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Lundi 23 février 1 23 /02 /Fév 09:01
 

Les voici attablés là :

Une table ronde dans un recoin calme et discret. Une table trop vaste à son goût. Et au centre, un bouquet d'orchidées.

Ils ne se sont pas moqués de moi. — Pensa-t-il.

Elles sont vraiment magnifiques ! — Dit-elle en se levant.

Elle se pencha vers lui et le remercia d'un baiser humide et frais. Elle se rassit. La tête inclinée, elle lui sourit tendrement.

Oui ! Mais elles dérobent la danse des flammes des chandelles dans les yeux d'or de la douce Déborah qui me fait rêver.

Dit-il en repoussant doucement le vase vers sa gauche.

Je t'aime ! — Articulèrent les lèvres vermeilles de sa belle.

Il lui prit sa main gauche. Il sortit un petit écrin de sa poche et le déposa au creux de la paume ouverte en disant :

— Joyeux anniversaire d'amour ! Mon Amour. —

Il vit les joues de Déborah rosir et les pommettes s'empourprer...

Et ça le fit bander (physiquement)…

La soirée se poursuivit toute entière idyllique, toute remplie de caresses chastes, de « Je t'aime - Moi aussi », entrecoupés de plats royaux juste becquetés, arrosés de vins capiteux à peine dégustés... Ce sont des gourmets, pas des goinfres : leurs silhouettes ne démentent pas.

Ils s'aiment : c'est leurs yeux qui le déclarent le mieux…

Puis la nuit s'avança en musique : l'heure où l'on se lève pour danser.

Déborah prit la main de Marcel... Et plongea dans le bleu de ses yeux...

Puis elle se leva et approcha sa chaise de la sienne. Elle posa sa main sur la cuisse de Marcel et regarda la piste où les couples dansaient ; danses de salon en tango sulfureux, ou biguine « colé séré » qui lui firent envie.

Marcel pesta intérieurement, sinon il aurait pleuré car il sait trop comme elle affectionne de se défoncer sur ces musiques délurées : l'un des exercices favoris de Déborah. Mais au lieu de conduire ses déhanchements qui l'émoustillent :

Je suis là, tel un emplâtre ! — Pensa-t-il. Et ça ne le fit pas rire…

En regardant les couples danser, c'est le jour de leur mariage qu'ils revoient en ce moment. Chacun ses petites images dans sa petite tête…

Vingt cinq ans ! Vingt cinq jours !

Vingt cinq ans comme vingt cinq jours !

De ces jours au fil des ans, ils en ont gagné de l'expérience ; l’expérience du Monde et de la Vie en se préservant de leurs excentricités prêtant peu d'attention aux histoires et traditions populaires. Et, sur certains points, plus superficiels encore, ils restent aussi naïfs qu'au premier jour.

— Tu te souviens de notre nuit de noces ? — Demanda Déborah.

Comme maintenant ! — Répondit-il. Leurs doigts s’enlacèrent fort.

— Comme tu étais doux... Regarde ! J'en frissonne encore. —

J'avais une trouille ! La peur que je ne pourrais jamais... La vague sensation que ton intimité avait disparue : je voyais rien. —

— C'était bon ! Juste mes lèvres enveloppant ton gland... —

— Et le soleil levant dans tes yeux... —

— Et quand tu as embrassé mon clitoris ? —

— J'en avais très envie. —

— Savais-tu que pour la première fois je jouissais à m'évanouir ? —

J'ai eu peur ! Tes jambes me serraient si fort. Et toi, tu savais qu'il a fallu presque un an pour que je sois sûr que tu aimais ? —

Non. Ce n'est pas vrai ! — S’étonna réellement Déborah.

Je te jure. — Jura-t-il.

Tu te souviens quand t’es tout entré en moi ? — Divergea-t-elle.

— Oui. Je voyais tes yeux humides et je n'osais pas bouger. —

— Alors selon toi, quand avons-nous fait l'amour la première fois ? —

— Le jour où t'as crié. Je suis sorti et j'ai vu mon sexe rougi de toi. —

Ça oui. Mais c'était quel jour ? — Insista-t-elle.

Le mercredi. — Répondit Marcel sûr de lui.

Non le jeudi. — Corrigea-t-elle, sûre et certaine.

T'es sûre? — Douta-t-il.

— Absolument ! —

Ah bon ! — Marcel se gifla en ajoutant : Bien sûr : le mercredi c'est le jour des enfants ! —

Ce que, ravivant leur bonne humeur, ils se resservirent du champagne et trinquèrent à nouveau... Se repassant le film de leur vie en riant gaiement... Finalement, leur place était parfaite, puisqu'ils pouvaient parler sans que Décibels les ennuient trop...

Pourquoi aura-t-il fallu dix ans avant que nos parents admettent ce que nous affirmions : notre amour aura raison de votre haine ?

Dit-il essoufflé, comme si le souvenir de cette bataille l'avait épuisé.

Jamais le bonheur des uns, ne remplace le malheur des autres —

Répliqua Déborah avant que le souffle de Marcel ait eu fini de mourir.

Ah ! Je ne comprends pas. — Avoua-t-il

Les divorces ! Mon frère, ta sœur… Et les autres « bons partis », ça a trotté dans leur tête ! Précisa-t-elle d'un ton déterminé.

— Peut-être. Mais ils auraient pu aussi bien nous haïr plus... —

Ils ne nous aiment pas : ils se sont pliés à notre raison par absence d'argument mais ils ne comprennent pas ce qui nous lie si fort. — Expliqua Déborah.

Mais c'est simple : il n'y a rien à comprendre ! — Réfuta Marcel.

— Les préjugés Marcel... Qu’on n’ait pas d'enfants les interpelle... —

— D'un couple sans enfant ils déduisent : ils ne font pas l'amour. —

Peut-être, ou peut-être pas. Mais plus sûrement, que ce raccourci doit être arrangeant. — Compléta Déborah.

Ça te gêne... — Suspendit Marcel cherchant ses mots.

Ils pensent ce qu'ils veulent : ça m'est égal. — Se défendit-elle.

Non : ça te gêne qu’on n’ait pas d'enfant ? — Demanda-t-il.

— Ce n'est ni le verbe ni la forme adéquats... Mon amour ! —

Boum ! Sur le cul Marcel ! — Concéda Marcel.

Tu n'as jamais demandé si je désirais un enfant... Et tu n'as jamais dit que ça te ferait plaisir d'en avoir un. — Introduisit-elle.

— Nous n'en avons jamais parlé parce que c'était à toi de décider ; c'est ton corps qui l'aurait porté, c'est toi qui en aurais souffert... Si t’avais dit en rentrant, un soir : « j'attends un enfant. »… Moi, j'aurais admis ce choix et je t'aurais dit : « merci mon Amour ! » —

Moi décider ? J'ai longtemps attendu que tu me demandes un enfant ! Surtout, je ne voulais pas que tu puisses me reprocher de te l'avoir volé... — Dit Déborah

— Tu désires un enfant ? — Demanda-t-il.

— Non Marcel ! Je ne désire pas d'enfant et c'est trop tard pour. —

— Tu aurais aimé avoir un enfant que j'aurais souhaité ? —

— J'aurais adoré l'enfant que je redoutais que tu me réclames. —

— Si nous en avions parlé, il y a quinze ans, t'aurais dit quoi ? —

— Pourquoi nous n'en avons pas parlé ? —

— Pourquoi ? Sûrement parce que les discours tuent l'amour. —

— Tu regrettes ? —

— Non ! Tu te débines ma chérie ? Dis-moi. Par exemple ... —

Marcel se tut : on l’aurait cru sans argument, sans arme capable d'ébranler les retranchements de Déborah.

Oui ? — Déborah un sourire malicieux aux lèvres planta ses yeux dorés, yeux de chatte à l'affût, dans ceux de Marcel, bleu pâles de cécité. Mais il voyait bien Marcel. Et cette attitude l'excita, « Chauffe Marcel ! »

Nous nous connaissons depuis notre enfance. La première fois où nous avons flirté, tu avais dix ans. Et douze ans quand on s’est montré nus et que tu m'a offert la vue de tes seins naissants ? A treize ans, tu m'as dévoilé ton premier sang de femme. Et je t'ai vue grandir et t'embellir. Pour tes quinze ans, je caressais ton corps comme aujourd'hui. Tu ne m'as rien caché de toi... Mais des hommes, tu ne connais que moi... —

— Comme toi des femmes : tu n'as caressé que mon corps, tu n’as cajolé que mes seins, ta langue n’a excité que mes secrets : tu n’as vibré que par mes frissons, n'est-ce pas ? —

Mon amour ! Je ne regrette rien et... — S’excusa Marcel.

Moi non plus. — Répliqua-t-elle sèchement.

Ce n'est pas ce que je voulais dire... — S’excusa-t-il de nouveau.

Je sais ce que tu allais dire et ça n'a aucun intérêt : je n'ai pas d'autre désir que toi... Et aussi... Je ne te l'ai jamais dit mais je n'aime pas quand les femmes te dévisagent dans la rue ... —

— Des femmes qui me regardent ? Sûrement pas par envie ! —

Si ! Leurs yeux ne trompent pas. Et ça, ça m'irrite sérieusement. — S’irrita-t-elle très vigoureusement.

T'es jalouse de quoi ? — S’inquiéta Marcel.

— Ce n'est pas ça. Je déteste la convoitise : c'est malsain ! —

Vingt cinq septembre 1999 s'enfuit.

Ils sont assis là, se dévorant des yeux.

Vingt cinq septembre 1999 est mort.

Ce sont les seuls assis... Nombreux sont sortis, les rares autres se déhanchent jusqu’à l'indécence. Mais eux deux ne voient rien de tout ça. Ils rêvent. Toujours et Encore. Ou, encore comme toujours. Ils rêvent comme les amants qui sont étrangers au monde environnant.

Tu te fais des idées : je ne suis pas Apollon. — Arrondit Marcel.

Apollon n'est rien : toi t'es charnel et vivant. — Soutint-t-elle.

On va pas sottiser à sot attiser. — Recommença à jouer, Marcel.

Drôle de sobriquet pour un sot à briquer. — Rit Déborah.

Non ! Un sot à briquet est un sot allumé. — Plaisanta-t-il.

Et de sot en saut marqué de leur sceau à remplir plus d'un seau, ils se relanceraient sur l'orbite à calembour jusqu'à ce qu'ils décident de larguer les amarres à la marée, et de jeter le carré (ne pas confondre avec : »Se marrer dans la mare à carène », Sinon, on risque de se noyer en mer dans de l’eau douce)... Si, cet homme ci, si cet homme, là, cet homme, la trentaine environ, s'approchant de leur table n’avait demandé à Marcel :

— V’permettez m’sieur qu’j'invit’ mad’zêle. —

Madame ! — Coupa fort sèchement Déborah.

Le type se figea : il les regarda décontenancé...

— Monsieur t'invite gentiment à danser. Ça ne te fait pas plaisir ? —

Adoucit Marcel.

Tu ne danses pas, moi non plus - Confirma Déborah de son ton antérieur.

Elle dévisagea l'autre et cibla son pif : paf ! Deux balles d’or en pleine poire ! L’autre, comme un emplâtre : toujours aussi statue figée. Sauf que lui, à la différence de Marcel, paraissait l'être tout entier.

J’peux pas danser mais t'as pas à te priver ! — Arrondit Marcel.

Non merci ! — Expliqua Déborah au « David à Michel Ange ».

Il n'y a pas de mal à danser. Vas-y. Tiens ! ça me fait plaisir ! —

Déborah scruta au fond des yeux de Marcel.

Mais impuissante à y discerner un réel plaisir, elle minauda à son oreille :

— Vraiment ! Tu veux bien ? Juste deux petites alors ! —

C'est comme tu le sens.— Soufflèrent les lèvres de Marcel sur la joue de sa belle...

Elle est vraiment belle ma femme - Pensa-t-il en l'admirant.

Elle est envoûtante quand elle roule et glisse ainsi. Le tango ? C’est pour elle qu'il a dû être créé ! — Se persuada Marcel.

