Contes

Lundi 9 février 1 09 /02 /Fév 18:21

 

Au tour du calice…

D'emblée, le père Albert ne vit pas cette idylle du meilleur oeil.

 — Mon cœur bât comme il s'écoute ! —

Se défendit Gabriel contre les jugements d'Albert frémissant de revoir en Carmen le clone de Louise pondeuse de Julien. Mais Carmen ne pouvait pas ressembler à Louise. Et Gabriel ne pouvait pas renouveler les errances des désœuvrements des lendemains de guerre d'Albert. Non !

Carmen et Gabriel, eux, attribuaient peu d'importance aux convenances et n'accordaient aucun intérêt à l'évolution des mœurs sociales et aux mutations économiques. Réfutant la demi-mesure ils les jugeaient trop superficielles, trop consensuelles : institutionnalisées. Eux qui, recherchant la jouissance de l'éphémère présent, n'interrogeant pas demain, ne se projetaient même pas un futur conjoint...

Alors, ce préliminaire les réunissant, n'avait eu d'autre intérêt que d'harmoniser leurs plaisirs dans un rythme effréné, engendré par un duo fortuit ; un duo non prémédité et théoriquement improbable.

Nez en plus, aussi subjugué que le commun des voyeurs assistant à leur tour de magie, Albert comprit que c'était plus fort que la raison : un pied de nez à toute raison

...

Auparavant, Monsieur le Marquis Albert aura bien testé quelques initiatives à dissuader ; il aura aussi poussé quelques tentatives de reconquêtes : il aura même menacé de déshériter avant d'envelopper quelques tentations colorées et pleines de zéros... Mais rien de tout cela ne fut capable de désarçonner la déesse de l'ange. Alors, Albert décida d'exciter Carmen à corps défendant : il l'entreprit devant Gabriel… Certes, il l'entreprit en laissant seulement entendre qu'elle ne saura jamais être une Marquise : une Marquise de rang dans l'ordre du sang... Sauf qu'à Carmen, le sens de ce rang, ça l'amusa foutrement :

 — Me faire foutre par votre Marquis de fils ?  Bof ! Sans intérêt ! Me faire foutre par mon ange Gabriel, ça, c'est tout ce que je désire. Et là, cher Marquis, je suis déjà une marquise : la Marquise des anges. —

Puis, tournant le dos à Albert, nue, emportant sa lune dans une révolution ondulatoire, elle s'enficha sur le sexe de son ange Gabriel... Là, devant la cheminée crépitante de la noble chambre du mas, ils firent l'amour sans gêne sous les yeux du Marquis fasciné qui ne pouvait fuir, ni détourner son regard, ni... Mais, revoyant Louise, il revécut leurs coïts sauvages et se souvint de leurs orgasmes... De Julien... Des jugements « nobles » sur le bâtard et la pute... De ses joutes pour reconnaître l'enfant, le nourrir, l'éduquer et lui léguer des miettes d'héritage (ce dont Dé se moquera toujours… plus que Carmen)... Et Albert se souvint aussi de la noblesse de Marie-Cécile : de sa noblesse d'âme… Et du calice de son sacrifice de mort pour donner la vie à Thomas... Alors, tandis que Carmen poussait le râle suraigu de son orgasme, Albert dit :

 — Mes enfants ! Aimez-vous autant que vous pouvez, aimer-vous comme vous le désirez, aimez-vous jusqu’aux confins de vos plaisirs… Aimez-vous, mais ne me faites jamais que de beaux comtes ou de belles comtesses... —

Carmen s'extirpant de sa verge, courut dans les bras d'Albert et dit :

 — Gracia padre ! Jamais je n’ai autant joui d’amour qu’aujourd'hui. —

En l'embrassant si tendrement qu'il crut... Comprendra-t-on, là, que la raison d’Albert avait pu chanceler ? Pourtant, cinq ans après ce jour, Carmen et Gabriel vivaient toujours du « feu de dieu » et du même plaisir des anges : puissant, irréel, un tantinet surnaturel ; Carmen dansant toujours aux accords de Gabriel qui même pour un empire n'aurait nullement cédé sa place. Encore moins  pour honorer son titre d'Ingénieur obtenu haut la main. Ni malgré ses titres de noblesse, malgré les titres boursiers ou la succession d'Albert à la fabrique... Malgré tout.

Et la tour des délices portait si bien son nom qu'on venait y célébrer un culte idolâtre depuis les confins de Septentrion jusqu'au soleil levant ; une grande messe à lune et à seins dont la déesse Égérie était la reine ; la reine la plus encensée du culte : une vraie dîme épiscopale, aussi jalousement gardée, que le trésor papal sur lequel le monseigneur cardinal économe veille farouchement assisté de quatre coadjuteurs abbatiaux, espèces d'hercules à face de gorille

...

Carmen et Gabriel ne voulaient pas se marier : surtout Carmen. Gabriel disait : « Amen ! »…

Gagnant très bien le « pain quotidien » par leur vie exhibitionniste, s’aimant encore plus, se désirant toujours davantage, copulant instamment, ils étaient pleinement satisfaits d'eux. Le plus triste, et sûrement aussi le seul à l’être encore, c’était Albert...
Carmen embellissait chaque jour davantage ; elle embellissait autant de cette beauté physique qu'exigeait son travail de danseuse érotique que de cette indicible beauté engendrée par ses jouissances orgasmiques.

Gabriel devenait un pianiste remarquable et un metteur en scène remarqué : un vrai chef ordonnateur.

Carmen était maîtresse de son public mais chaque soir elle ne jouissait plus que de l’aiguillon de son ange. Même avec les règles ils savaient bien jouer ...

Et Gabriel était si comblé qu'un jour il écrivit à son père pour que Carmen soit l'unique héritière des biens de Marie-Cécile de Castries auxquels il renonçait.

Mais Monsieur Albert de Savignac Marquis de Sauveterre répondit :

— ça ne se fait pas : c’est hors de nos Us et Coutumes. Maintenant, si tu veux qu'elle hérite de toi, ce ne sera que de toi. —


 

* * * * *


 

... Cinq ans …

Et par un beau matin de printemps elle courut aux toilettes, vomir : elle n'avait pas eu besoin d'autre test pour savoir ce qui la dérangeait.

Lorsque, la mine défaite, elle revint s'allonger près de Gabriel, il souriait, d'un beau sourire de fêtes, aux anges sur la nuée car qui d'autre que ces anges auraient pu apporter cet embryon de vie ?

— Comment ? —

Cent pour cent du quart chrétien de notre planète ne croit-il pas, déjà, à un tel miracle ? Bon !

Je vous concède que pour Carmen, soignant sa contraception avec une extrême rigueur, le miracle devait être vexé. Même plus, il devait se choquer au parfum « offusqué » de chez Scandale, le miracle, quand, Carmen affirmait brutalement à Gabriel :

—Jamais, jamais je n’aurais d'enfant : je ne veux pas flétrir. — 

Car, Gabriel qui ne s'opposait jamais aux envies ni aux folies de Carmen, n'avait jamais avoué à personne (sauf à Dé qui me l’a rapporté) qu'il priait le ciel pour avoir un enfant de Carmen...

Et, ma foi, pour la première fois de sa vie, Gabriel mentit ; Gabriel mentit à Carmen :

— Tu m'avais dit que tu ne voulais pas d'enfant, moi, ça me rassurait, tant je n'aime que toi. Maintenant ? Tu vas le garder, non… —

Sans ponctuer son « non » : un non prononcé sur un ton qui se voulait… ni interrogatif, ni exclamatif ; un « non » vague.

— Je ne voudrais pas le garder… — Répondit-elle, suivi d'un long silence que scrutait Gabriel les yeux remplis de malices. — C'est plus que… J'ai peur de pas l'aimer : je ne crains plus qu’il flétrisse mon corps. — Avoua-t-elle dans un demi souffle bref.

— Ah ! Ce n'est que ça ? Tue-le maintenant, ça t'éviteras de voir que tu savais l'aimer. — Répliqua Gabriel d'un ton tentateur.

Carmen le regarda, troublée, puis affirma : — Je le garde. —

— T'as raison ! T'auras toujours le temps de le tuer plus tard ! — Dit Gabriel.

