplis de malices. — C'est plus que… J'ai peur de pas l'aimer : je ne crains plus qu’il flétrisse mon corps. — Avoua-t-elle dans un demi souffle bref.

— Ah ! Ce n'est que ça ? Tue-le maintenant, ça t'éviteras de voir que tu savais l'aimer. — Répliqua Gabriel d'un ton tentateur.

Carmen le regarda, troublée, puis affirma : — Je le garde. —

— T'as raison ! T'auras toujours le temps de le tuer plus tard ! — Dit Gabriel.

Et Carmen, lisant parfaitement dans les yeux de Gabriel qu’il l'avait possédée, ajouta :

— Je le garde si tu m'épouses !

— Je t'épouse si tu le gardes : autrement, mon père nous tuerait, lui . — Se défendit Gabriel...

— Je suis heureuse, infiniment. —

— Je suis heureux, pleinement. —

Et ils étaient heureux, tout simplement, pour la première fois : heureux.

Et Albert aussi : pour la première fois depuis Marie-Cécile

* * * * *

La fin des Délices…

Ce soir là, à la tour des délices

Gabriel annonça avec des trémolos surfaits et trompeurs, plein la bouche :

— Carmen est enceinte et veut garder l'enfant. —

Le patron tourna de l’œil et s'écroula entre deux rangées, mort...

Aussi, depuis le temps que ce promoteur le harcelait pour qu'il la vende, fallait bien qu’un jour la tour des délices, vieille bâtisse d'empire coincée au centre d'un square d'immeubles de grand standing finisse ainsi...

Même l'art ne sait produire des « intérêts au lard »... que peu de temps

Et puis, Carmen s'arrondit, soignée comme une reine dans la douceur paisible du mas Roux. Et même si les intimes qui la côtoient la trouvent plus magnifique enceinte ; plus belle encore maintenant que sur la scène avant, elle n'est plus la déesse Égérie de personne pour ne devenir la déesse palatine, que de Gabriel seul. Aussi du « Prince » Albert (le roi n’est plus son cousin…) : un peu. Surtout, il rabâche sans cesse, l’Albert :

— Prenez bien soin de ma fille ! —

Il rabâche à la cuisinière. Il rabâche à la femme de chambre. Et il rabâche encore à l'infirmière. Ainsi qu’à Gaspard qui n'est plus chauffeur, comme au chauffeur qui se nomme Edouard. Et il harcèle le médecin qui vient de loin... Et il rappelle à Gabriel et le lui répète inlassablement… Surtout qu'elle n’aille pas leur faire un accouchement à la « Marie-Cécile », Carmen !

* * * * *



Le moment de délivrance s'approche.

C'est le petit matin : un matin glacial de fin janvier.

Le premier trait blafard du soleil irise lentement par dessus la châtaigneraie chauve, là-bas sur le flan de la crête du Clairan, ignore les toits de Bragassargues, se faufile par la fente haute des contrevents disjoints et chatouille la paupière gauche de Monsieur Gabriel qui se blottit contre le dos de Carmen. Carmen creuse ses reins, se pénètre du sexe réveillé de Gabriel somnolant et danse. Si tôt sur le dard Carmen danse ? Lascive, elle danse ; elle croupine, elle ondine, Elle… Elle, dos de lin, oscille et se balance : rythme lent, plaisir doux, souffles courts… Gabriel caresse la mère et l'enfant en susurrant ces mots fous :

— Viens, viens, c'est une prière viens ! —

Et Carmen le rassure en disant : — Voici ! C'est pour très bientôt ! — Confirmée par deux petits coups, près du cœur…

Carmen s'est levée inondée de paix, et pleine de Gabriel ; trop plein qui fuit lentement de son sexe ouvert et glisse sur ses cuisses comme deux fils blancs... Elle est entrée dans la salle de bains. Elle s’y est préparée. Et elle en est ressortie très vite en disant :