Comme elle danse, souple et légère. Il traîne son partenaire. —

Et il sourit. Non de la scène mais de la réflexion courant dans sa tête :

C'est pas moi qu'elles regardent les femmes dans la rue : c'est elle ! « Que peux foutre une femme aussi belle avec un schnock pareil » C'est ça qu'elles pensent ces femmes, elles me toisent : un schnock ! Déborah ? ça fait vingt-ans qu'elle a vingt-ans, tandis que moi... Moi et mes cheveux gris, on ne trompe personne. Les femmes nous croisant main dans la main ? ça les écœure : « Une jeunesse, aussi belle, avec ce vieux ! » C'est amoral : c’est insolent... C’est licencieux et honteux ! —Pensa-t-il, attristé.

Et il aurait bien pu en pleurer si cette femme ci, cette femme tanguant des hanches, ne s'était pas approchée si près, tout près, là, pour demander :

— Voulez-vous bien m'inviter à danser ce tango ? —

Pardon ? - Répondit-il (croyant plutôt qu'il avait mal entendu).

Elle se répéta. Et il avait bien entendu : au temps, go ! Et à l'heurt de l’air (dans ses tympans), sur l’heure et sans y regarder montrant son plâtre handicapeur, il s'excusa d'un geste des bras.

Oh ! C'est pas de veine ! — Dit-elle.

C'est la vie ! — Souffla-t-il nonchalamment.

Je ne vous dérange pas, je peux m'asseoir. — Joignant le geste au toupet.

Il la laissa faire et ne dit rien, préférant porter son attention admirative à sa femme plutôt qu'à la voisine d'invasion, qui de plus, paraissait bavarde.

— Je vous ai jamais vu ici, c'est la première fois que vous venez ! —

Qu'est-ce ça peu lui foutre à cette curieuse. —  Muettisa-t-il.

C'est un ami qui vous a donné l'adresse ? — Insista-t-elle.

On cherchait un lieu agréable où fêter notre anniversaire de mariage. Le patron de ma femme a dit qu'ici c'était chic et sympa et que ça ne nous décevrait pas. — Choisit de débiter Marcel espérant qu'ainsi elle le lâcherait... Mais il comprit très vite que, non, qu'elle ne souhaitait pas le lâcher.

Vous trouvez que ça l'est ? — Le questionna-t-elle à son tour.

Ça va ! — Sur un ton voulant autant dire « oui » que « tire-toi »...

C'est votre femme qui danse avec mon ami ? — Demanda-t-elle.

Ah ! C'est votre ami ! — Souffla-t-il, suffoqué.

Elle est très belle votre femme ! — Dit-elle, flatteuse.

Oui ! — Et son esprit se remit à vagabonder… Petites causes, grands effets : tu ne veux pas être sauvage, tu crois même faire plaisir, tu penses : — C'est sans vraie conséquence. — Et après ? Après, tu te retrouves envahi... C'est pareil qu'avec l'autre vache : elle te demande :

Holà ! Juste un mot ! — Et pour te remercier, elle te casse le pied... Et avec ceux-ci, dieu seul sait où ça va nous mener...

Vous connaissez les salons ? — Elle l'avait fait tomber du plafond.

Vous dites ? — Qu'il dit. Perdu sur son nuage il n'avait rien compris.

Les salons, derrière la salle et la piste. — Précisa-t-elle.

Des salons ? — S’éberlua-t-il.

— Oui. Des salons de... —

Il ne l'écoutait plus et cherchait désespérément le regard de sa femme. Mais il ne voyait que son dos…

La piste se désertifiait. Il allait paniquer et... Ouf ! Enfin ! la musique s'arrêta. Déborah quitta son partenaire et revint vers Marcel.

Il la suit ? Normal, son amie est encore là ! - Constata-t-il.

Veux-tu rentrer ? — Demanda Déborah en embrassant Marcel.

Comme tu veux ! — Mais il vit qu'elle n'avait pas envie de rentrer.

Ça vous dirait : un salon ensemble ? — Tenta l'amie du danseur.

La vache, elle est obstinée. — Se dit Marcel.

Il regarda Déborah, espérant un « non merci ! » Comme tout à l'heure : aussi sec et froid. Cette fois-ci, il ne l’aurait pas forcée. Mais va savoir, comment les choses se dérangent parfois, car ce que n'osait entendre ni comprendre Marcel, ce qu'articulèrent les lèvres charnelles de Déborah, fut loin du refus catégorique tant espéré :

— Si c’est plus confortable que ces chaises, pourquoi pas. —

C'est pas comparable et c'est plus intime ! — Assura Obstinée.

Tu veux bien Chéri ! Hé ? — Susurra Déborah : toute en miel.

Tout ce que tu veux ma Douce. — Succomba Marcel.

* * * * *

A suivre
 

Pateric©

Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Lundi 23 février 1 23 /02 /Fév 08:52
 



Un jubilé se prépare

(Un anniversaire qui revêt une importance majeure ; vingt-cinq ans du quart ultime du vingtième siècle où toutes les métamorphoses se sont précipitées sur le monde, le bousculant, le transformant radicalement et, de con en fomble : Un anniversaire de mariage. Mais il ne s’annonce pas très bien. En fait, c'est le mari qui est mal tombé, l’autre soir, en sortant du travail. Il a dérapé bêtement ; bêtement n'est pas l'adverbe (qualificatif) convenable

Il sort. Trois des ses assistants l’abordent. Là, devant l'entrée, boiteux, à deux rangs de marches du palier. Ils lui soumettent un minuscule problème resté en suspends qu'il faudra résoudre demain :

— Impérativement ! —

Il en boude d'étonnement, comme à chaque fois où ça l'agace qu'on le re-questionne au sujet d'une « constante » ; d’une valeur invariante dont, forcément On connaît déjà (car, on ne peut l’ignorer) la bonne solution...

Mais bon, c'est comme ça ! Alors ? Il vaut mieux jouer « Saint Placide » ! Alors, comme d’habitude, il va la leur redonner, la « bonne solution », comme si c'était la première fois… Sauf qu'aujourd'hui, il leur sert :

— Ah y’ah y’aïeh, Pour ce peu vous vous êtes confondus ! —

Les autres en restent médusés, surpris abrutis bouches bées.

A lui, ça le fait rire ; ça le fait rire comme un enfant riant des bouffonneries du clown. Seulement, ce n’est pas de leur ébahissement dont il rit mais de sa belle mère qu'il entend s’exclamant ainsi par son juron favoris importé de Tunisie accent compris. Ça aussi : chaque fois qu'il joue de son humour, il rit seul ...

Voilà !

La discussion est close. Ils s'en vont. Ils descendent le trottoir...

Virginie à sa droite se tord le pied. Elle écarte les bras pour se rétablir... Il veut la retenir en saisissant son bras. Leurs pieds glissent sur la plaque vergracée(*). Virginie (ou plutôt son quintal) le déséquilibre. Ils s'affalent sur la chaussée. Elle tombe sur lui.

— Ce n'est rien ! — Crie-t-elle à ses collègues l'aidant à se relever.

* * * * *

(*) Une plaque vergracée, c'est une plaque recouverte de graisse, d'huile et d'eau : ça glisse comme sur une patinoire.

Allô Chérie ! — Hurle Marcel au combiné du téléphone en cabine.

— Oui ! Dis-moi : t'as fait une galante rencontre qui t'a retardé ? —

Grésille la voix « chérie » du fond de la pastille en conserve.

Tu ne crois pas si bien dire ! – Maudit-il par ces mots dits.

— Oui mais elle vaut le retard, au moins ? Je commençais à m'inquiéter ! — Nasille la même voix « chérie ».

J'appelle de la Pitié ! — Dit Marcel shuntant l’inquiétude « chérie »

De la pitié ? De la pitié ! T'es drôle toi... — Désapprouve « chérie ».

Je m'en passerais ! Je t'appelle de la Pitié : l'hôpital ! — Corrige-t-il.

— Mon Dieu ! T'as eu un accident ? Où t'es, où t'es, je viens ... —

— « Ce n'est rien ! » Qu'elle a dit, la grosse vache qui m'a cassé le pied ! –

Dit Marcel. Et il lui raconte tout et ajoute :

— Ça m'agace prodigieusement : cette carcasse hébergeant une aussi petite cervelle, qui se croyant l'héritière d'un éclair de génie te lègue de gros dégâts. Mais ce n'est rien ! Un cuboïde, un scaphoïde, l'astragale, deux métatarsiens, et le péroné en prime. Deux mois de plâtre et six mois de rééducation ! Qu'il a dit l'ortho de l'hosto ! Ça m'apprendra à faire du zèle urbain ! Putain ! –

Maugrée-t-il au téléphone.

Et sa femme rit ; elle rit, non du pied plâtré, mais du ton et des mots utilisés pour commenter ce stupide accident. Mais, ne vous y trompez pas : elle a beaucoup de peine pour son mari. Et au fond, ce n'est pas une humeur à rire qu'elle héberge. Seulement, c'est ainsi, chaque fois qu'il lui raconte une histoire, même une histoire sanglante, il la fait rire...


Elle s’est précipitée vers sa voiture...

Elle roule vers l'hôpital. Elle est un peu triste. Une perle de larmes roule sur ses joues. Elle l’écrase d'un revers de la main.

Feu rouge.

Au coin de la rue, un homme, imposant, s'apprête à traverser. Elle éclate de rire puis chantonne l'air stupide de « au près de ma blonde » :

— C'est la grosse vache... Qui m'a cassé le pied... —

Feu vert.

Elle poursuit sa route. Auguste Blanqui, place d'Italie. Elle rit. Boulevard de l'Hôpital : c'est pas banal ! Elle rit encore. Direction la Pitié – Sale pétaudière. Elle rit : inlassablement elle ne peut s’en empêcher.

Une béquille dressée : ça c'est Marcel !

Elle rit toujours… Puis elle arrête... Plutôt : elle freine et la voiture s'arrête. Marcel ouvre la portière, claudique et s'installe. Elle sourit. Il la regarde dans le trait de lumière blafard du réverbère sur son visage radieux qui le ravit. Il se penche vers sa bouche et dévore ses lèvres :

— Humm ! Soyeux comme une pêche couverte de rosée. —

Son sourire s'épanouit, ses deux noisettes à la pigmentation dorée étincellent dans la pénombre et l’émail de sa bouche crée l'aurore : elle adore quand il lui chuchote ces douceurs qui ravivent ses souvenirs d'enfants : quand ils n’étaient que des enfants… Quand dès l'aube, elle s'enfuyait pour le retrouver dans les champs de lavandes, au milieu des mimosas, derrière la haie de bougainvilliers, dans les vergers couverts de la rosée... L'immensité montagneuse derrière eux. La mer devant, à l'infini s'unissant au ciel. Le soleil grimpant à l'assaut du firmament... Et, quand à l'heure de la sieste prenant de la hauteur ils escaladaient la paroi rocheuse et gagnaient le maquis…

Elle se souvient de tout ça comme si c'était hier ; elle se souvient de leurs dialogues « enfantins d'adultes inexpérimentés » ; elle se souvient la douceur de leurs caresses comme celles de la brise sur sa peau ; elle se souvient la chaleur du soleil sur leurs corps nus comme celle des mains de son « homme ».

Ils se découvraient, comme des explorateurs en quête d'inconnus, comme quand on joue à s'ausculter ; ils jouaient de leurs émois dressés ; jouets aux chairs roses et à la rosée nacrée ; jouer à jouir de soupirer... Mais ils refusaient encore de se consumer à se consommer ...

Elle n'avait pas quinze ans. Il paraissait bien plus que ses dix sept.

Mais ce n'étaient que des enfants qui étaient heureux comme des grands (car ils ne savaient pas ce que cache le « bonheur des grands ») qui s'aiment encore comme... ils ne le savent plus eux-mêmes (les grands) : possèdent-ils seulement les bons mots : « les mots à s'expliquer » ?

Mais à eux, enfants, leurs étaient-ils utiles ?

Eux ? Ils se connaissaient, des frissons de la chair jusqu'aux tréfonds de leurs cœurs, comme les grands laissent à le voir ou à le faire croire...

Et leur virginité ?

Pouvait-il exister d'autres gages à leur bonheur ?