Et Carmen, lisant parfaitement dans les yeux de Gabriel qu’il l'avait possédée, ajouta :

— Je le garde si tu m'épouses !

— Je t'épouse si tu le gardes : autrement, mon père nous tuerait, lui . — Se défendit Gabriel...

— Je suis heureuse, infiniment. —

— Je suis heureux, pleinement. —

Et ils étaient heureux, tout simplement, pour la première fois : heureux.

Et Albert aussi : pour la première fois depuis Marie-Cécile

* * * * *

La fin des Délices…

Ce soir là, à la tour des délices

Gabriel annonça avec des trémolos surfaits et trompeurs, plein la bouche :

— Carmen est enceinte et veut garder l'enfant. —

Le patron tourna de l’œil et s'écroula entre deux rangées, mort...

Aussi, depuis le temps que ce promoteur le harcelait pour qu'il la vende, fallait bien qu’un jour la tour des délices, vieille bâtisse d'empire coincée au centre d'un square d'immeubles de grand standing finisse ainsi...

Même l'art ne sait produire des « intérêts au lard »... que peu de temps

Et puis, Carmen s'arrondit, soignée comme une reine dans la douceur paisible du mas Roux. Et même si les intimes qui la côtoient la trouvent plus magnifique enceinte ; plus belle encore maintenant que sur la scène avant, elle n'est plus la déesse Égérie de personne pour ne devenir la déesse palatine, que de Gabriel seul. Aussi du « Prince » Albert (le roi n’est plus son cousin…) : un peu. Surtout, il rabâche sans cesse, l’Albert :

— Prenez bien soin de ma fille ! —

Il rabâche à la cuisinière. Il rabâche à la femme de chambre. Et il rabâche encore à l'infirmière. Ainsi qu’à Gaspard qui n'est plus chauffeur, comme au chauffeur qui se nomme Edouard. Et il harcèle le médecin qui vient de loin... Et il rappelle à Gabriel et le lui répète inlassablement… Surtout qu'elle n’aille pas leur faire un accouchement à la « Marie-Cécile », Carmen !

* * * * *



Le moment de délivrance s'approche.

C'est le petit matin : un matin glacial de fin janvier.

Le premier trait blafard du soleil irise lentement par dessus la châtaigneraie chauve, là-bas sur le flan de la crête du Clairan, ignore les toits de Bragassargues, se faufile par la fente haute des contrevents disjoints et chatouille la paupière gauche de Monsieur Gabriel qui se blottit contre le dos de Carmen. Carmen creuse ses reins, se pénètre du sexe réveillé de Gabriel somnolant et danse. Si tôt sur le dard Carmen danse ? Lascive, elle danse ; elle croupine, elle ondine, Elle… Elle, dos de lin, oscille et se balance : rythme lent, plaisir doux, souffles courts… Gabriel caresse la mère et l'enfant en susurrant ces mots fous :

— Viens, viens, c'est une prière viens ! —

Et Carmen le rassure en disant : — Voici ! C'est pour très bientôt ! — Confirmée par deux petits coups, près du cœur…

Carmen s'est levée inondée de paix, et pleine de Gabriel ; trop plein qui fuit lentement de son sexe ouvert et glisse sur ses cuisses comme deux fils blancs... Elle est entrée dans la salle de bains. Elle s’y est préparée. Et elle en est ressortie très vite en disant :

— Mon ange, viens, conduis-nous vers la vie. Viens et tiens-moi par la main. —

... C'est ce petit matin glacial de fin janvier. Le trait blafard du soleil sur le bronze de la cloche s'évanouit au neuvième coup les saluant à la porte de Quissac sur la route les conduisant à Montpellier. Deux heures plus tard, débute l'accouchement conduisant à ce trait d'humour de la puéricultrice :

— Voilà l'héritier de monsieur le Marquis aussi propre que l'exige son rang !  —

Monsieur Jorge Albert était né, exactement au troisième coup de minuit, le 30 janvier : il était né naturellement, la tête en premier. Quoique...

Le 23 février, jour de ses soixante quinze ans, Monsieur Albert de Savignac déposait dans le berceau ses titres de noblesse assortis d'un chèque à sept zéros. Et même si le chèque n’était pas encore en uros, bienheureux Monsieur Albert avait choisi de devenir gâteux devant le petit enfant : pire que le ravi de la crèche à l’enfant roi. Quant à Monsieur Gabriel, il acceptait placidement de se ranger de la scène en accédant à la volonté de son père de lui succéder à la fabrique : lui seul le pouvait encore après que Dé et sa Baronne aient décliné cet honneur... Surtout qu'eux, après plus de vingt ans voués à La Recherche, Eux refusant de cautionner sa déchéance formelle ; Eux, renonçant à garantir les divinations économico-libérales des O’Crates anti-régaliens, choisissaient de virer saltimbanques...

Mais de ça, d’Eux, on vous en tiendra compte une autre fois.

—  Qu’est-ce que ça : un O’Crates anti-régaliens ? — Ironise ma « first lectrice ».

— Non mais ! J’ai dit : une autre fois ! —

— C’est ça, c’est ça ! — Ricane-t-elle.

— Un O’Crates c’est comme un O’Connard : comme un républicain irlandais Cath’O en lutte contre l’autocratie Royale britannique ! —

Me défonds-je (c’est-à-dire : je me défends à fond en fendant l’air de rien.)

— C’est ça, c’est ça ! – Qu’elle bisse.

Là, elle chicane, ou quoi ? Vais pas rester sans répondre : j’aurai le dernier mot car il ne sera pas de moi mais de VIAN : eh vlan !

— Tu le sais bien, toi, mon très cher et tendre amour… —

En lui faisant bien entendre que chacun des superlatifs possessif de « mon très cher et tendre amour » n’est (au moins dans cette défense–ci) qu’une vulgaire ironie. Bref, en clair, je me fous de sa gueule, à « mon amour » ; je me fous de sa gueule comme dans un juste retour à la critique d’une journaleuse jalouse du style de l’auteur.

— Tu le sais bien, toi, mon très cher et tendre amour… « Si l’on me demande, à brûle chemise : — l’Innocence est-elle une vertu ? — Je ne répondrai pas, je chercherai un faux-fuyant, je dirai : — Avez-vous lu Cézanne ? — Y’a des gens qui ne réfléchissent pas. Ils répondent : — Heu, je ne sais pas — … Chercher un faux-fuyant ... Et si l’on n’en trouve pas, on peut toujours se suicider ! … »

— Roooh — Eructe –t-elle.

Et moi, j’érecte… Ferme ! Mais ma rigidité ne dure pas longtemps, car elle a déplacé la pression :

— Toujours, menacer des derniers maux, juste avec des mots : ça ne vaut rien les mots dits. Ça ne vaut rien, merde ! —

C’est ce qu’elle me dit. Et je ne peux que comprendre ce qu’elle dit, parce que ses « ots », « aux », et « os », sa bouche les accentue rondement de ses pulpeuses lèvres si désirables… Qui font se dresser mon encensoir d'amour qui n'aura de cesse qu'a être « béni ».

Et elle a encore eu le dernier mot : merde !

* * * * *

  
Par Pateric - Publié dans : Contes - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Lundi 9 février 1 09 /02 /Fév 17:39
 

Sans particule…

Les années préparatoires conclues rapidement et brillamment, il apparut tout aussi rapidement logique à tous que Gabriel était prêt pour l'ENSAM. Alors, le Marquis de Savignac, hypothéquant le mas Roux, offrit au Marquis de Castries, un appartement au pied du Panthéon

Gabriel Thomas sont ainsi fait : une seule occupation ne leur suffit pas. Surtout, il ont besoin de Musique, de Culture, d'Art et de frivolités. Comme les études ne les fatiguent pas et qu'il sont naturellement petit dormeurs, très vite, ils dévoreront les musées, puis ils hanteront, les salons culturels (qui les ennuieront), les sociétés savantes (qui les agaceront), les cabarets (qui les étonneront puis les décevront rapidement et majoritairement), et les lieux branchés de la « Snobinerie parisienne » avec laquelle ils joueront effrontément pour finir par jeter leur intérêt sur une boîte cabaret théâtre bouffe dirigée tant mal que bien par le père d'un voisin de Rue et d'Ecole réunies. Je sais. Si, si, je sais ! « Tant mal que bien » sert à marquer, vaille que vaille, qu'on jouait là les épopées libertines d'une oeuvre Gomorrhique pour faire du bien à la névrose citadine. Je sais que cette locution t’es inconnue mais j'affirme qu'elle ne signifie pas « tant bien que mal ». La preuve : en découvrant Carmen en ce lieu, Gabriel Thomas se débaucheront dans les affres délicieuses de l'amour fou. Ce n'est pas une preuve ? Comment ça ! Pourquoi le « couple » Gabriel Thomas ? Parce que lui et toi, ça fait trois !