— Mon ange, viens, conduis-nous vers la vie. Viens et tiens-moi par la main. —

... C'est ce petit matin glacial de fin janvier. Le trait blafard du soleil sur le bronze de la cloche s'évanouit au neuvième coup les saluant à la porte de Quissac sur la route les conduisant à Montpellier. Deux heures plus tard, débute l'accouchement conduisant à ce trait d'humour de la puéricultrice :

— Voilà l'héritier de monsieur le Marquis aussi propre que l'exige son rang !  —

Monsieur Jorge Albert était né, exactement au troisième coup de minuit, le 30 janvier : il était né naturellement, la tête en premier. Quoique...

Le 23 février, jour de ses soixante quinze ans, Monsieur Albert de Savignac déposait dans le berceau ses titres de noblesse assortis d'un chèque à sept zéros. Et même si le chèque n’était pas encore en uros, bienheureux Monsieur Albert avait choisi de devenir gâteux devant le petit enfant : pire que le ravi de la crèche à l’enfant roi. Quant à Monsieur Gabriel, il acceptait placidement de se ranger de la scène en accédant à la volonté de son père de lui succéder à la fabrique : lui seul le pouvait encore après que Dé et sa Baronne aient décliné cet honneur... Surtout qu'eux, après plus de vingt ans voués à La Recherche, Eux refusant de cautionner sa déchéance formelle ; Eux, renonçant à garantir les divinations économico-libérales des O’Crates anti-régaliens, choisissaient de virer saltimbanques...

Mais de ça, d’Eux, on vous en tiendra compte une autre fois.

—  Qu’est-ce que ça : un O’Crates anti-régaliens ? — Ironise ma « first lectrice ».

— Non mais ! J’ai dit : une autre fois ! —

— C’est ça, c’est ça ! — Ricane-t-elle.

— Un O’Crates c’est comme un O’Connard : comme un républicain irlandais Cath’O en lutte contre l’autocratie Royale britannique ! —

Me défonds-je (c’est-à-dire : je me défends à fond en fendant l’air de rien.)

— C’est ça, c’est ça ! – Qu’elle bisse.

Là, elle chicane, ou quoi ? Vais pas rester sans répondre : j’aurai le dernier mot car il ne sera pas de moi mais de VIAN : eh vlan !

— Tu le sais bien, toi, mon très cher et tendre amour… —

En lui faisant bien entendre que chacun des superlatifs possessif de « mon très cher et tendre amour » n’est (au moins dans cette défense–ci) qu’une vulgaire ironie. Bref, en clair, je me fous de sa gueule, à « mon amour » ; je me fous de sa gueule comme dans un juste retour à la critique d’une journaleuse jalouse du style de l’auteur.

— Tu le sais bien, toi, mon très cher et tendre amour… « Si l’on me demande, à brûle chemise : — l’Innocence est-elle une vertu ? — Je ne répondrai pas, je chercherai un faux-fuyant, je dirai : — Avez-vous lu Cézanne ? — Y’a des gens qui ne réfléchissent pas. Ils répondent : — Heu, je ne sais pas — … Chercher un faux-fuyant ... Et si l’on n’en trouve pas, on peut toujours se suicider ! … »

— Roooh — Eructe –t-elle.

Et moi, j’érecte… Ferme ! Mais ma rigidité ne dure pas longtemps, car elle a déplacé la pression :

— Toujours, menacer des derniers maux, juste avec des mots : ça ne vaut rien les mots dits. Ça ne vaut rien, merde ! —

C’est ce qu’elle me dit. Et je ne peux que comprendre ce qu’elle dit, parce que ses « ots », « aux », et « os », sa bouche les accentue rondement de ses pulpeuses lèvres si désirables… Qui font se dresser mon encensoir d'amour qui n'aura de cesse qu'a être « béni ».

Et elle a encore eu le dernier mot : merde !

* * * * *

  
Par Pateric - Publié dans : Contes - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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  • : 28/01/2009

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