* * * * *

En empruntant la rue Daguerre qui conduit vers le parking de leur appartement de la rue du Maine, elle dit, d'une petite voix :

— Demain, je téléphonerai pour dé-commander le repas. —

Surtout pas ! Je ne suis pas encore là ! - Répliqua-t-il en tournant sa tête

vers la droite, en direction du mur d'enceinte du cimetière du Montparnasse.

Elle pouffa en disant :

— Encore heureux. Je ne me suis jamais préparée à jouer le rôle de la veuve joyeuse ! —

— Pourtant ! Tu portes le noir comme le blanc : à froisser. —

— Sûr ! Ce n'est pas toi qui repasses ! — Défroissa-t-elle.

Ça fait pas un pli — Marqua-t-il...

Et on pourrait entendre leurs enfantillages jusqu'à demain car c'est ainsi qu'ils se sont toujours plus... à masquer leurs tracas. Néanmoins, ce soir elle était un peu déçue par cette sournoiserie de la vie qui gâchait sa célébration d'un quart de siècle de bonheur matrimonial...

Ça fait rien ! On le fêtera en tête à tête égoïste ! — Balbutia-t-elle.

Pourquoi diable ! Vais pas me cloîtrer ! — Rétorqua-t-il agacé.

— C’est inutile d'aller dépenser, si tu ne peux pas danser… —

Se justifia-t-elle... Elle est comme ça Déborah : économe. C'est son gros défaut à Déborah : elle est économe, par atavisme comme par plaisir ; elle est économe depuis les leçons de sa mère jusqu'à son métier...

Déborah a toujours compté. Et elle compte encore beaucoup, et elle compte aussi pour les autres… Ne répugnant même pas à sermonner son patron :

Vous dépensez trop à inviter vos clients. Ils vous rapportent moins que ce qu'ils bouffent ! Ce mois-ci, pas de restaurant. —

Lui interdit-elle. Et il ne moufte plus : la dernière fois où il s'était moqué d'elle, il avait gagné le bénéfice d'un redressement fiscal qui l'a dressé

...

— D’accord ! Avec mon pied cassé, je ne pourrais pas danser mais je n'ai pas l'estomac dans les talons que je sache ! Puis, je ne vais pas rester planté… tel un emplâtre…. — Il jongle avec les mots.

C'est plus fort que lui.

Et elle, elle en rit : elle n'a jamais su se retenir, lui donnant à croire qu'il sait bien manier le calembour ou pire encore, qu'il est le roi de l'humour ...

* * * * *


C'est le « grand soir » : le vingt cinq septembre de l’agenda en était noirci ...

Il sortit son smoking : celui du grand jour. Il y a vingt-cinq ans. Il lui allait aussi bien que si c'eût été hier qu'il ait dit : «  Oui ! » Enfin, pas exactement aussi bien car elle fut obligée de découdre vingt centimètres de tissus au bas de la jambe pour permettre au plâtre de passer :

Dommage ! Je ferai pas mieux : il restera abîmé à cette jambe ! —

Dit-elle sur un ton de désolation de fin du monde. Il répliqua illico :

— Au diable les varices ! —

Elle enfila sa robe du soir en satin pastel bleu isatis, celle que Marcel lui avait offerte pour leurs dix ans de mariage fêtés à Venise. Le fourreau la sculptant merveilleusement flattait tous les méandres de son corps.

— Ah ! Pour sûr mon amie ! Si ma peur du dentiste, en ce veule retranchement ne me contenait, pour ne point être formaliste, pour sûr ma Mie, je vous croquerais ! —

Déclama-t-il sur le ton du Sociétaire de la Comédie donnant sa réplique à Ophélie... Il attisait la flamme tandis qu'elle chaussait ses escarpins de feu. Elle ne rit pas. Mais, elle sauta à son cou et lui mordit les lèvres, doucement, en bafouillant, tendrement :

— Les pfdenpfistes zve m'en broffe ! —

... Il lui offrit l'appui de son bras, solennellement. Il chercha l'appui de sa béquille, maladroitement. Et ainsi, cahin-caha, ils sautillèrent, cabotins cahotants, vers l'ascenseur... C'était le grand soir qui s'annonçait très gai…

* * * * *

Vingt cinq septembre 1974...

Ils s’épousèrent au cœur de la révolution sexuelle pour fuir autant la libéralisation des mœurs que l'archaïsme des traditions familiales...

Et ils survivront à tous les effondrements qui surgiront autour d'eux.

A celui des crises des couples gravitant dans leur environnement comme à celui des crises d'angoisses populaires. Qu'elles aient été engendrées par la faillite économique, par la ruine sociale, par la déliquescence industrielle ou par d'autres syndromes comme le SIDA, elles leur semblent étrangères.

Lorsqu'on les connaît un peu, on s'étonne toujours en constatant que toutes ces péripéties d'Histoire ne les laissent pourtant pas indifférents. Cependant, on croirait qu'elles sont passées autour d'eux, sans même glisser sur eux

Vingt cinq septembre 1974

Elle a dix sept ans et neuf mois. Lui, aura vingt ans dans trois mois.

— Des enfants qui se marient, c'est possible encore aujourd'hui ? —

S'étonnait la petite foule réunie devant la mairie de la Gaude.

C'est possible : eux l'avaient fermement décidé depuis longtemps ; depuis qu’ils se fréquentaient, c'est-à-dire, depuis l'école primaire...

Alors, quand cet ouvrier agricole les croisa, enlacés dans les genêts du rocher coiffant la colline qui surplombe le village, au loin, et qu'il les charria, ils répliquèrent sans rire :

— Nous sommes « fiancé ». Voici deux ans déjà. —

— Qué lù say ? Fianzati ? I dé qual bendiziona : à l'insú de tutti ! —

Se moqua-t-il d’un accent tendancieux (du col de Tende).

Notre amour est peut-être secret mais il est vrai. — Se défendirent-ils. Et, la nouvelle réjouissant pas mal de monde, courut dans tout le village comme la traînée de foudre embrase le ciel.

Plus d'escapades dans les collines, les champs, ni de baignade à la plage d'Antibes ...

Gronda le père de Déborah.

Un LLANES ne fréquente pas la fille d'un négociant Juif !

Hurla le père de Marcel...

Maintenant, tout le monde avait été «au parfum» ! Comme on dit Ici.

Mais ce ne fut Rien ! Déborah et Marcel étaient déjà du genre à riposter à une escarmouche aussi banale : « C’est plus le moyen âge bordel ! ».

Ils demandèrent l'arbitrage du maire contre l'avis de leurs familles et leur haine par intérêts coutumiers.

Je ne peux pas faire grand chose pour vous. A part que j’ai le pouvoir de vous marier… Si vous me le réclamez officiellement. —

Pas « grand-chose » !

Choisir entre « rien » et « pas grand-chose » ?

Rien de plus facile ! N'est-il pas ?

... Vingt cinq septembre 1974...

Quinze heures trente.

Dans sa robe de mousseline blanche, une couronne de perles et de fleurs tressées dans ses longs cheveux noirs, Déborah ressemblait à une déesse grecque.

Dans son habit d'apparat anthracite, Marcel se dandinait comme un pingouin cherchant où se glisser.

Mais les familles n’étaient pas là pour se moquer d’eux, sauf la grand-mère maternelle de Marcel. Mamie Maria.

Elle ne se moqua pas, elle. Elle, ravie de la bonne blague par laquelle les enfants bernaient la raison des « gens mûrs », elle se plût à jouer le rôle de la bonne fée en accomplissant des bienfaits auxquels on est incapables de rêver : La robe, le smoking, les alliances... Et le repas de noce pour les autres enfants (une quinzaine de copains copines, acteurs engagés de la farce)… Et aussi le petit appartement de Nice… Et surtout, la petite rente... Et encore le voyage de noce. Mais ce sera pour Noël prochain dans la maison de Patrimonio : Mamie GRAZIANI a quelques biens... Et surtout de bonnes vignes !

Vingt cinq septembre 1974...

Quinze heures trente cinq. Ils se sont dit : "OUI ".

Ils sortirent de la mairie. Ils quittèrent la Gaude pour toujours.

Sur les hauts de Cagnes, chez un copain dont le père avait prêté une remise, ils s’étaient réunis pour « nocer » jusqu'au bout de la nuit ...

C'est à ce jour qu'ils repensaient aujourd'hui.

* * * * *

A suivre
Pateric©

Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Samedi 7 février 6 07 /02 /Fév 10:50

Traitements

Je regardais attentivement la jolie jeune femme enceinte allongée sur mon divan. Et je me demandais encore ce qu'elle faisait là.

Au premier jour, dans le beau et gai sourire de ses lèvres pulpeuses, de son visage de madone florentine, de l'éclat de ses yeux d'or dans leurs écrins d'amande douce, juste avant de s’asseoir face à moi, elle avait dit :

  • Docteur, je suis enceinte. —

  • Ça n'est pas un syndrome psychiatrique connu ! — Avais-je plaisanté.

Elle me l'avait dit certainement parce que son corps aux courbes et aux galbes quasi parfaits n'en laissait rien voir.

  • Vous avez l'air d’en être heureuse. Qu'est-ce qui vous chagrine ? —

  • Depuis deux ans, je fais d'horribles cauchemars, docteur. Alors je me suis décidée à consulter un psychiatre car je veux préserver mon enfant. —

  • C'est bien : vous avez raison de vous y prendre tôt car ... —

  • Je sais docteur. Je ne suis enceinte que de sept semaines mais déjà je sens très bien cette petite vie en moi. Et j'ai surtout besoin de cette thérapie car je ne veux pas que cette vie souffre de mes faiblesses. —

Alors, elle avait entrepris sa thérapie, qui ne l’était pas vraiment, en débutant l'histoire de sa vie par :

  • J'ai quinze ans et lui dix huit et demi... —

Aujourd'hui, tandis que le regard tourné vers la lumière du jour filtrant entre les lames du store vénitien elle parlait de son amour pour son amie Sylvie, je me demandais ce qu'elle faisait là. Et je souris, non sans me demander si au cours d'une séance elle avouera ses penchants saphiques, et, plus sûrement, confirmera sa bisexualité avec ce ton effronté qui lui va à ravir et à damner. Non pas que l’un ou l’autre de ces penchants me convienne mieux mais simplement parce que son naturel démystifie nombres de préoccupations moralistes. Puis, je doute que Marisa soit aussi perverse qu’elle se plaît à le prétendre : je suis certain que ce n'est qu’un bouclier pour se préserver de je ne sais pas encore quoi…

Jusqu'alors, Marisa avait exposé ses aventures, disons sexuelles, avec une légèreté et une audace suaves ; avec une volupté et une sensualité délectables… En fait, elle avait introduit curieusement le récit de sa première expérience fantasmatique, c’est-à-dire, en flattant son mari :

  • J'avais une amie... Et je fantasmais le corps de Jacques honorant cette fille splendide. Je rêvais que ma main unissait leurs sexes, que ma bouche les stimulait, que ma langue les flattait, et que... Chaque fois que je jouissais de Jacques, c’est elle que je voyais jouir...

Frissonna-t-elle.

Un jour que les mains de Marisa enduisaient le dos de cette amie de crème solaire, elle sentit son cœur qui accélérait. Elle prit peur et lui demanda :

  • T'es pas bien ? — Son amie répondit :

  • Au contraire : c'est comme une douce caresse ! — Répondit-elle.

Cette réponse avait affolé Marisa…

Le même soir, dans les bras de Jacques, elle le caressait nonchalamment, il la caressait tendrement… Quand il dit à son oreille : 

  • Tu rêves Marisa… Mon amour, tu rêves à Myriam —

Marisa s'en défendit et lui mentit :

  • Faudrait pas prendre tes désirs pour mes réalités. —

Il l'examina lentement et dit doucement :

  • Je t'aime comme il est impossible de l'exprimer et je souffrirais si tu me trompes… —

  • Pourquoi ou comment je te tromperai ? — Hurla-t-elle.

  • Marisa, t'es libre tu le sais bien. Jusqu'ici, tu n'as connu que moi, n'est-ce pas ? C'est la morale qui t'y a forcée. Je veux que jamais tu me le reproches. Si t'as des désirs que tes fantasmes ne peuvent assouvir, libères-les. Je te demande qu'une chose : ne me caches rien. — Lui dit-il très amoureusement.