Allez ! Puisque nous sommes, enfin, « parvenus familiers » de notre « illustre » conte de la Tour de Castries, parlons de Carmen et de Gabriel Thomas ; parlons de la relève du nom de la Tour, de la sauvegarde de la caste des Castries ; parlons de leur descendance ; parlons du comte Jorge Albert De la Tour de Castries, Comte de Savignac, devenu aussi le Marquis de Sauveterre vingt quatre jours après sa naissance. Quoique...

D'abord à Paris, personne ne connut jamais la vraie carte de visite de Gabriel. Ceux qu'il fréquenta, comme ceux auxquels il offrit un peu de son intimité, l'appelaient Gabriel ; Gabriel, prénom angélique qu'il portait bien. Ses voisins l'appelaient monsieur Thomas, nom qui, aussi, lui ressemblait tout à fait. Et ce couple énigmatique collait parfaitement avec l'image qu'il donnait de lui. Ceux à qui on aurait dit qu’il est Marquis, seraient restés incrédules même s’ils avaient touché du doigt pour y croire (même Carmen)... Aucun d'eux ne connut que Gabriel Thomas, tel qu'on le lisait sur sa porte (sauf Carmen qui l’apprit tôt de la bouche même d’Albert de Savignac)... Certes, son appartement ne ressemblait pas à une garçonnière. Et si son confort, sinon son luxe, laissait à penser qu'il était au moins fils de bourge personne n'aurait pu y découvrir ni les armes ni le moindre signe de son aristocratie. Et comme, de toute façon ce n'était plus celle-ci qui assurait l'aisance, voire la fortune des de Savignac de Sauveterre de La Tour de Castries, mais la réussite Industrielle des Savignac et La Tour associés puis unis, conduite à l’apogée par le travail et la compétence de Monsieur Albert ; lequel Monsieur Albert avait, de surcroît, parfaitement su choisir des placements boursiers lucratifs...

— Pourtant, il a hypothéqué le mas. — S'étonna ma femme.

— Est-ce incompatible avec une stratégie de gestion financière, que d'emprunter ? Et si l'intérêt du gage est inférieur aux profits ? —

— Ton intérêt supérieur est de tirer toujours profit du dernier mot. — S'en tira ma femme en maugréant : — Qu'elle mauvaise foi ! —

— Moi, de mauvaise foi ? Caisses à dire ! —

Foie de morue ! Huiler pour ne pas laisser gripper ? Qu'importe !

— Accepter pareille satyre de l'autre aimé, faut avoir le cœur bien accroché — Soliloquai-je solitaire sur le quai essoufflé...

Heu… Essoufflé solitaire. Mal à quai. Qu’ai-je ?

Bof !

* * * * *

Danser pour lire…

Dans le lycée de son Andalousie natale Carmen apprit Voltaire, Rousseau, dans la langue de Diderot (tout le programme).

Dans son dortoir monacal (tribut à Isabel l'inquisitrice) Carmen, découvrant les délices à braver les interdits, frémit autant de peur que de désirs, à savourer Radiguet, Baudelaire, Aragon, à succomber à l'essence de Camus, à l'alambic de Sartre, dans la langue de Simone. Puis saisie par le surréalisme de Queneau, les parfums de Breton, l'ivresse de Vian, l'ester de Cardinal, Carmen décida de venir à Paris parfaire son éducation littéraire, pimenter sa langue française, et goûter enfin aux délices des rêves de ses auteurs fétiches. Mais par dessus tout, Carmen aimait danser : danser était le sel de sa vie. Heureusement pourra-t-on dire car Carmen à Paris devait bien vivre.

Vivre pour danser ? Vivre pour lire ! Danser pour lire c'est vivre ! Alors, Carmen sautera d'auditions en essais. Elle sautera de la moquette d'une productrice exclusive, au chandelier d'un régisseur allumé de promesses baveuses, avant qu'elle s'aventure (sans illusion aucune) à esquisser quelques pas sur les planches de la tour des délices où sans supplément vert ou raide lui fut posée cette vulgaire question :

— Tu n'as aucune retenue à danser nue : tu n'as aucune inhibition ? —

— Danser habillée ou danser nue ? Où serait la différence… Si vivre c'est jouir. — Répondit Carmen.

* * * * *

La Tour des Délices…

De La Tour de Castries débuta à la tour des délices par des tours de cartes servant d'enchaînement aux sketches comiques (plutôt graveleux) et aux Girl's Shows. Puis, il étoffa ses tours d'atours musicaux (plutôt effets sonores) et d'éclairages bleus et froids (plutôt des traits lumineux) semblant se faire désintégrer ses cartes (plutôt faire muter les reines mères de son jeu en nymphes lubriques)... Ces entractes devenus attractions incontournables du spectacle, le maître des lieux considéra opportun de renouveler son programme ; d'en rehausser le niveau technique, d'en développer l'esprit artistique tout en conservant l'âme qui faisait la fortune de la tour des délices, la chair : ses nudités et ses inflexions, ses lascivités et ses impudicités, ses fantasmes et ses désirs

...

Gabriel aimait déambuler dans le dédale des cintres, des fosses, des coulisses de la tour des délices ; il aimait respirer la moiteur des loges, jouer avec les régies, architecturer la mobilité des décors, faire danser la lumière, éclater les musiques ; il aimait animer tout ces éléments matériels comme s'ils étaient des partenaires vivants qui rêvent de pénétrer, de se mêler, de se fondre aux artistes charnelles. Il leur donnait la vie pour la faire exploser en bulles multicolores qui s'éclataient au contact de la chair, qui coulaient sur les monts sacrés et qui glissaient dans les vallées secrètes, tels des artifices attisant un feu dévorant. Ainsi, Carmen magnifiant cette chair, deviendra la déesse Égérie

A la tour des délices se préparait une nouvelle revue aux antiques accents théogoniques des amours olympiques. Cependant, je ne vous raconterai pas son scénario sans importance dans la genèse du duo Carmen Gabriel. Certes, Carmen en nymphe Égérie sera une danseuse titre du show. Et Gabriel en monsieur « touche à tout » sera un collaborateur y contribuant du petit plus à la grosse différence. Néanmoins, et mis à part que l'un et l'autre s'amuseront dans leurs rôles, rien de tout ceci ne présageait ce big-bang créateur où fusionnèrent Carmen et Gabriel. Non ! D'abord, de ses précédents et aventureux castings Carmen avait hérité un style junkie assez prononcé. Et plus visiblement accentué sur sa chair. C’était pareil pour ses mœurs, alors que Gabriel gardait une allure aristocratique très marquée même quand il portait des jeans, ou quand il avait les mains sales de travail. De plus, il était aussi vierge que Carmen était ’’experte’’ ; Carmen avait vendu son corps si abondamment (pour survivre, puis pour oublier ce qui la faisait vivre : a blending club house at home to mix multisex) qu'elle demeurait incapable de dénombrer la multitude comme la diversité de ses expériences. Ensuite, Gabriel, préférant ce qui faisait le spectacle, assistait à ses représentations perché sur un cintre ou caché dans une fosse ou accroupi près d'une commande à peaufiner le réglage de dernière minute et traînait dans les coulisses pour s'imprégner de son effervescence. Alors, il, se pose cette quadra-tu-râles question :

— Comment ont-ils pu s'aimer ? —

— Se sont-ils aimés seulement ? —

— Se sont-ils aimés comme on déclare s'aimer ? —

— Se sont-ils aimés comme il est convenable de… —

Convenable chez qui ? Chez les plus communes communautés des  « honnêtes gens » ? Ah si vous saviez ! Si vous saviez combien je me moque de ce qu'on pense communément. Faudrait-il aussi que je chiffre les idées reçues via les formules nettes, telles face@pros.com, donnant à l'info son archétype commun : « first in-fast net » ? Ou pile, son côté pire : « face lisse-last Out » ! Car tout compte fait, et d'un éphémère à l'autre, je préfère le conte Carmen Gabriel qui persifle en tourbillons irrationnels. Me fera-t-il oublier le « bien pensant » ? Dieu m'en préserve ! Et pourtant… Le Créateur du chaos irradiant, dans un éclair étincelant Gabriel et Carmen vacillèrent éblouis, puis en écho d'un double bang mutant en neuf vibrations harmoniques oscillant sur rythme à cinq sens en une transe, ils fusèrent, apothéose dans la nuit du firmament, pour briller comme la fusion engendrée d'une collision de deux astres : ce fut « the big splash ».