  • Je n'ai d'autre désir que toi. Baises-moi au lieu de dire n'importe quoi ! — Persista-t-elle à nier.

  • Tu crois que je suis aveugle, tu crois que je n'ai rien vu... —

  • Jacques ! Je n'accomplirai cette tentation et ses caprices, que si tu acceptes de les vivre et de les partager avec moi. —

Et Myriam ne resta qu'un fantasme qui s'estompa peu à peu…

... Jacques avait un ami, un peu plus âgé qu’eux. Véritable hédoniste, noceur dissolu, il partageait sa vie entre les plaisirs de la gastronomie fine, de vieux alcools, de la peinture romantique, d'une belle et hardie libertine, de parties de couples raffinées et gourmandes aussi pornographiques que bisexuelles…

C’est tout ce charmant petit monde qui ouvrit leur esprit et leurs sens autant à l'impertinente concupiscence qu'à la licencieuse béatitude …

Mais je ne vous rapporterai pas les histoires de Marisa : ce serait comme si je la trompais ou si je violais ses secrets et ses confidences. Pire, j'enfreindrai la déontologie de ma profession.

Vous espériez des descriptions libertines, licencieuses, voire orgiaques ? Erreur ! Il n'y en avait aucune dans ses récits.

Et même si ses images empruntaient au style du pornocrate, je n'y trouvais, moi, que belle poésie.

Mais on n’était pas là, et on n’est toujours pas là, "ici-là", ici et là, çà et là … pour se perdre dans ce genre de considérations esthétiques ou culturelles.

Et comme nous, elle et moi, nous n’étions pas ici pour philosopher…

Marisa affirmait qu’elle aime le corps de Sylvie :

- J'aime son corps mince, frêle, j'aime sa peau fine et laiteuse... J'aime ses seins, ses hanches adolescentes, ses cuisses... Mais, c'est la seule trace pileuse sur son corps qui m'attire le plus : son sexe à la toison pubienne douce au léger petit triangle doré ; la pointe d'une flèche semblant pointer l'entrée du con sis là... -

  • Mary, je t'aime ! — Lui avait avoué Sylvie en frissonnant entière.

Le corps de Marisa frissonna aussi et son coeur s'affola ; elle soupira :

  • Je t'aime fort ma Sylvie !

  • Mary, tu veux travailler avec moi ?

  • Je voudrais vivre avec toi ! —

C'était sorti dans un souffle incontrôlable, Sylvie serrée contre elle, son corps épousant le corps de Sylvie, ses lèvres collées sur la bouche de Marisa. Lovées imbriquées, seins gonflés de désirs, tétons érigés de plaisirs, clitoris turgescents d’amour...

Souvent au lieu de regarder le spectacle on prend plus de plaisir à le jouer : s'installer en prière, écarter les cuisses comme les pans d'un voile autel. Tremblante, approcher ses lèvres du calice qui sent… le lait. Se souvenir des baisers qui l'ont faite chavirer, s'efforcer de les reproduire à la langue près… Et sentir sur sa pointe, les pétales s'humecter du stupre au piment âcre contrastant à la saveur sucrée des lèvres nacrées ... Ça, ça excitait tous ses vices. Et leur cantique ressemblait à des onomatopées automates…

Ce dimanche où elles choisirent de travailler ensemble, elles décidèrent aussi de vivre tous ensemble, sous le même toit, de s’unir définitivement pour ne former qu'une famille sans aucune limite de conscience. Et si, ils y trouvèrent beaucoup de plaisirs, ils y découvrirent également, encore plus de tendresse, d'affection, de complicité et de communion intellectuelle. Et, peu de temps après, ils avaient compris qu’ils n'avaient nullement besoin de consumer leurs chairs pour s’aimer...

  • Mais je voudrais conserver tous ces plaisirs… Vierges… —

  • Certainement : le souvenir de ces plaisirs vous procure toujours du bonheur. Alors, à notre prochaine séance, vous essayerez plutôt de parler de ces cauchemars qui vous font souffrir ? —

Avais-je conclu cette séance.

  • Oui, je crois que maintenant j'en aurais le courage. —

Marisa était partie, pimpante, souriante, légère, en me laissant la certitude qu’elle aimait Sylvie et Jean-Pierre... Comme Jacques. Et vice-versa.

Ainsi, Marisa ayant parachevé la mise en scène de leur couple à quatre têtes, j'étais persuadé que nous arrivions, très bientôt, au terme du dénouement… Au dernier acte avant l'épilogue…

Ils habitaient alors dans une commune à l'est de Marseille où régnait encore la campagne, le chant des oiseaux et des cigales. Un vaste village, sans supermarché ni zone industrielle ; le bourg calme d’un village charmant, encore un peu sauvage, bâti à flanc de collines couronnées par le Garlaban où Pagnol situa nombre de ses intrigues si typiques de la folklorique tradition provençale friande de cancans. Cette fâcheuse tradition de clabaudages imposant une vigilance extrême, ils avaient emmuré leurs écarts de principes. Néanmoins, le voisinage les affubla de la sale réputation de délurés sous cette seule apparence que, deux couples qu'aucun lien du sang ne liait vivant sous le même toit, c’était pervers ; une tradition infect incitant à tagger des calomnies sur leur portail ; une tradition odieuse se votant le droit d’alerter les inspecteurs de la protection infantile et les gendarmes qui cherchèrent en vain à établir des preuves de parents mal traitants : loge secrète, ou adeptes du Marquis... Toutefois, les controverses du Droit conduisant parfois à la Justice, ces infâmes accusations s’écroulèrent devant le tribunal qui prononça une relaxe assortie de cette sentence :

« Nulle loi interdit à des familles hétérogènes de partager le même toit »

La Justice leur accorda le droit inaliénable d'en jouir ensemble, s’ils le souhaitaient, précisant qu’aucune loi interdit le naturisme dans son jardin si, comme chez eux, la hauteur des murs protège de tout voyeurisme involontaire... Et puis, leurs trois enfants bénéficiant seuls du second étage, chacun y ayant sa chambre et jouissant ensemble d’une pièce commune servant de salle de jeux, la Justice déclara qu’ils étaient plus favorisés que nombre de fratries... Le premier étage était classique : cuisine, séjour, salon bibliothèque ouvrant sur la Terrasse piscine surplombant le jardin. Le rez-de-jardin abritant les chambres de parents, n’était pas davantage un antre de stupre... Ainsi, leur procès en diffamation, octroya de confortables dommages et intérêts aux enfants en réparation des préjudices psychologiques qu’ils avaient subits : préjudices reconnus par des experts au dessus de tout soupçon…

  • Quel âge avaient vos enfants, à cette époque ? — Demandai-je.

  • Sophie, treize ans, Pierre, onze ans et David, dix ans.  —

  • Ils étaient assez grands pour qu'on entende leur avis. — Dis-je.

  • Oui. On l'a entendu. Minutieusement même ! Mais vous connaissez les médisants. Tenez ! Je me tais : ça m’irrite. Quand je m’agace, souvent je pleure. Vous ne voulez pas que je pleure ? —

Dit Marisa en se levant du divan et en riant gaiement.

Cette séance aussi se termina sans qu’elle ait parlé de ses cauchemars.

Trois semaines après, Marisa était revenue dans mon cabinet :

  • J’ai fait faux-bond ces deux dernières semaines. Excusez-moi. Jacques avait des soucis : nous sommes descendus chez nous ... —

  • Je comprends... — Balbutiai-je, comme celui qui, indubitablement, ne comprend rien.

  • Docteur ? Docteur vous croyez que je suis dérangée ! —

  • Pas le moins du monde Marisa ! Je songeais à autre chose. —

  • Mes histoires vous manquaient. — Affirma-t-elle de son inimitable sourire taquin.

  • Je ne sais pas ce qui me manque ! — Chuchotai-je...

Marisa reprit le cours de sa thérapie comme si elle m'avait quitté hier… Je songeai :

  • Je suis amoureux de Marisa. Je ne dois pas me le cacher : je suis amoureux de son visage, de son corps, de sa voix ; je suis amoureux de son érotisme, de sa sensualité et de sa lascivité ; je suis amoureux de son audace épicurienne et libérale ; je suis jaloux de l'histoire épique de sa vie : jaloux ! —

J'étais songeur.

Je l'écoutais à peine quand, soudain j'entendis ce qui, enfin, devait être révélé :

  • Parfaitement heureux durant dix ans... Jusqu'à cette tragédie ... —

Puis, il y eut un silence qui dura longtemps.

N'y tenant plus, je demandai :

  • Comment ça, une tragédie ? Un accident ! C'est ça la raison de vos cauchemars ? —

  • Oui docteur... —

Et je vis son visage se crisper. Et ses yeux se fermer. Et des larmes, filtrées par ses longs cils noirs, rouler sur ses joues... Et un sanglot, profond et sourd, l'agiter.

  • Vous avez été témoin d'un accident horrible qui est à l'origine de vos cauchemars ? C'est ça ? ça vous rend malheureuse au point de perturber vos amours ? —

... Sa bouche resta muette mais les soubresauts qui agitaient son corps le confirmaient pour elle.

Comme je cherchais à comprendre, autant les raisons que leurs conséquences, l'idée qui résonna dans mon esprit me fit frissonner entier.

C'était ça ! Bien sûr !

  • Votre mari n'est pas la victime de cet accident, puisque vous m'avez parlé de ses petits soucis en souriant. C'est Sylvie, ou Jean-Pierre ou ... —

Marisa poussa un cri strident et puissant...

Mes oreilles sifflaient, ma tête bourdonnait et, un instant, je faillis perdre l'équilibre. Marisa pleurait et criait, gesticulait et roulait sur le divan. Croyant qu'elle pouvait se blesser, à s'agiter de la sorte, je me précipitai sur elle et la saisis fermement aux épaules mais la force de sa douleur manqua de me projeter à terre. Ne trouvant pas d'autre solution, je la couvris de mon corps. Elle s'agrippa à mon cou et cessa de pleurer : net. Elle rouvrit ses yeux. Ils brillaient comme des pépites d'or pur sur des écrins de nacre. Nos yeux se croisèrent et je craquai. Elle sourit et j'embrassai son sourire. Mon cœur battait comme tous les tambours de la cavalerie. Je voulus me lever mais elle me l'interdit. Notre baiser fut brûlant... Et brillant…

Marisa raconta sobrement, dans le style des fait-divers qu'on lit dans les journaux, un peu comme s’il avait été anonyme

Alors que...

L'accident s'est produit en février 1990, au retour du ski, sur l'autoroute, entre Chambéry et Grenoble. Il y eut un ralentissement très brusque qui n'avait pas de raison apparente sauf qu'il tombait une pluie verglaçante.

Un camion arrivant derrière a dérapé en freinant. Parti en travers, il a percuté la voiture de Sylvie et de Jean-Pierre de trois quart face, l'entraînant dans le talus en contre bas, ne laissant qu'un amas de tôles…

Marisa, Jacques, et leur fils, les suivaient, à cinquante mètres environ. Quand ça a freiné, ils ont vu Jean-Pierre se déporter à droite, sur la bande d'urgence. Devant, ils ont vu de la tôle voler. Jacques imita Jean-Pierre. Ils étaient arrêtés quand le camion les a dépassés en accrochant légèrement la voiture de Jacques. Sa semi, en glissant sur la gauche, a dépassé le tracteur qui a bondi vers la droite. En se couchant il est venu percuter la voiture de Jean-Pierre et l'a entraînée dans le fossé. Marisa, Jacques, et leur fils, indemnes, aux premières loges, avaient assisté impuissants au drame qui emporta leurs amis en un instant ; inaptes à modifier le cours du temps, incapables à faire se coucher le camion ailleurs, ou mieux, à tout effacer, comme on le fait au cinéma quand la scène est mal jouée ou que la prise est mauvaise.

Mais là, tout était mauvais : le scénario, le jeu, l’image, les couleurs, le son...

Le film entier est à mourir. Ils sont anéantis et leurs amis broyés...

  • Voilà Docteur ! Ce cauchemar me hante depuis quatre ans. C’est avec lui que je vis. C’est de lui dont je n’ai jamais pu me délivrer jusqu’alors : je ne pouvais en parler à personne, même pas en parler à moi seule sans hurler... —

  • Et votre mari, comment le vit-il ? —

  • Jacques ? Il est peut-être plus perturbé que moi, mais il le cache bien... Enfin ! Il a fallu que je le surveille longtemps : il voulait se suicider. —

  • Plus maintenant ? —

  • Plus depuis que je suis enceinte. Rendez-vous compte, enceinte dix-neuf ans après David. —

  • Vous croyez au hasard ? —

  • Ah ça non ! — cria-t-elle — Ne m'en parlez pas ; ne me parlez pas de ce putain de hasard qui présiderait ma vie, ni de cette putain de destiné qui châtie les hommes pécheurs. ça non ! Je ne veux pas en entendre parler. —

  • Admettez-vous que votre bébé est un cadeau de la Vie en compensation de la mort qui vous a ravi vos « amours » ? —

  • Mon bébé est le bienvenu. Je l'aime pour ce qu'il est : pas comme substitut à la disparition des êtres que j'aimerai toute ma vie. Je ne suis pas ici pour les oublier, ni pour guérir de leur absence (ils me manquent mais je n'en souffre plus) ; je suis ici pour trouver le remède contre les cauchemars démentiels que me laisse la vision permanente de cet accident ; je suis ici, je vous l'ai déjà dit, parce que je ne veux pas que mon bébé souffre de ma folie. Vous me comprenez ? Vous pensez que vous pouvez m'aider ? —

Je la regardais fixement. Cependant, je l'écoutais distraitement... Je songeais à...

Mais je n’arrivais pas à savoir ce qui me troublait l’esprit. T

outefois, je savais parfaitement que j'enrageais (cette fois encore) contre l'injustice de la mort...

Marisa me secoua…

Et je vis que j'étais à demi allongé sur elle. Je m'excusai en me relevant :

  • Je sais pas à quoi je pense. —

Alors, avec son sourire d'arrogante félicité elle affirma :

  • A quoi vous pensez ? Docteur ! Je connais cet éclair dans les yeux d’un homme s’amorçant dans mes yeux. Je sais très bien ce qu’il signifie. Vous aimeriez trop me faire l'amour, oui ! Qu'est-ce qui vous retient ? Votre métier ? Votre déontologie ou ma folie ? —

  • Vous n'êtes pas folle Marisa mais ... —

  • Vous me trouvez perverse, vous aussi ! —

  • Rien à voir : je n'ai jamais fait l'amour avec une patiente. —

  • Je n'ai jamais fait l'amour avec un psy. —

  • Vous voulez faire l'amour avec moi ? —

  • Ne renversez pas les rôles docteur ... —

  • Et avec votre mari ... —

  • Ne vous inquiétez pas docteur. Je fais toujours l'amour avec lui et souvent. La seule nouveauté, c'est que depuis que je le connais ce serait la première fois que je ferais l'amour sans lui. Et je ne le lui cacherai pas : c'est écrit dans notre pacte. —

  • Que voulez-vous dire ? —

  • Docteur ! Si vous me désirez, dites-le. Ne tournez pas autour du pot : dites-le ou je m'en vais tout de suite. —

Je n'allais pas lui mentir…

Ni me mentir à moi-même...

Nous fîmes l'amour. Ce fut splendide ! Marisa était magnifique.

Son corps, aux seins lourds et au petit ventre rond de femme enceinte de cinq mois, mais restant très racé, élancé et musclé, était superbe...

Marisa est une vraie déesse de l'amour, expérimentée, subtile, jouisseuse, et mieux encore, qui ne cache aucun de ses plaisirs, ni celui qu'elle donne, ni celui qu'elle prend.

Cette séance, qui devait être la dernière, dura quinze minutes... Et une heure.

En me quittant elle dit, avec ce sourire polisson que je n'oublierai jamais et qui me poursuivra jusque dans la tombe :

  • Vous voyez docteur, quand je ferai l'amour avec Jacques, je ne fantasmerai plus l'amour qui nous unissait à Sylvie et Jean-Pierre parce c'est de vous que je fantasmerai. Et je suis sûre que je n'aurais plus aucun cauchemar. —

Je resterai toujours amoureux de Marisa.

Et je me satisferai de vivre mon chimérique amour dans mes fantasmes. Et dans ceux de mes patients comme dans une virtualité obsessionnelle ; dans les extravagants et fantaisistes fantasmes obsessionnels.

Au fond, Marisa n'avait jamais eu besoin d'aucune thérapie.

Elle avait eu simplement besoin de parler avec quelqu'un qui n'avait pas le droit de la juger. Elle avait eu besoin de faire le deuil de la mort physique de son amour ; elle avait eu besoin de parler de la disparition charnelle de Jean-Pierre et de Sylvie ; elle avait eu besoin de verbaliser le lien spirituel de cet amour ; besoin de parler pour rester forte pour les hommes de sa vie ; Forte pour Jacques, pour David et pour l'enfant qu'elle attendait ; Forte pour le gage de la Vie qui arrivait…

Et finalement n'était-ce pas, peut-être, pour n'en parler qu'à l'enfant qu'elle portait, comme pour lui avouer qu'il est, et demeure, la quintessence de toute sa Vie ?

J'ai raconté à ma femme, cette tromperie avec Marisa

(Car il s'agit bien de ça).

Elle a refusé de me croire et pense que je perds les pédales.

ça ne fait rien : les rêves et leurs utopies, ne sont-ils pas toujours plus doux que la réalité ?



Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Samedi 7 février 6 07 /02 /Fév 10:47

 

Découvertes

  • Ça te plaît autant, les délires sexuels ? — Lui demanda Sylvie.

  • Y'a pas de secret... Et ça tient souvent à peu de choses. 

  • Parfois, ça conduit même à de belles choses. — Sourit-elle...

Jacques venait d’accéder à des fonctions professionnelles imposant du « dialogue ».

Mais par-dessus tout, ces fonctions engendrèrent une rencontre et une amitié décisives pour leurs vies... Jacques la présentera à Philippe, son Directeur, à Jean-Pierre et à sa femme, à quelques techniciens et à leurs femmes. Ils lieront des amitiés simples, avec quelques-uns  mais ne trouveront personne d'autre que Jean-Pierre et Sylvie avec lesquels lier "amitié particulière". Même pas avec Philippe qui pourtant affichait son libertinage sans retenue. Certes, ayant plus du double de leur âge, il pouvait sûrement s'afficher sans craindre pour l'avenir de sa carrière. Toutefois, ce n'est ni en raison de son âge, ni en raison de sa "position supérieure" que Marisa préféra limiter poliment leurs débauches à la grivoiserie de leurs calembours : c'était seulement parce que son libertinage étéit bien trop dévergondé pour ses goûts...

Jean-Pierre et Sylvie allaient sur la quarantaine. Marisa s'entendit assez vite avec elle et bientôt leur intimité fut telle qu'elle leur fit partager quelques confidences sur leurs marisUn jour, à la plage avec leurs enfants, Marisa trouva Sylvie lasse... Sylvie lui avoua :

  • C'est Jipé : toute la nuit... Je suis toute molle. Mais je n'en suis pas fâchée. Il est toujours gourmand mais là, il a été insatiable. —

Sylvie la dévisagea et dans ses yeux Marisa lut tout le plaisir qu'elle avait eu. C'était également l’un de ces jours où Jacques l'avait tant butinée qu’elle ne pouvait pas marcher les jambes serrées : Marisa lui confessa que, elle-même... Et discrètement, Marisa dévoila à Sylvie la preuve réelle par la turgescence du bouton.

  • Ooh ! Comment fait-il ça ! — S'exclama Sylvie.

Marisa s'entendit lui répondre sans réfléchir mais sérieuse :

  • T'as qu'à lui demander si tu veux ! —

  • Chiche ? — Sourire coquin dans les yeux.

  • Chiche ! — Ferme… Et prête à parier que ce n'est qu'un jeu, « pour de rire ». et pour vérifier que Sylvie ne misera que peu d'enjeu sur la partie, Marisa distribua la donne :

  • T'as déjà eu des amants ? —

  • Avant ou après Jean Pierre ? — Se camoufla Sylvie.

  • Après ! Avant ça ne compte pas. — Répliqua sérieusement Marisa.

  • Et toi ? — Sylvie connaissait l'astuce : je réponds à une question par une autre question... Marisa aussi, étant douée à ce petit jeu ci, la partie aurait pu durer. Mais comme Marisa voulait obtenir une réponse précise, elle répliqua sans périphrase :

  • Oui. Six. Tous en même temps ! —

  • En même temps : durant la même période ? — S’étouffa Sylvie.

  • Oui ! — Affirma clairement Marisa.

  • Et tu les as encore maintenant ! Jacques était au courant ? —

  • Oui ! —

Sylvie la regarda cherchant la signification de son Oui !

  • Tu sais, on se cache rien. Il est présent aussi ! Et c'est pas sérieux : juste pour s'amuser. Pour la détente quoi ! Et toi ? —

  • Eh bien... – Hésitait Sylvie… — Eh bien… — Coinçait-elle…

  • Piégée Sylvie ! Tu devras répondre « oui » ou « non » ! — Jubila Marisa intérieurement. Pressante elle ajouta : — Alors ? —

  • Comment dire… Pas de vrais amants non plus… plutôt des amis avec qui…—

  • T'as fait des partouzes, quoi. —

  • Non, non ! Pourquoi ? T'en as fait, toi ? — Sembla-t-elle s’offusquer, et en tout cas, son ton cachait mal son trouble.

  • C’est ce que j’ai dit : tous en même temps. —

  • Moi, non… C’est juste, entre femmes… Nos maris regardent… —

Alors Marisa raconta par le détail et sans omettre le plus « croustillant ».

Et Sylvie lui fit jurer qu’elle avait aimé... Mais finalement, la sentant plus étonnée, ou troublée qu'incrédule, Marisa lui demanda :

  • Ça t'intéresserait, que je te fasse essayer ? —

Sylvie resta muette quelques secondes :

  • Je ne crois pas que j'en aie le courage. — Souffla-t-elle

  • Tu n'as pas le courage... Ou alors, c’est Jean-Pierre qui ne serait pas d'accord ? — Insista Marisa.

  • Oh ! Jean Pierre ! Si tu lui proposes de s'envoyer en l'air... –

  • Ah ! Oui ? — L'interrompit Marisa, séduite :

  • Jipé me plaisait bien... Et Sylvie… Peut-être encore plus. —

Me précisa-t-elle.


*     *      *      *      *


Sylvie et Marisa, possédaient d’autres points communs : le même métier, le même goût des livres, la même petite taille et des maris physiciens partageant les mêmes engouements et passions. Y compris les plaisirs du sexe, même si Marisa étaient sûre qu'ils n'avaient jamais abordé ce sujet ensemble, car les physiciens sont discrets ; si discrets que tout le Monde ne se les représente toujours que comme ’’têtes en l'air’’ perdues dans les étoiles ; des farfelus, fantasques, singuliers, fades... Capables de ne s'occuper qu'à l'attraction de leurs électrons, à l'électro magnétisme de leurs neutrons, à l'excitation de leurs protons… Du moins, il ne viendrait jamais à ton idée de te les imaginer autrement : surtout pas comme des amants délicieux, doux, tendres, efficaces, infatigables.

  • Eh bien, si ! — Appuyait Marisa, lèvres humides yeux scintillants : Lorsqu’ils se passionnent pour quelque chose que ce soit, ils l'étudient minutieusement, l'expérimentent beaucoup, la testent sans relâche et la maîtrisent : toujours ! Et en cette occurrence, s’agissant de notre plaisir, je... — Complétait-elle « comblée »… D’ailleurs, Sylvie m’avait avoué : « Nous avons des amis...  Eh bien, on se caresse entre femmes, ils regardent, après on fait l'amour. Mais on ne s'échange pas. » Et ce présent n’étant pas pour me déplaire, je lui avais demandé : « Comment vous êtes-vous connus ? » Après un silence ému, elle chuchota : « Un copain de promo à Jipé. » Je ne l'avez pas dit ? Ces physiciens ! —

Et comme tu as déjà pu te l’imaginer (ou te le rêver) Marisa et Jacques tireront le meilleur profit de ce bel été. Oui ! Je te vois, là ; je vois que tu aimerais qu’on t’en raconte un peu plus ; un peu plus croustillant aussi...