Tiens, j'ai déjà dû lire un truc de ce genre : néant moins, cette bizarrerie et son résultat ne procèdent-ils pas de la même invraisemblance ?

Voyons d’abord l’énoncé et ses données...

Pour la dixième répétition, le pianiste est absent : un peu souffrant. On appelle Gabriel… Il peut dépanner, bien sûr : il sait lire une partition. Et la mélodie, il l'a dans la tête depuis qu'il l'entend. Qu'on lui laisse une demi heure d'acclimatation et il conduira toutes les danses, en doubles croches sans anicroche ; toutes les danses du monde, même celles des hippopotames... Ce n'est pas la première fois que Gabriel voyait Carmen danser nue, mais encore, il ne la remarquait pas davantage que tous les autres culs ou tous les autres seins qui martelaient la scène...

C'est la douzième… C'est la treizième… C’est la… Ainsi de suite…

Jusqu’à la vingtième : le pianiste ne va toujours pas mieux...

Puis, c’est la Générale qui s’approche à grands pas, petits sauts et entrechats…

Bientôt, elle sera là, mais le pianiste qui va si mal qu’il faut le remplacer :

— Tout de suite ! Maintenant ! Il ne nous reste que quinze jours ! —

Exige le metteur en scène.

— On trouve pas un bon pianiste capable de tenir en direct immédiatement et une partition comme celle-ci aussi facilement que ça : trois-quatre, un–deux–trois-quatre, un–deux ! —

Rétorque le chef en une mesure et deux demies.

— Voilà ce qu’on perd à s'entêter à vouloir un orchestre en direct ! Je l’avais pas dit, hé ? Qu’est-ce que j’avais dit ? Mais qu’est-ce que j’avais dit ? Font comment les autres, hé ? Avec une bande d'orchestre, qu’ils font ! J’avais pas dit : ça marche aussi bien et on n’a pas à craindre les maladies de ces branleurs de musicos !

Pleurniche en pied noir le producteur.

— Branleurs ou pas, j’peux plus risquer à changer maintenant. Et puis, si j’ai décidé de doter ce spectacle d’un orchestre vivant, c’est qu’il y a une énorme différence avec un enregistrement : on peut improviser, ré-exposer un thème, sur-exposer un tableau, retenir un soupir, étendre un souffle, désordonner les frissons ; jouer avec l'ambiance, avec ses excitations ; on peut jouer à faire perdre haleine… — Explique le metteur en scène.

— Et Gabriel sera assez bon pour ça. — Affirme le chef.

— Oui, il peut le faire ! — Confirme le metteur en scène.

Gabriel jouera en attendant qu’on déniche une autre perle rare comme doublure ou comme relève…

Et Gabriel joua longtemps sans qu’aucune autre perle ait été trouvée

...

* * * * *


Il était une fois un soir de gala où la salle était bondée…

 

Gabriel dans la fosse à un demi mètre du plateau de scène, assis au clavier, sérieux et attentif au rythme des baguettes du batteur (c'est le chef), conduit l'harmonie du spectateur.

Le regard glissant,

D'une jambe à l'autre,

D'une lune à l'autre,

Par monts et par failles,

De Vénus à Aphrodite,

Et d'Egérie à Écho,

Toucher délicat mais précis, Gabriel laisse courir ses doigts...

Voyons ! Juste sur son instrument !

Au milieu du spectacle

Ses yeux s'aimantent au tour de hanches de Carmen ;

De Carmen qui danse envoûtante

Volutes et arabesques, spirales et colimaçons,

Figures torsades, desseins polissons

Vrai sorcellerie de la séduction

Vrai tour de magie de la tentation…

Carmen est divine …

Lorsque son drapé glisse des épaules jusqu'aux reins,

Lorsque chacun des reliefs le retient un peu,

Lorsqu'il choisit de paresser un instant du mont de vénus à la faille vermeille avant de se répandre en une longue caresse juste au pied de la nymphe...

Quand juste vêtue d’une fine ceinture de cuir clouté d’or qui enserrant sa taille magnifie son extrême finesse

Quand sa gorge ardente darde ses seins de déesse, toniques, quasi sphériques, marqués d'aréoles pigmentées ; une poitrine haute aux tétons fiers dressés ornés d'anneaux dorés plantés juste au dessus du centre du galbe des seins accentuant leur beauté avec arrogance, Carmen s’abandonne sans frein, son tatouage de Diane équipée sur l'épaule droite, et son tatouage de totem très coloré qui envahit sa chair imberbe, un anneau pierçant ses deux grandes lèvres (totem aux ailes déployées autour du nombril, tête oblongue léchant l'insertion du bouton) juste au dessous du clitoris lui donnant l'apparence d'une verge (miniature certes mais d'une bite quand même),

Quand chacune de ces grandes lèvres au cœur de leur chair piercée d'un anneau se déploient ; se déploient comme les ailes d'un papillon qui voudrait voler mais qui reste cloué à la planche du naturaliste, un frisson brûlant couvre son corps...

Et un spasme brûlant envahissant son corps, Gabriel s'extrait du monde concret ;

Gabriel s'envole sans lien. Et des démangeaisons nerveuses saisissant ses doigts,

Gabriel s'extrapole, virtuose, appogiature... Ses mains virevoltantes dansant sur le clavier, Gabriel fait un triomphe : les applaudissements crépitent…

Et Carmen se déhanche lubrique…

Et plus ça crépite, plus Carmen ondule, défesse, anuse, déconne et transe...

Et Gabriel cavalcade jusqu'au bout de ses cent doigts...

Et les yeux de Gabriel roulent au rythme sinusoïdal des courbes de chair de Carmen ;

Roulent au rythme accentué du tintement des fers qui l'habillent…

Et, pour ne rien gâcher, Carmen jouit ;

Carmen jouit physiquement jusqu’à l’orgasme pour la première fois de sa vie...

Du moins, c'est ce qu'elle avouera à Gabriel, un peu plus tard ce soir…

Carmen joue la jouissance à ravir le public présent ;

Carmen joue comme si chaque trait de lumière était une caresse et chaque éclat lumineux une pénétration, et chacune des notes son introduction profonde et sa vibration longue... Plaisir fulgurant mais plaisir incessant... Plaisir d’un orgasme violent.

Et le public applaudit et hurle. Et le public s'approche, s'agglutine, transpire ; frappé d'une extasie annihilante, il communie comme le chœur des anges : il communie sans se conformer plus à ses sexes qu'à celui des anges...

Et Carmen porte sa main gauche sous ses seins et sa main droite sur son sexe, corolles déployées, extrumence verrouillée, par l'index et l'annulaire travaillées : le majeur butinant le pistil nacré…

Gabriel, souffle court, cherche son air : ses yeux sont comme deux ions antagonistes convoitant la même orbite, comme si quittant ce réceptacle ci, ils puissent puiser dans cet orifice là, l'inspiration)

Puis, portant jusqu'à sa bouche ce doigt brillant que ses lèvres avaient avalé, chancelante ; jambes fléchies, épaules rivées au plancher tentateur, fesses soulevées sexe offert (à vingt mètres des anges, à moins d’un mètre de Gabriel), animée d’une nonchalante langueur, Carmen succombe en suçant son majeur.

En plaquant son accord final Gabriel crie : — «Vvouuaais» — ;

Gabriel a éjaculé dans son slip…

Le spectacle est terminé.