*     *      *      *      *
 

  • ... Un soir, Jacques et moi, nus sur le lit… — Racontait-elle.

Jacques lentement la caressait jusqu'aux plis de son con sacré de plaisirs, son souffle chaud sur sa vulve, sa langue massant les pétales de ses lèvres étales flattait le nœud des vibrations... Elle s’abandonna... Comblée d'adoration elle s'évada fantasmant les hommages à Lesbos… Et elle rêvait… Et elle dansait du ventre, des hanches, des fesses. Et elle chantait de soupirs, de clameurs, de râles et de cris… Puis, de retour de ’’son voyage’’ elle vit son Jacques de fer au lieu de la Sylvie de jade de ses fantasmes… Alors son vrai plaisir, sa vraie jouissance c'était à lui qu’elle les devait… Et, sachant qu'elle n'est pas ’’dimensionnée’’ pour enflammer son puits d'amour et l'inonder de ces jets propulseurs vers les étoiles, elle douta que Sylvie lui engendrât autant de plaisirs. Un déclic claquant alors dans sa tête elle exprima ce qu’elle avait compris :

  • J'aimerai faire jouir aussi fort que tu me fais jouir ... —

Jacques ne répondit rien mais sa bouche la réexpédia dans la voie lactée.

  • ... Les danses de ta langue, que je connais si bien, qui me surprennent chaque fois, je voudrais les offrir à d'autres et sentir leur intimité vibrer dans ma bouche se délectant des plaisirs qui coulent d'elle… A moins que je ne n’aime plus voir qu'une autre jouit de toi... —

  • Fva favoir sf'affliquer ! — Avait bafouillé Jacques de sa langue brillante chatouillant les pétales rosacés de sa fleur encensée d'attentions vibrantes.

  • Qu'est-ce tu dis, mon amour ? — Avait-elle plané.

  • Tu ne désires plus que je jouisse d'une autre femme que toi ? —

Effeuilla-t-il, délaissant un instant son bouton rose qu’il retravailla aussitôt avant qu’elle le distraie de nouveau par cette réplique de vaudeville :

  • J'ai dit ça, moi ? —

  • Non. T'as dit : « faire jouir comme tu me fais jouir » ; tu voudrais faire jouir une autre femme, toi ! Tu ne veux plus que moi… –

Appuya-t-il de son doigt d’amour glissant entre ses pétales embrasés.

  • Ah ! Non. Peut-être. Pas exactement ça. Je n’sais pas... —

Hoqueta-t-elle

  • C'est comme tu veux, Marisa : t'es libre. — L’avait-il tentée.

  • Je suis libre quand je suis avec toi. — Lui avait-elle avoué en mordant son doigt de tous les muscles du con ; en le mordant du bout de ses lèvres secrètes jusqu’au cul de sac. Elle affirmait qu’elle adore ça :

  • L’emprisonner ainsi… — Elle l’affirmait, ensorcelante.

  • Toi... T'as un fantasme... Un fantasme... Agréable... Et qui... me plaira... Pour sûr ! — S’était essoufflé Jacques… Plus tard.

Le surlendemain du fantasme ’’épou(x)stouflé’’ : dimanche, ils déjeunaient chez Sylvie et Jean-Pierre. Et comme les parents de Sylvie avaient emmené les enfants à la mer...
Après le repas, les hommes ’’allèrent s'enfermer" dans le labo de
Jipé… Pour tester un prototype qu'ils développaient en très grands secrets. Les femmes "allèrent s’allonger" sur la terrasse, à l'ombre du tilleul, plus avides de laisser libre cours aux caresses de la brise sur leurs corps nus qu'aux rayons du soleil de les brûler...
Marisa admirait Sylvie lascive ; exactement, elle lorgnait ses galbes alléchants...

  • J’aime le corps de Sylvie, certes, mais c'est son sexe que j'aime par-dessus tout ... Ronronna Marisa.
     

    *     *      *      *      *


    Lorsque Marisa avait ’’non avoué’’ son désir à Jacques, elle était loin d'imaginer le bonheur qu’elle en retirera ce dimanche : comme des folles libidineuses, presque sauvages, entamant le mime d'une virilité déchaînée, elle s’aimèrent... Sylvie serrée contre Marisa, ses lèvres sur sa bouche, haletantes, savourant ce moment de délices, et moment choisi par leur maris pour les rejoindre et rester baba : émerveillés mais nullement choqués ou surpris... Par la suite, si elles aspiraient toujours à leur intimité amoureuse, les sentiments de Marisa pour Sylvie étant assez ressemblants à ceux qu’elle éprouvait pour Jacques, plus jamais leurs étreintes ne furent aussi sexuelles que ce dimanche où elles s’étaient pénétrées d’une virilité digitale, profonde et rapide… Plus, restant des heures, lovées, enlacées, jusqu'au frisson d'excitation remplaçant leur fougue en passion douce... Jean-Pierre et Jacques aimaient les étreintes de Marisa et Sylvie. Ils appréciaient leurs voluptés, admiraient leurs deux corps enlacés nus à côté d'eux nus, s'alanguissant, jouissant des yeux d'une méditation excitante qui érigeait leur impatience à les vénérer. Lorsque l'ivresse de leurs caresses était épuisée, mais qu'embrasés et ardents leurs ciboires sacrés réclamaient leur part d’offrande, elles s’immolaient sur les augustes goupillons glorifiés sans se préoccuper si le corps qui les animait était légitime, ne guettant que leur explosion, comme pour une délivrance... Jamais Marisa ne joua à baiser avec Sylvie. Et, dès lors, ils n’eurent plus d'autres débordements ailleurs, se rassasiant de l'intimité d’eux quatre.

Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Vendredi 30 janvier 5 30 /01 /Jan 18:23
 

 

 

 

Préambule

J'ai quinze ans et lui dix-huit ans, à demi

Il est charmant comme le Prince de ma légende.

Visage sage aux yeux bleus malicieux...

Il me plaît.

Mais je n'oserai jamais l’avouer


Souvent nos regards se croisent

Mais nous baissons nos têtes intimidées.


Parler d'amour n'est pas permis :

Ces sentiments n'existent pas.


Son visage m'apparaît plus beau que

Les équations polynômes

De Ronsard Du Bellay...


Je rêve !




Présentations

Une fin d'après-midi

Le chevalier qui hante ses rêves chevauche son « cyclobleu’ ».

Feu rouge. Stop !

Elle est à sa hauteur, son coeur s'affole : 

  • Pourvu qu'il me voie !

Il la voit. Il dit même : « Bonjour ! ».

Feu vert ! Son coeur a disparu...

Au coin de la rue, son visage lui sourit :

  • Faut laisser filer les gens pressés. — Elle est pétrifiée. Il parle :
  • Tu montes ? A question stupide réponse aussi :
  • Oui ! – Elle monte, à cheval sur son cyclomoteur… 

Ne plus marcher c’est au moins ça de gagné !

Il parle. Sa voix la berce : elle s'endormirait sur son chant...

Si demain pouvait bégayer l'aujourd'hui...

  • Où est-il ? Se demandent ses pas traînant dans le couloir.
  • Étudie ! Étudie ! - Hurle sa mère. Ah ! Ces fameuses Etudes !

Les études comme ersatz ?

Les études, comme paravent ou parents vent ?

Les études comme succédané

Comme succès des années ?

... Succès des ânes nés !

Et pourquoi pas : simili à sa solitude !

Ou pourquoi pas encore d’autres similitudes dans un choix pré mâché : l'église pour la morale, les parents pour la nourriture et l'enseignement pour l'instruction, un point et c’est tout…

Et la Connaissance, hé ! La connaissance ça n’existe pas ?

La connaissance, si ça existe, qui donc s'en inquiète ?

Bien sûr qu’elle allait étudier… Elle n’allait même faire que ça : découvrir, assimiler, étudier approfondir ; « Scientifier » le Savoir, Sanctifier la Connaissance… Consacrer l’Esprit de l’Erudition...

Ils n’allaient pas croire qu’elle ira travailler à l’usine comme son père. Ou faire six mioches comme sa mère. ça, jamais !

Et puis, de cette famille ci, dans le fond des actes comme dans les formes du discours, elle en avait soupé : définitivement

Elle avait quatre ans quand les événements les chassant de Tunisie, ses parents choisirent une terre d'accueil : la France. Elle débarqua à Marseille sans connaître un seul mot de français. Elle n'avait rien choisi.

  • Aujourd'hui, je suis une Française, AOC pur cru — Affirma-t-elle.

Elle précisa, qu’à cette époque déjà, elle supportait de plus en plus mal la mentalité de clan de sa famille. Un clan ? Pas précisément la structure du clan, plutôt celle d’un cercle qui se désocialise en raison de ses particularismes ; la mentalité d'une société ne se satisfaisant plus de banales critiques ; d'une société clouant « son » gouvernement au pilori de l'abandon du protectorat de la terre natale au profit d'une « bande de sauvages »  et de son avilissement aux rigueurs patronales... 

  • « En 68 fallait tout casser ! »

  • « Fallait faire la révolution ! »

  • « Fallait prendre le pouvoir ! »

  • « Fallait mettre les patrons en prisons ! »

  • Et patati et patata ! ... — Et Pâte à trac !

  • Dites-moi ! De quoi d’autre aurais-je pu parler avec eux ?

D’abord dans son lycée, personne n’avait jamais osé parler de 1968.

Persuadée d’avoir compris que « Mai 68 » fut la victoire de « la liberté de la libre expression », elle me demanda ce que devait signifier ceci :

  • Vous êtes ici pour réussir. Vous n’êtes pas ici pour user vos fesses sur les bancs, ni pour regarder à la fenêtre la fin de l'heure arriver... Vous n’êtes pas ici pour protester contre la discipline de l'établissement. Je ne supporterai aucune manifestation, ni tapage. Je sévirai contre les manipulateurs. Au besoin, je demanderai l'assistance des CRS. Vous n'avez qu'une seule chose à savoir : c’est le plus persévérant et le plus docile aujourd'hui qui aura demain l'opportunité de diriger les mauvais sujets d'aujourd'hui. Je vous laisse imaginer quel sera son pouvoir, sa vengeance... Parce que tout le monde a besoin de gagner sa vie pour manger, il faudra bien qu'un jour ceux-là aussi rentrent dans le rang... La discipline aujourd'hui, c'est la réussite demain ! »

Discours qu’elle disait être le « laïus d’intronisation » du nouveau proviseur de son lycée public, le jour de son entrée en première : septembre 1972.

Alors ? 1968 n’agitait rien dans sa tête, ni ailleurs en elle :

  • 68 restera toujours « trop loin » de moi… C’est peut-être pour cette raison que j’ai toujours préféré marquer ma faveur pour 69 … Ma faveur ? Et ma ferveur aussi !

Pouffa-t-elle.

Quelques semaines plus tard. Dans l’instant où elle ouvrait la porte de l’appartement, sa mère bondissait vers elle en hurlant :

  • C'était qui ce garçon.

  • Un copain qui m'a gentiment raccompagnée sur son cyclo : de me voir boitiller à cause des chaussures que tu m'as achetées et qui me blessent, il a éprouvé de la pitié. Y'a aucun mal à ça.

  • Je t'ai... —

  • C'est ça, hurle : je n'entends plus rien - Dit-elle avoir répondu :

  • Jetant mon sac, muette, en me closant dans les waters cabinets.

Appuya-t-elle, espiègle jusqu’au fond des yeux.