Le rideau est tombé…

Mais, tel un anesthésié qui retarderait sa réintégration à la vie, le public debout, muet, demeurera longtemps prostré face au lourd rideau carmin ; comme si le velours rediffusait encore les transes de Carmen.

A moins que Croyait-il retarder ainsi la mélancolie qu’engendrera sa réintégration à la foule du désert de sa vie ?

La lumière décrut et son angle obscur absorba doucement le rideau dans ses abîmes. Et le public finit par s’extirper hors salle en se glissant dans les trous noirs désignés par les veilleuses de secours

Maintenant, la salle était vide et noire. Et maintenant Gabriel errait dans les coulisses [ces coulisses qui sont « son autre monde »] lorsque soudain au recoin d'une porte, deux mains brûlantes le saisirent au visage, et deux bras l'entraînèrent vivement dans les retranchements d’une alcôve aux murs blancs et à l'éclairage vif et cru. Et cette alcôve, c’est la loge de Carmen, et ces mains, ce sont les mains de Carmen... Ce sont les bras de Carmen qui l’étreignaient. Et puis, ce sont les lèvres vermeilles de Carmen qui lui susurraient :

— Merci Gabriel, t'es un ange. Tu m'as faite jouir comme seuls font jouir les anges. Gabriel. —

Splendide merveille dévoilée dans un léger prétexte de soie pourpre à dentelles de petite tenue glissant jusqu’au bord des épaules ; glissant sans autre retenue que ces bras tendus à l’extrémité des mains caressant ses joues ; déshabillé vaporeux et transparent aux pans largement béants accentuant le feu cuivré de son corps nu : Carmen… Mais Gabriel, cramoisi entier, ne voyait ni n'entendait rien. Et il ne comprit pas davantage ce qui se passait quand son pantalon glissa jusqu’à ses pieds, ni quand il fut nu et que son sexe se dressa aux caresses, ni quand il fut allongé et que Carmen ne dansa que pour lui, et ni quand Carmen échangea son majeur par son inquisiteur... Et à peine comprit-il que Carmen dansait sur lui : lui en elle… Gabriel éjacula dans Carmen. Carmen l'embrassait en répétant : — Mon ange, mon ange… —

Gabriel ne comprenait rien mais il dit bien : — Carmen, Carmen, je t'aime. —

— ... —

Et si cette déclaration était sincère ? Et si Carmen ne jouissait qu'ainsi ?

… ! —

—  Pourquoi ne pas y croire, hein ?

—  Serait-ce suffisant pour sceller une union ? —

— Pourquoi pas ! —

—  Mais était-il utile qu’ils se marient pour donner naissance à un comte ? —

—  Qu'importe ! —

La seule vérité qu'il m'ait été donné de vérifier, est que Jorge Albert est autant leur héritier qu'il est celui des De La Tour De Castries De Savignac de Sauveterre y de Corral Naranjal de Córdoba de Andalusia.

— Donc ? —

—  Dans cette histoire ? —

… Donc ! —

Tout comte fait n'est plus un compte à faire mais un conte de faits où l'on ne dira pas :

—  Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants. —

Mais plutôt :

— Durant un an, chaque soir après le spectacle de cette même jouissance, elle le prenait et se l'introduisait en elle et ils jouissaient de nouveau. Et en coulisses, leurs partenaires se réjouissaient d'entendre leurs cris —

—  Non, non. Bon, ce sont de belles descriptions, quoique un peu farfelues. Non, non, c’est assez hardi... Non, non, c'est bien foutu et c'est un fantasme assez hot... Mais dis-moi, ce n'est rien d'autre qu'un fantasme, hein ! Dis-moi... —

Demande ma femme.

— Non ! —

C’est à vous que je dis : — «NON ! »… Et j’y ajoute ceci :

—  Je ne vous dévoilerai rien de la question de ma femme. —

...

Des fantasmes, moi ? Jamais de la vie !

Quoique...

* * * * *

Par Pateric - Publié dans : Contes - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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Dimanche 8 février 7 08 /02 /Fév 17:24

 

Entre d’eux…

Gabriel Thomas connut quelques difficultés à survivre de sa naissance car il souffrait d'une forte jaunisse et d'insuffisances digestives graves le contraignant à rester hospitalisé jusqu'en novembre. Albert désespérait mais lorsque l'hôpital déclara qu'il pouvait récupérer l'enfant, il paniqua :

  • Ici, on ne peut plus rien pour lui — Expliqua-t-on laconiquement :

Ce qui laissait sous-entendre qu'il était mort, bientôt. Jules Mialet, voyant le désarroi et connaissant la tristesse de son ami, fit cette offre :

  • Si tu veux, Je viens chez toi : entre veufs on se soutiendra. —

Offre que le Marquis accepta vraiment. Ainsi, Mialet descendit de Quissac vers Montpellier (comme le bon samaritain de Jérusalem à Jéricho) pour s'occuper de l'enfant sans autre espoir charitable que celui de retarder l'échéance fatale qui anéantirait les Marquis. Il choisit la nourrice infirmière qui veillera avec lui aux besoins de l'enfant ; il choisit la sage-femme qui l'avait toujours assisté, même aux pires moments ; une quinquagénaire qui avait raccroché ses bassines faute de candidates à l'accouchement à l'ancienne et refusait d'aller exercer en maternité pour y faire pousser des ensuquées ; une demoiselle que plus rien ne retenait au désert ; un grand cœur ne refusant rien à Mialet, même pas son cul car depuis qu'il était veuf elle se rattrapait d'avoir vieilli d'amour pour lui. Mais c'est aussi une histoire, n’ayant rien à voir avec Gabriel... Même si, selon Dé, Albert aussi aurait goûté au soin de Justine.

Je diverge encore là ! Oui mais…

Chaque fois que Dé se jette et dévoile l’une de ces faces cachées de l'histoire, je note, je re-note, et je m'embrouille, puis ça dénote et ça détone et de choses et d'autres, je suis incapable de me souvenir s'il avait dit : « goûté au soin » ou « goûté au sein ». Je me souviens seulement qu’elle se prénommait Justine ; Justine, prénom féminin somme toute assez convenu dans l’entourage d’un Marquis, non ?

... La mort roda six longs mois encore avant de décider de s'en prendre au désespoir et de disparaître en l'emportant avec elle dans le Désarroi.

Le Désarroi ? Le Désarroi est l’univers d'où on revient rarement et jamais très équilibré. Si ! Je sais ce que je dis : j'en reviens, cela se voit. Non ?

Gabriel renaissait… Et avec lui renaissait une intense vivacité et de farouches appétits. Et l’été suivant, au mas Roux, alors qu’il faisait ses premiers pas, le docteur Mialet pronostiqua : « ce sera un grand bavard ».

Je n'y ai trouvé aucun rapport mais c'est dit tel qu'on me l’a témoigné. Je crois même qu'on a ajouté que, plus rien ne permettait de distinguer Gabriel d'un autre enfant d'un an, à part que lui (s'il appelait clairement « Papa ; Jules ; Julien ; Gaspard ; Thérèse et Justine ») n'a jamais su dire : Maman... —

Mialet mourut d'une belle mort.

La mort était arrivée déguisée en pochette surprise dans le Noël des cinq ans de Gabriel Thomas. Impatient de l'autorisation du père Gabriel Thomas s'était précipité à son seul geste désignant le sapin. Il avait ouvert ses cadeaux… Et puis, tous les cadeaux...

Un grand camion de pompiers qu'il fit rouler dédaigneusement et buter contre la margelle de la cheminée. Au contact, un filet d'eau pissa de la lance et s'évapora dans le foyer dans un pschuifft bref. Une boîte de cubes et autres prismes et parallélépipèdes d'un jeu de construction qu'il dispersa sur le parquet... Deux livres :

Le petit berger qui rêvait de devenir astronaute

Le voyage de Séraphin

Qu'il serra sur son cœur avant d'en ouvrir un et de lire :

  • Il était une fois un petit garçon qui s'appelait Séraphin... Un beau matin d'été Séraphin voit le soleil qui lui cligne de l’œil. Séraphin comprend vite que le soleil l'appelle. Séraphin ouvre la fenêtre et saute dans le jardin. — « Ce n'est pas prudent ce que tu as fait Séraphin » — lui dit Pinoisette le petit écureuil — « Tu aurais pu te blesser » — « Mais non », lui répond Séraphin, — « Regarde ce joli tapis de pâquerettes, regarde comme elle sont gentilles, elles se sont ouvertes pour m'accueillir. »  — Et de conclure : — Bon ! Je continuerai ça un autre jour… Des pâquerettes... —

En hochant la tête.