Elle me raconta qu’après cette fois là, elle en fit une coutume…

Et même, qu’elle en retirait un certain plaisir car sa mère ne suspecta jamais que ce comportement pouvait être une méthode à laisser couler là toutes ses remontrances. Ainsi, chaque fois qu’elle estimait que les sermons de sa mère bannissaient toute explication, elle s’y enfermait. Puis rageusement, elle troussait sa mini jupe, roulait sa culotte, s’installait sur le trône et poussait sa rancœur. Et presque toujours, elle parvenait à lâcher un étron. Alors, fière d’elle, elle tirait la chasse d’eau et regagnait ses pas perdus dans le corridor sans que sa mère ne revienne (ne re-verge (ou martinet)) sur ses propos antérieurs.

  • Avec le temps, j’ai trouvé cette habitude comique plutôt ridicule. Mais sûrement, vous y donnerez, vous, une autre signification. —

Souligna-t-elle, friponne.

  • Pourquoi ? Lui demandai-je

  • Pardon ?

  • Pourquoi portiez-vous la mini jupe ? Précisai-je.

  • Parce qu’en 1972, c’était la mode, non ? Et, avec les copines, on jouait même à celle qui porterait la plus mini.

Sourit-elle des yeux… plus fripons encore. Troublé (affolé plutôt), je braquai les miens sur mon calepin en bredouillant : — Pourquoi ? —

  • Comment ? Ah oui, pourquoi ma mère acceptait-elle que je porte des mini jupes alors qu’elle me réprimandait quand un garçon me grimpait sur la selle de son cyclo ? Oh ! Vous savez, Si l’on pouvait expliquer tous les paradoxes... Vous savez, vous, Docteur ? —

M’ébranla-t-elle.

Un peu plus tard encore, Marisa ouvrit la porte de son appartement à Jacques derrière elle :

  •  Maman ! Je te présente Jacques. —

Sa mère le dévisagea et constata :

  • C'est toi qui a monté ma fille sur la mobylette. Ça je veux plus... —

  • Non maman. Il vient m'aider pour les maths. —

C'était passé comme une lettre à la poste et jamais elle ne s'était sentie aussi gaie, ni aussi envahie de ces sensations inexplicables.


Jacques l'intéressait et il s'intéressait à elle : ça démarrait bien.

S'intéresser ?

Voilà le verbe le plus inadéquat en la circonstance.

S'intéresser !

Exactement comme une marchandise ou un objet :

  • Je ne veux pas que vous croyiez que j’ai la prétention de dire qu’il s'intéressait aussi aux oeuvres d'art ; comme si j’avais été une œuvre d’art... Non ! J’avais le choix ! Donc, je préférais dire qu’il s’intéressait à moi par sympathie : la tendresse, et puis l’affection, ça n’est venu que plus tard… Après que Jacques et moi ayons travaillés au savoir et à la connaissance. —

Et elle en fut remplie, farcie, bourrée, mais jamais rassasiée... Marisa !

*     *     *     *

Sensations

Jacques était là où ils s’étaient quittés plus tôt.

Elle courut vers lui et passa ses bras autour de son cou en effleurant sa joue d’un baiser. Elle eût peur. Une peur soudaine, incontrôlable. Mais presque naturellement, ses bras autour de sa taille, il lui rendit le baiser. Elle poussa un soupir haché. Lui, serrant sa taille, elle, tendue sur la pointe des pieds, les yeux dans les yeux, sans dire un mot.

  • J'ai peur ! —

Comment ? Avait-elle bien entendu : « J'ai peur » ?

  • Moi aussi ! —

Amoureux ? Si brutalement, si jeunes, si riens ! Pourtant, déjà Marisa avait su qu’elle et lui Même s'il lui avait été impossible d'expliquer l'Amour et encore moins ses effets...

Sincèrement ? Elle n’avait souhaité se poser aucune question à ce sujet.

  •  
    • Marisa je t'aime, tu m'aimes ?

Il l'attirait comme un aimant. Elle ne pouvait ôter ses mains de son cou, ni détourner son regard perdu dans ses yeux ; perdue dans le regard de Jacques qui la transperçait. Il posa délicatement ses lèvres entrouvertes à la base de sa joue. Un instant(s)… Elle sentit sa langue les caresser. Son cœur battait. Elle n'entendait que lui : elle n'avait plus de jambe…

Premier baiser !

Première Eternité ;

une ÉTERNITÉ, son premier émoi de femme oubliant ses quinze ans : elle n’était plus « petite Marisa ».


L'été débutait, avec ses vacances anticipées par l'indisponibilité de son lycée réquisitionné pour les examens de fin d’année,

Avec ses premiers jours à la mer

Avec Jacques près d’elle

Avec joie...

Et ce fut un vrai délice…

* * * * *

Jacques se pencha vers elle et l'embrassa tendrement.

Jacques avança ses deux mains vers son visage, mais elle les conduisit au dessus de ses seins pour qu'elles caressent en remontant jusqu'à sa nuque. Et, elle avait faim de la bouche de Jacques. Mais elle était encore trop loin de la sienne. Alors ? Alors, elle se lança et l'embrassa goulûment : la ’’grosse pelle’’, quoi... Et déjà, elle provoquait du scandale près d’elle : l’esclandre de la brave femme offusquée à côté d’eux... Comme quoi :

  •  
    • Si c'est pas malheureux ces frotadoux devant le monde ! ça m’escagasse Bonne Mêreu ! Si c’est pas tun exemple, qu'après on saùfusque plus des minots qu’anfreinent de la déssenceu en touchant pacholle, ou plus pireù...

Qu’elle aurait dit « avé l’assent fadasse » (Autrement c’eût été insipide). Et que... ça n'a vraiment aucun sens. « Eh têh ! Peuchère ! » Comme ils disent aussi, en bas. Mais, ainsi « têh ! » ça n'a plus, ni tête ni queue !

Mais, Jacques sourit : Jacques sourit à sa souris ahurie. Et, paré de son sourire infini, il dévisagea la grosse rumeur, l'examina entière et s’esclaffa :

  •  
    • A croire que votre miroir est de bois Madame ! Moi, de vous voir ça m'offense déjà. Regardez dans votre maillot : on dirait un étalage de charcutier. Regardez ! Votre bout de torchon voudrait bien voiler cette énormité mais il y a renoncé depuis des siècles et c'est d'une laideur répugnante. N'est-elle pas là, l'indécence Madame ? L'enfance au moins, c'est beau. —

Alors, la femme outragée ramassa ses hardes et quitta la plage.

  •  
    • Ah Jacques ! Il est comme ça. Et, il est fait pour me plaire : doux et beau, intelligent et fort… Ironique et intransigeant ! —

Dit-elle de ses yeux fardés de cette espièglerie envoûtante, de ses lèvres ornées de cet énigmatique sourire des portraits à Michel ANGE et des madones à Raphaël

Parviendrai-je intact au bout de cette…

Cachés au creux des rochers qui forment la digue abritant l'entrée du port de la « pointe rouge » des Marseillais, jour après jour l'un et l'autre ils se découvrirent, l’un à l’autre, l’un pour l’autre. Bien avant de devenir son amant, il fut autant son amoureux que son ami… Evidemment, ils furent amants… Bien avant leur mariage…

  • Aujourd'hui, plus de vingt ans après, il est toujours mon amant. —

Consciemment et inconsciemment, elle a toujours besoin d'être sa maîtresse alors qu’elle saurait bien se priver d'être son épouse : elle a besoin de se repaître de sa chair, nonchalamment et activement.

Il parle... Elle parle... Ils parlent... Beaucoup.

Mais elle reprend toujours son souffle dans son souffle, à pleine bouche.

Il parle... Elle parle... Ils parlent, leurs yeux baissés, rivés sur leurs sexes sans pouvoir les y contenir, à vouloir y jaillir, à ne plus entendre que leurs soupirs, là... Là, elle vient, et place son sexe contre celui de Jacques. Sa bouche dans sa bouche leurs langues battent la mesure jusqu'au point d'orgue du petit cri résonnant au fond de leurs crânes... Ils jouissent de ces plaisirs depuis toujours : c'est leur ÉTERNITÉ.

Parfois, ils n'avaient ni besoin de parler, ni envies. Serrés l'un contre l'autre, caresses dans ses cheveux, tendresses sur sa nuque, danse langoureuse de sa poitrine contre sa poitrine, de son ventre sur son ventre, de son sexe dans son sexe. De ces longs frissons, ils atteignaient l'Extase...

Marisa s’était expliquée sans hésiter :

  • L'extase, ce n’est absolument pas l’orgasme : ne nous y trompons pas. Et si l'Extase est toujours supérieure à la jouissance, par certains côtés, elle est beaucoup plus envahissante que l’orgasme : ne mélangeons pas tout. —

  • Et, pour vous, qu'est-ce que la jouissance ? —

  • C’est un peu comme ces instants nécessaires (comme ceux à traîner ses pas éperdus sur le marbre des pas perdus d’un hall d’aérogare) avant l’envol au dessus des nuages mais toujours sous le ciel étoilé où siège l’orgasme. —

  • Et l’orgasme alors ? —

  • C’est le petit voyage, loin dans l’espace, où le temps n’existe plus. Alors, dans ce vide sidéral, on dépasse tous les sens et l’on rejoint l’extase. Mais on peut, aussi, gagner l’extase sans jouissance ni orgasme. —

  • Alors, qu'appelez-vous : jouissance ? —

  • C’est l’état de conscience de l’excitation de la chair. En cela, l’extase est très supérieure à la jouissance. —

  • Mais alors l’orgasme n'est pas... —

  • Pourquoi ne serait-ce pas, au bout du plaisir, la frontière entre les deux mondes conscients et les deux mondes charnels : l’étape de franchissement de la « nouvelle dimension » ? —

  • D'accord ! Et l’amour dans tout ça ? — Lui demandai-je en introduction d’une nouvelle séance.

  • L’amour, c’est un sentiment mais ce n’est pas un état conscient ; généralement l’amour reste immanent, qu’il soit violent et passager paisible et permanent, ou permanent et ardent ou etc. —

  • Pourtant, certains disent que l’amour, n’est qu’un état d’être.

  • Pourquoi pas ! ça ne me dérange pas et je ne contesterai nullement, sauf s’il est un état fortuit engendré d’une prédication à forger la morale qu’on induit de la raison, non comme une inférence mais comme une tromperie. Pour ceux-ci, l’amour demeure impuissant… —

Et Marisa avait choisit d’en philosopher, ainsi :

  • Si l’amour ne contribue pas à donner la vie au désir, à exciter l’envie au plaisir, et si l’amour refuse de contempler les agitations de la jouissance, alors, l’amour reste vain. —


L’amour vain serait donc inutile, au moins à la joie de vivre du Bonheur. En fait, l’amour semble ne revendiquer aucune part à la provocation de l’orgasme même si son ivresse et sa fièvre l’embrasent. Toutefois, il semble que l’amour possède le pouvoir de rendre l’extase plus merveilleuse encore sous l’emprise de leur enchantement.

« Ouais, mais le petit Robert, il dit que… », Argueront certains.

« Larousse présente ça plutôt comme… », Confirmeront d’autres.

« Et Dieu dans tout ça ? », S’offusqueront les miss tiques.

  • Savez-vous ce que j’en dis ? J’informe petit Robert qu’aux temps machistes on disait : « 22 ! V’là les flics ! » Aujourd’hui, on dit :  « 69 ! Voilà la Rousse ! » ; au temps féministes. Petit Robert, tout ça, tu l’apprendras quand tu deviendras grand... Quant aux miss tiques, je réponds : « Je me moque autant des moustiques que des saintes ni touches ». Rassurez-vous, je n’en Quillet pas davantage sans des Bordas à l’Académie : la barbe ! Quant à la barbe à papa, que celui qui en veut, l’Hachette…) Car, à bien choisir, je préfère le con sensuel (pléonasme agréable) à tous les accords consensuels (pléonasme inutile mais convenu). Remarquez jouer du pléonasme, ça m’amuse. Parfois, j’arrive à lui faire jouer une jolie musique. Quelquefois, il laisse même entendre un joli ’’çon’’… D’autre fois, pour sur-réenchérir avec d’autres joueurs de pipeau qui pléonasment mieux que moi leurs : « Au jour d’aujourd’hui, grâce à un enseignement supérieur de très haut niveau… Je suis un expert... En pipi au lit », je mets : « play » au Name. —

Marisa adore vilipender et pas qu’avec des pléonasmes.