Il posa délicatement les livres sur le coin de la table et poursuivit son déballage sous le regard attentif des sourires des grands… Un petit paquet de papier bleu, une boîte de carton noir, une pipe :

  • ça, c'est pour Jules. — Dit-il.

Jules remercia comme un Papi bien élevé :
  • Oh ! Elle est bien jolie ma pipe ! —

Il sortit une tabatière en cuir brodé de son gilet, bourra la pipe, alluma le tabac, toussa, toussa, toussa encore... Et bascula pipe en terre.

  • Oh non ! Il a cassé sa pipe toute neuve — S'exclama l'innocent...

Et vous trouvez ça drôle en plus ? Ingrats ! Vous ne croyez pas plutôt, qu'un enfant sachant aussi bien lire à cinq ans, ça n'est pas banal ?

Vous n'imaginez pas que ça suppose des lendemains prometteurs ? Remarquez...

Chez les de Savignac comme dans son entourage immédiat ou chez les de Castries, on ne s'étonna pas non plus ; à croire que la précocité était, chez ces nobles cévenols, un don héréditaire ! Tout compte fait, est-ce une exception de savoir lire à cinq ans ? Julien D m'a affirmé qu'il savait lire aussi bien à cinq ans. D'ailleurs, moi aussi. Et mes fils aussi. En fait, ce qui m'étonne, c'est qu'on n'apprenne pas à savoir lire du tout dans le ’’giron maternel’’. Et ce qui m'étonne encore plus, c'est qu'on s'évertue à défendre l'éveil par la méthode des consignes, vous savez, du type de panneau avec le petit homme blanc dans le carré vert qui court dans le sens de la flèche au dessus de la porte sur laquelle on écrit, comme ça, en blanc sur fond rouge :

 

Issue de Secours

à maintenir fermée


 

 




L'apprentissage par la méthode globale qui fait se marier un signe à un son, c'est ça ? Eh bien, au bout du son, on sait lire ! Et au son du cor ?

Au son du corps je lis des signes, mais au bout du signe, je n’ai pas le son.

Un jour, un saxe de jazz très réputé m’a dit : « toute la qualité du son dépend du col de cygne »

Moi, si je touche le col, c’est simplement que j’ai dépassé le con.

C’est pas un signe, ça ! Pourquoi ? Le Lac des Cygnes et Casse noisette ne sont-ils pas du même compositeur ? Ils ont bien été, tous deux, écrits par Tchaikovsky ! Quoi ? Tu cherches un rapport entre, col et noisettes ? Moi, pas : moi, j’ai appris à lire ! Et aussi, à entendre ce que je lis... Enfin ! Vais pas condamner les institutions : au cas où ça puisse servir !

Donc, Gabriel Thomas n'est pas sot. Pourtant, dès ses six ans, au cours préparatoire de la vie des grands, péremptoire son instit-tutrice déclara :

  • ... Fera jamais rien de bon cet enfant. Il rêve, et ne participe pas à la classe... —

Sans chercher à voir si, par hasard, « b et a, ba » ne font pas « gnangnan », dans cette petite tête. Sans chercher, la femme de savoir persévéra :

  • t et o, to ; ou t et a, ta ; t et on, ton ; ba et to, bato ; ba et ton, baton, — En hurlant aussitôt : — Attention ! ba - to ne vont pas sur l'eau. Qu'est-ce qui flotte sur l'eau ? On lève le doigt. —

Gabriel qui sait lève le doigt. La maîtresse dit : — Alors ? —

  • Le bateau qui flotte sur l'eau a un « o » comme « l'eau ». — Répond Gabriel. La maîtresse étonnée se ressaisit en hurlant à nouveau :

  • Tais-toi idiot, c'est le b et a, ba et le t et on, ton, le baton qui flotte.

Et l’idiot de Gabriel, la tête sur ses bras en oreiller, la corrigea sur ce ton :

  • le bâton qui flotte a un chapeau sur le bâ. —

Mais l'instit - tentatrice insista : — Il ne fera jamais rien cet enfant ! —

  • Sûrement conasse ! Un enfant de six ans qui voyage de la terre à la lune dans le texte et connaît la structure des nombres décimaux et sexagésimaux, où b et a ; ba, sans chapeau, ne présente aucun intérêt pour un enseignant verrouillé à son programme comme le christ à la croix des cathos, y'a pas de miracle ! —

Julien m'a rapporté l'anecdote d'une soirée… Gabriel avait huit ans :

  • J'aurais bien aimé voir sa réaction (à la tutrice publique). Si elle avait accepté d'assister à la réception donnée par mon père en l'honneur du dernier ouvrage de Michel. —

Michel était alors prof à l'Université de Montpellier. Michel c’était déjà un maître, à la fois philosophe, anthropologue, sociologue et historien des Sciences. Aujourd’hui, (sur le tard de sa vie), il jouit en plus d’une réputation reconnue jusqu’aux Amériques.

Dans la soirée, au cœur d’un sujet animé, Gabriel demanda à Michel :

  • Au cours d'un débat l'emploi d'une polyptote sarcastique est-ce poli, ou bien, de se limiter à une polyptote anachronique est-ce aussi efficace ? —

  • Dans une figure de passion, la politesse n'est pas à sa place. —

  • Alors, je peux être ironique aussi. — Jubila l’enfant Thomas.

  • Heu, Oui ! — Admit le maître.

  • Mais, si je suis sardonique en plus, là c'est impoli ? — Demanda-t-il.

  • Je dirais plutôt que, c'est blessant. — Arrondit le Sociologue.

  • Vexant ou offensant ? — Voulut savoir l’enfant.

  • Offensant et vexant. — Accommoda le philosophe.

  • Beaucoup de gens font de la rhétorique sardonique sans le savoir. — Répliqua gaiement l’enfant laissant les « grands » à leurs…

A leurs foutaises ? Sûrement était-ce ce à quoi Thomas Gabriel pensa.

Et l’anthropologue Michel, sourit, paraissant moins étonné qu’intéressé…

Moi, j'ai eu quelques peines à le croire : beaucoup de déraison, même si de nombreux éléments concrets me prouvent, aujourd'hui encore, que Gabriel est très nettement plus doué que la moyenne. Bref ! Admettons.

Admettons le postulat par lequel Gabriel Thomas était déjà un surdoué hyper intelligent. Et comme la plupart des surdoués, Gabriel ne s'intéressait à quelque chose que jusqu'à son évidence qui reste, d'ailleurs et souvent, invisible au commun mortel. Ainsi, on le jugeait désintéressé de tout. Sauf que ceci est fausse critique car (hier encore) il se passionnait pour cent fois plus de sujets que Toi (cinquante fois plus que moi : je l'avoue), sauf que lui avait besoin de dix mille fois moins de temps que Toi pour les épuiser... Mais je ne voudrais pas t’offenser ni te vexer plus, avec mon ironique stupidité. Surtout qu'Albert n'insistant pas avec l'Ecole, publique et privées, décida alors de dénicher une « perle rare », capable de torcher Gabriel de toutes ses démangeaisons. Sur les conseils de Michel (et sous les « contours » de Dé), il choisit une jeune fille surdouée, bachelière à quinze ans, auteur à dix sept d’un traité philosophique sulfureux titré : « Sade à l'usage des honnêtes gens »... A vingt et un ans, elle devenait la nourrice de Gabriel, et aussi sa préceptrice pour ce qui touche aux lettres et aux sciences humaines, sans se soucier de ce que ça cacherait ou imposerait, compte tenu de ses « états de service » et d'un prénom, Erika, érotiquement sous-jacent, servi par un physique remarquable. Quant aux sciences exactes, Albert décida que ce serait à Julien de dispenser ses connaissances ; Julien qui, refusant de vivre au crochet de son Marquis de père, préparait un doctorat en alternance avec une activité professionnelle. On pensera alors que d'accepter lui aurait fait supporter de nouvelles contraintes, surtout dans sa vie sentimentale ? Pas du tout. Parce qu'ainsi parfois se dérange la vie : Julien était l'amant d'Erika depuis quatre ans déjà...

  • Oui ! Quatre ans. Tu comptes bien ! Ça t’étonne ? Faut pas ! Et ne me demande pas de t'expliciter : pourquoi, comment... C'est un fait... Ou un privilège d'auteur. — Jetté-je à ma first lectrice.

  • Non. T'es bien sorti du piège Marquis orphelin de mère trésor du père adoré du frère joyau de nourrice ». Non, c'est très bien.

Dit ma femme : — non ! — Parce qu'elle n'a jamais su me dire — oui. —

  • Je m'en fous ! — Riposté-je sèchement

Parce que ce n'est pas un piège : je la maîtrise cette histoire et si tu veux saisir l'essentiel, accroches-toi...

- … Ne fais pas cette tête ! Écoutes plutôt la nourrice et son amant – Adoucis-je en fuyant les yeux noirs de ma femme : noirs comme les 2 trous noirs d’un canon scié prêt à tirer.

Gabriel était insaisissable, non maîtrisable —

Parfois, au milieu d'une de nos explications, il bondissait en criant : « Je sais ! Si c'est comme ceci et si c'est comme cela, alors, c'est ça » —

Et c'était juste, toujours. —

On aurait dit qu'il s'était greffé à nos cerveaux, et ... —

Tu veux dire, plutôt, qu'il s'était connecté au savoir universel. —

Et D, roulant un sourire en six faces, dit : ça faisait rire mon père —

Pas seulement : ton père lui cédait sur tout. —

Ainsi, nous sommes venus habiter le mas à l'année. —

  • Ce fut plutôt agréable, non ? — Avais-je demandé.

Je n'ai jamais regretté, même quand il fuguait. — Avait répondu Julien.

Parfois il s'enfuyait à travers bois, escaladait la colline ou descendait dans un aven et rentrait après la nuit tombée... — Relatait Erika.

Combien de fois je l'ai sorti d'une grotte ! — Eclaircit D.

C'était le roi ! « Soyez vigilants ! » disait ton père… — Souligna Erika.

« C'est pour ça que je paye, non ? » Ajoutait-il toujours. — Pointa D.

Ne dis pas ça à un étranger, même pour plaisanter. — Cassa-t-elle.

Oui, tu as raison. Néanmoins… Souvent j'ai eu très peur. Tu parles d'une responsabilité ! — Se rejeta D...

Eh bien, je vais te dire : ton Gabriel Thomas de la Tour de Castries et de Savignac réunis, c'est une espèce d'autiste. Tout bêtement ! —

Cria ma femme, comme qui tirerait en une salve : « autiste toi-même ! »

  • Tout de même ! Je connais des parents qui auraient signé n'importe quel pacte pour que leur enfant ne soit que de cette espèce. —

(C’est un vœux ; pas de l'ironie, ni de la méchanceté gratuite)…

Notre mission éducative s'est terminée tôt — Avait noté Erika.

Le jour de son treizième anniversaire — Avait confirmé Julien ;

Il demanda alors à mon père : « Quand puis-je présenter le bac ? » —

« En juin, si tu es prêt ». Lui répondit-il — Avait complété Erika.

Tu te rappelles de son : « Ah, bon ! » sans aucune trace d'émotion — S’était souvenu Julien…

De l'index gauche en se grattant la tempe droite… (Ou bien, la tempe droite grattée de l'index gauche ranimait le souvenir de Julien ; ou autrement : avec les mises à l'index, j'éprouve toujours quelques difficultés d'adaptations)…

A compter de ce jour, durant dix mois, il ne fit plus rien. Pourtant, il réussit son Bac. Et avec des notes ... — S’était émerveillée Erika.

Avec des notes… qui firent se pâmer le père. Alors quand Gabriel déclara : « Maintenant, je ne veux plus faire que de la peinture, de la musique et des explorations, au moins jusqu'à dix-huit ans. Quand j’en serais fatigué, je déciderai de ce qui me plaira. » Que penses-tu qu'il se passa ? — M’avait demandé Julien.

Il en savait plus que nous depuis longtemps. — Avait répondu Erika.

Sauf qu’il fallait le surveiller...— Avait ajouté Julien Débonnaire

Le protéger de lui-même ; de son absence de conscience du danger ; de sa témérité, de sa curiosité, de ses ... — Avait détaillé Erika.

De tout, tu peux dire. Un jour, il nous ramena un renard en disant : « c'est mon compagnon ». Le plus étonnant est que ça paraissait vrai ; l'animal semblait lui obéir aussi bien que le chien le mieux éduqué... Toute une histoire pas possible car Gabriel refusant qu'on les sépare, le Marquis fit vacciner le renard et le déclara comme animal de compagnie. Mais tous les quinze jours il fallait l'amener chez le vétérinaire. —

  • Quand décida-t-il de faire Arts & Métiers ? — Raccourcis-je.

  • Le jour de ses dix-huit ans. – Répondit Dé.

  • « Attention ! Les caprices c'est terminé ! Si tu n'agis qu'à ta guise et que tu ne travailles pas comme on te le demande, je te coupe les vivres. » Dit le Marquis De Savignac. Et ce fut l’unique fois où je l'entendis parler aussi durement à Gabriel. Et cette fois, dans le regard d’acier de ses yeux bleu je sus qu’il ne mentait pas. —

Précisa l’ex nourrice.

  • Chaque fois que mon père aura promis quelque chose que ce soit, récompense comme réprimande, il ne se repentira jamais de l’avoir accomplie : notre père est le « jusqu’auboutiste » type ! —

Sourit Dé.

  • « Je travaillerai père ». Avait promis solennellement Thomas à son père. Et il tiendra sa promesse avec noblesse. —

Conclut Erika, Baronne de Lalande…

C’est bien avant de devenir la « maîtresse particulière » de Thomas ; bien avant qu’elle ait connu leur noblesse, que la maîtresse de Julien avait promis que, « le moment opportun », elle l’épouserait.

Erika aussi n’avait « qu’une parole » : une parole noble.

* * * * *


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Dimanche 8 février 7 08 /02 /Fév 13:45
 

Tout compte fait…

Entre l'appel aux secours de Gaspard depuis le téléphone de la bonneterie et l'atterrissage dans l'allée du mas Roux de l'alouette de la Gendarmerie détournée de sa pitance dans les Gorges du Tarn, il aura coulé beaucoup d'eau dans le ruisseau...

Sachant que le débit moyen annuel du ruisseau est égal (ou approximativement égal) à un quart de mètre cube par seconde (ou encore : Δ = ~ 1/4 m3/S) ;

Sachant qu’à l'automne ce débit augmente de 5/7ème de la moyenne annuelle (soit, une augmentation en mots équivalente au cinq–septième de la valeur) et que presque toujours au printemps, l’augmentation de cette équivalence existe aussi ;

Sachant qu’en période de sécheresse son débit peut décroître du 9/5ème du débit nominal qui, entre sècheresse et sécheresse et demi, ne varie pas plus d’1/1000ème de nème ;

Sachant que 68 est une année moyenne ; calculez l'âge de Gaspard.

Alors, vous trouverez sans erreur à qu'elle heure l'hélico déposa Marie-Cécile et le docteur Mialet à l'hôpital de la faculté de Médecine de Montpellier. Résultat qui aura au moins le mérite de n’engendrer aucune incidence sur la déflation du prix du cochon.

—  C’est ridicule : ça n’a aucun sens — Ricane ma ’’7 tique’’.

Comment ça ? Dans quelle proportion ? — Perpétué-je.

A cent pour cent — Renchérit-elle, comme le plein d’un jerricane.