Quant à moi…

J’aime aussi jouer du pléonasme ;

jouer jusqu’à pousser ma grammaire dans les orties : C’est une religion comme une autre.

« OK, d’accord ? » : pléonasme convenu, bilingue sioux plaît !

Non ?

C’est comme vous voulez : moi, ça me convient. Mais je ne voudrais contraindre quiconque. Surtout que, Marisa, ne ressemblant à aucun autre de mes « impatients »...

Ou autrement, si vous préférez :

Marisa ne ressemblant à aucun autre de mes déphasés ou déboussolés patients ; Marisa me faisant beaucoup rire aussi, Marisa rafraîchissait et excitait, au moins, mon quotidien professionnel.

Apprentissages

Est-il nécessaire de dire qu'avant leur mariage imposé pour raisons de moralité, Jacques et Marisa ne pouvaient se voir qu'à l'abri de sombres stratagèmes ? Merci.

Ainsi, Marisa accompagna Jacques dans sa chambre pour se donner totalement à lui. Elle avait bien dit : — Me donner. —

  • Cet abandon de ma personne fut une erreur. – Avait-elle ajouté

singulièrement grave, précisant qu’elle s’était attendue à décrocher… Elle n’avait su dire que cette phrase au cliché banal mais consensuel :

  • Je ne sais quel paradis… —

Mais l'extase ne fut pas au rendez-vous, encore moins la jouissance. Marisa aima les baisers, les caresses ; celle « du bel oiseau sur la coiffe de mon petit nid » notamment, mais elle ne retint aucun plaisir de son exploration. Pourtant, elle l’avait désiré et encore plus convoité. Elle l’avait harcelé sans répit, opiniâtre, et hardie ; Elle l’avait tant assailli, qu’il avait fini par capituler en lui abandonnant les clés de sa chambre...

Elle avait pulvérisé son record du cent mètres, secoué la porte de l’immeuble, gravi trois par trois les marches des cinq étages, plongé sur son lit et s’était dévêtue avant que Jacques ait eu le temps de refermer la porte derrière lui. Douillettement couchée, cuisses bien ouvertes, offerte, elle ordonna pour qu’il entre en elle. Jacques l’honora, lentement, tendrement, mais Marisa ne sue pas communier avec lui. Imaginant qu'il lui était automatiquement dû, elle ne sollicita pas le plaisir, ni même ne guetta le moindre de ses signes d’excitations...

Certes, elle jouit ; elle jouit de ses caresses, comme à chaque fois, mais elle demeura insensible à sa pénétration. Alors ? Alors tout aurait pu mal se conclure, sur cet échec. Pourtant non, et bien au contraire : durant les quatre mois qui s'écoulèrent entre ce jour et son seizième anniversaire, ils réussirent à se retrouver, seuls, deux fois par semaine.

Alors, ils couraient vers sa chambre et ils faisaient l'amour. Et ce ne fut jamais deux fois de la même manière. Il leur arriva même de s'aimer à moitié habillés, sans aucune préparation. A peine le seuil franchi, elle ouvrait sa braguette, plongeait sa main, fouillait… Et extrayait le sexe de Jacques dressé… Il soulevait sa jupe, écartait sa culotte et la pénétrait là derrière la porte. Elle s'agrippait à son cou, ouvrait ses cuisses, quittait le sol et s'empalait profondément en lui…

Et elle sentait son sexe battre au fond dans son ventre...

Et elle aimait ça ! Et elle ne pouvait plus s'en passer…

Et elle ne voulait pas s'en priver...

Pire ! Pour les bégueules... ou les trouillards... Un jour, rayon librairie :

Elle lisait la quatrième de couverture d'un Camus.

Passant ses bras autour de sa taille, Jacques l'embrassa dans le cou. Ses lèvres étaient brûlantes. Sa main droite se plaquant sur son pubis la fit frissonner entière. Elle lâcha le livre et se retourna vivement. Jacques sursauta, ses yeux éperdus dans ceux de Marisa... Elle n’avait pas pu expliquer pourquoi ce regard avait mis le feu à son sexe. Ni pourquoi elle avait eut envie de le pousser contre l'issue de secours, à l'angle d'une gondole et du mur, d'ouvrir sa braguette, de saisir son sexe et de… Absolument. Là, devant tous ces gens :

  • Devant ces gens qui n’imaginèrent jamais qu’on avait eu le culot de faire ça « ici ». Nous avons baisé en trente secondes. Baisé ! Pas fait l'amour.

Nuance dont le plaisir que l'on en retire n'est pas dénué de charme... Elle, elle y avait découvert la méthode pour calmer les feux de ses désirs et avait été très satisfaite d’elle :

  • Mon pubis, mon ventre, inondés de son sperme, j'étais fière : immensément. Dans la rue, heureuse, je dévisageais les gens. Certains me toisaient. J'avais alors la troublante impression que leurs regards plongeaient sur mon ventre qui s'incendiait… Comme s'ils avaient su... Et cette sensation était encore plus excitante lorsque c'était des femmes. –

Chanta-t-elle, lèvres épanouies… Yeux étincelants et toujours autant… Incendiants.

Pour ses seize ans, Marisa invita Jacques et le présenta comme ’’son fiancé’’. Ses parents hurlèrent et ses sorties devinrent, dès lors, impossibles sans chaperon. Cependant, ils concédèrent qu'il leur rendît visites. Et sous prétextes qu'il l'aidât aux devoirs, ils les laissaient seuls dans sa chambre... Sur quoi, elle jouissait parfaitement à voix haute de formules très modernes :

[Si a A et b B tel que A X B, alors (a,b) A X B . Ou bien : soit l'ensemble E et l'ensemble produit E X E = E². Soit une propriété R vérifiée par certains couples (a, b) de E². Ces couples forment un sous-ensemble de E². On dit que R est une relation binaire sur E ...]

Elle jouissait si parfaitement et ses résultats mathématiques s'en ressentaient si bien que ses parents crurent au don de Jacques.

C'est vrai, Jacques avait des dons, et pas que pour les maths car vers fin juin, ses ménorrhées d'ordinaire réglées comme du papier à musique n'ayant pas circulé à temps, elle comprit qu’elle était enceinte et la panique s'empara d’elle. Quant à Jacques, et à ses calculs minutieux, ils se rongèrent les sangs... Faut dire que nous n'étions pas encore dans la glorieuse époque de la contraception ; à cette époque là, mis à par les préservatifs, les jeunes gens étaient plutôt… Disons-le : Désarmés ! Honnêtement ? Eux, les préservatifs, ils ne connaissaient même pas ça :

  • Et je n’aurais pas pu non plus faire ma mâline en citant Vian : « La vaseline et les préservatifs devraient être interdits par voie d'affiche car il faussent le con en fombles des rapports sentimentaux des êtres sentimentaux » (de mémoire !), car je n’avais pas encore lu Cantilènes en gelées — Sourit-elle naturelle.

Elle n’avait pas fait la maligne car elle avait su, immédiatement et intuitivement que « les sentimentaux sans manteaux » qu’ils étaient, se trouvaient « à découvert » :

  • Je n’avais pas fait ma maligne au souvenir de l’unique leçon d’éducation sexuelle m’ayant averti que, si les sentimentaux s'avisaient de faire passer l’œuf sous couvert, ils pouvaient se retrouver à couvert pour longtemps. « L'avortement volontaire, même à une date précoce de la grossesse est un crime puni par la Loi. » Comme le disait la Loi de l'Epoque. Subtile usa Marisa.

Marisa ne parvint pas à couver l’œuf jusqu'à son terme et tout rentra dans le désordre : ses parents firent monter la pression, rabâchant constamment ne plus supporter leurs incartades :

« …Vous marions … ou cessez de vous voir ! »

Ne plus se voir ? Ne plus jouir, plutôt ! Ils y connaissaient rien, aux plaisirs, eux ! Ou quoi ?

« ... Nous marions pour cesser de vous entendre ! »

Et même si cette noce précipitée devait les faire galérer, elle ne gâchera pas leur bonheur et ne les privera plus de leurs plaisirs.

Jacques, paraît-il, aurait pu présenter un Doctorat autour de ses vingt quatre ans : il avait fait le plus dur. Mais pour ne rien devoir à personne, il choisit un emploi salarié sans pour autant oublier l'Université qu'il quittera Docteur-Ingénieur à vingt-huit ans comme nombre d'autres.

Marisa aussi voulait « faire des études ». De toute façon elle ne serait jamais allée travailler après le bac, surtout pas pour ses parents. Même sans son mariage à dix-sept ans. Elle se serait inscrite dans une Fac, bien loin. Et ses parents auraient dû assumer… A ce qu’elle a dit.

Marisa poursuivra des études à AIX, plutôt bien d'ailleurs, et ses parents n'y seront pour rien...

Tout ceci, étant vérifié et s’avérant juste ; tout ceci prouvant que tout ce que Marisa avait déclaré jusqu’ici signifiant qu’elle n’était pas à considérer comme déséquilibrée, ou insensée, je devrais chercher ailleurs pour « comprendre » Marisa : pour la comprendre sans me méprendre, ou pire, sans me troubler.

  • Les débuts de ma seconde grossesse furent assez délicats. J'eus le bonheur de me trouver chez le Gynécologue quand se déclencha une hémorragie. — Poursuivait Marisa.

Cette fois, la fausse couche était passée près. Grâce à la célérité du gynéco, quelque six mois après, Marisa donnait naissance à un charmant petit garçon. Mais, Jacques, se sentant (semble-t-il) incapable d'élever un enfant, aussi tôt et dans leur condition, fit grise mine les premiers temps de la grossesse de Marisa. Toutefois, même s’ils ne roulaient pas sur l'or, Marisa était très heureuse et satisfaite de ne plus rien devoir justifier à personne d'autre qu'à eux-mêmes. Quant à Jacques, se ralliant vite à l'idée d'être papa, il en éprouva une joie intense. Alors, assez vite, il s’affirma ; il affirma son caractère intrépide : son optimisme mais parfois son dédain ; il manifesta aussi une volonté farouche et une vigoureuse santé… Collant son oreille contre le ventre de Marisa, écoutant leurs cœurs battre, il racontait des histoires au bébé… Et quand ils faisaient l'amour, Jacques berçait lentement Marisa en l’aimant tendrement et en parlant au bébé.

Le matin qui précéda l’accouchement, ils firent l'amour. Chaque fois que le sexe de Jacques était au plus profond de celui de Marisa, elle sentait son bébé tressaillir en elle. Et Jacques lui parlait en caressant son ventre. Plus il parlait, plus il bougeait... Et il eût hâte de voir le monde : Marisa accoucha en cinq minutes. La sage-femme le plaça sur sa poitrine nue et il chercha son sein. Son père se mit à parler et Il tourna la tête vers lui. A n'en pas douter un seul intant, il le reconnaissait déjà.,,

Quand la puéricultrice le prit pour sa toilette, il pleura. Peu après, on le leur rapporta. Il pleurait toujours. On le donna à Jacques. Il s'arrêta net de pleurer. Jacques lui parla doucement et il s'endormit.

Marisa avait dix-neuf ans à peine. Et elle était joyeuse d'être mère comme si elle avait attendu cet instant toute une éternité...

Sa maternité transforma Marisa. Elle devint « femme » : taille fine, cuisses galbées, buste épanoui. Jacques la trouvant plus belle encore ne tarissait plus d'éloges envers sa « nouvelle » plastique...

Elle sentait son sexe l'inonder. Elle sentait son sexe s'inonder.

Elle sentait tout son corps, tout son être, atterrir au Paradis.

  • Jamais je n'oublierai cette époque de ma vie… Ne me demandez pas : « Pourquoi ? » Je vous répondrai en parodiant Boris Vian : « Si l'on me demande à brûle chemise : l'innocence est-elle une vertu ? Moi, je ne répondrai pas. Je dirai : « Avez-vous lu Cézanne ? … Certains répondent : heu ! Je ne sais pas... Ma tante était pleine de vertus, et elle est morte… ». Mais, si mon absence de réponse vous dérange, de vous à moi, vous pouvez aussi bien aller vous suicider…




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A suivre

Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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