ça renverse toute mes ès sens — Fuis-je vers ma suite :

Car la mère ayant décidé de décéder sans prévenir, d'une intervention chirurgicale sur un cadavre en devenir sortit un grand prématuré pesant mille cent grammes, rangé précipitamment dans la machine à finir le travail qui hésita du sort à réserver à ce Comte fait Marquis par héritage dès l'acte de décès de Marie-Cécile…

Gabriel Thomas naquît dix huit ans après son frère aîné Julien D, le Baron de Lalande ; Baron à jamais pour n'avoir été (à sa naissance) que le fils naturel du Comte de Sauveterre et d'une vulgaire, d'une roturière, d’une intrigante, d'une traînée... ou d'une pute, suivant que l'humeur animant les grands-parents, les poussait à parler charretier... Ce qui, n'influençant pas mieux le cours du cochon et ne les chagrinant d’aucune sorte, faisait beaucoup rire Marie-Cécile, Albert et Julien. Sauf que Marie-Cécile aimant Julien comme le fils qu'elle n'avait pas su donner à Albert, s'impatientait des vacances où il venait chez eux. Désirant garder Julien pour elle ; influer sur son avenir, souvent elle priait la mort d'infléchir la Louise. Mais la vie restait inflexible aux incantations. Et Louise, noyée dans l'ivresse d'un culte d'adoration béate, ôtée du monde, préservée du mal, vivait ronde de santé insouciante des malédictions, vivait, vivait, vivait...

Peut-être est-ce pipé car c'est Dé qui l'a dit ; Dé qui maudit sa mère comme il est interdit à un fils, surtout de cette caste. Croyez-nous : nous avons eu loisir de le vérifier…

C'est Marie-Cécile qui est morte ; morte dans la beauté de l'âge ; morte pour donner la vie ; morte à trente-cinq ans, laissant à Albert de Savignac qui lui, en avait quarante-huit, la charge d'élever Gabriel Thomas seul... Nombreux parièrent qu'il se remarierait :

Pour donner une mère au fils. — Disaient-ils

Ils perdirent tous car Albert préféra engager une nourrice…

Ainsi débuta la vie de Gabriel Thomas, Marquis orphelin de mère trésor du père adoré du frère joyau de nourrice…

Comment ça, joyau de nourrice ? —

Eh oui ! Albert ne rechignait sur rien ; rien étant trop peu pour l'éducation de son fils, il y consacrera un budget royal qui n'épargnera pas la nourrice.

C'est tout ? —

Désireuse de garder son traitement de premier ministre pour tout un empire, la nourrice soignera farouchement les traitements qu'elle réservera à Gabriel Thomas : elle y veillera comme un grand argentier veille sur un prince. —

Bon, trésor du père ? Je peux comprendre. Joyau de la nourrice, ça fait un peu « collier monté » mais ça passe encore. Par contre,... Adoré du frère... Non, non ! Je ne peux l'admettre... Ce n'est pas admissible ! —

T'es jalouse Charlotte ? — Reprochai-je à ma first lectrice.

Elle m'adresse toujours sa fracture la plus chère, ne rechignant jamais à trop s'épancher dans ses critiques… comme si je la payais pour qu'elle accepte de me concéder un tout petit peu de sa personne. Qu'est-ce que ça me coûte ! Et faudra-t-il, encore, que je me trifouille le bulbe, que je me trémousse du fion, que je me masselotte la cloche pour trouver une raison plausible, romanesque, documentaire... Pour expliciter « adoré du frère » ? Faudra sûrement que j'y passe, sans quoi, telle que je la connais, elle va me bousculer à m'envoyer boulet-rouler sur le dos cul en terre.  En fait, c'est que la connaissant toute, l'histoire de Gabriel Thomas, elle me laisse aussi ébahie qu'une neuvième altérée de quarte mineure : une espèce d'accord enharmonique dans un trait de lumière acoustique. Alors ? Quand je bâille ma synthèse creuse comme un fond de jarre, Charlotte rend plein de syllogismes catégoriques dont les prémisses, majeures et majeures accentuées, n'offrent que cette conclusion tonique : donc, c'est nul ! — C'est invariable immanquable immuable invivable ... En faisant celle qui ne sait pas ce que signifie muette comme une carpe elle bulle ses « nuls, c'est nul » à me fendre la calebasse. ça fait mal ! Bien ! J'ai besoin d'un bon remède. Je vais aller chez le pharmacologue. Je vais réclamer un remède efficace jusqu'à l'épilogue, de cette histoire ; un remède aux cris, un remède aux tiques, un remède aux critiques... Un remède à lectrices ; à toutes les lectrices : la connue, la con nu, l'inconnue, la vêtue, l'incongrue, la m'as tu vue que je n'ai jamais eues… Celles des plages, celles des docks, celles des docteurs…. Et celles de lady Theur aux droits d'auteurs... ça y est j'ai trouvé ! Le bon remède, c'est cela même : des bouchons ! Des bouchons anti-fuites ; des bouchons pour éviter autant de laisser fuir le fil de ma pensée, que pour éconduire toute pénétration des trompes ; des bouchons à feuilles de chou ! Parce que si je veux tenir ma promesse d'aller lui tenir compagnie, à Monsieur le Marquis, faut pas que j'échoue de Charrydbe en Scylla à écouter le chant de ma Calypso :

Tu sais ce que j'en dis... Fais comme tu veux... mais si tu ne fais pas ce que je dis... —

Ni les conseils à la concierge

A la cire trop de tâches, pas de mousse la mousse tâche et puis quand c’est luisant, c'est usant et aussi épuisant —

... Car il a déjà pris pas mal d'avance le Marquis...

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Dimanche 8 février 7 08 /02 /Fév 11:52
 

Naissance d’un conte

Voici l'héritier de monsieur le Marquis aussi propre que l'exige son rang !

Jeta la puéricultrice à l'enfant emmailloté blotti dans ses bras...

!!! Attention !!! Ce ne fut que ce trait d'humour ci, qu'elle jeta : le nouveau né, elle le posa délicatement dans les bras de son père : ça va de soi. ça va de soi ? Oui et non ! Alors, précisons illico que dans cette histoire, souvent, l'on sera tenté de comprendre les situations à contre sens de ce qu'elles sont réellement, ou de ce qu'elles devraient être... Donc, assez fortement incohérentes au sens de la Logique... Car, si cette fable n’est pas ce genre de conte de fée fait pour endormir les enfants, elle est quand même un conte ; un conte de faits où les passions des protagonistes seraient moins anthropomorphiques que schizophréniques ; un conte de fées aux visages humains mais animés de passions fantasmagoriques ; de passions de la folie peu ordinaire ou du rêve chimérique. Et, immédiatement précisons aussi, et dès avant d’entrer dans l’Histoire, que l'on sera tenté souvent de comprendre les situations à contre sens du sens commun, ou suivant l'interprétation qu’on pourra déduire de ce qui, en l'absence d'identification claire au sens commun, paraîtrait logique : comme dans ces éléments qui n'ont ni queue ni tête ou dont l'une et l'autre peuvent se confondre ; de ceux qui entraînent l'analyste des « cours d'actions » à se déterminer sur un résultat obtenu à partir de « variables forcées comme paramètres vrais » ; des paramètres vrais mais sans lien implicite aux représentations mentales du point de vue de nos capacités neuronales à élaborer un niveau d'abstraction des paramètres induits de la normativité ; de cette normativité qui s'arroge le droit d'assujettir par toxonomie de contraintes le traitement d'un problème spécifique en ignorant les facteurs d'affectivité : des paramètres assez incohérents au sens des règles de la Logique...

N'est-ce pas d’une clarté élémentaire ?

Elémentairement simple : comme l’argile et l’eau mêlées ; de ce mélange avec lequel on fabrique ces jolies cruches...

Et aussi sûrement, toutes ces potiches, « servantes faire-valoir », qui s’exposent au cœur de ces étranges mondes perdus de la « galaxie media ».

Ainsi, est-il conseillé au lecteur aboutissant au résultat de ce conte, de ne pas y chercher un drame humain ni une vérité cachée : c'est inutile pour se rendre compte des extrémités où le Comte aura conduit le Marquis.

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Naissance du comte

Pour revenir à son origine (induite de ses origines), l'enfant qui vient de naître est, tout Comte fait, fils du Marquis qui d'emblée fait de cet héritier son Roi, non qu'il le destine à régner sur un quelconque royaume, mais plutôt qu'il lui réserve d'occuper le trône en sa maison... Enfin ! Comprenez-vous ? Monsieur le Marquis est aussi fier d'être papa que le dernier des humbles valets, qu'il soit du Bourbon né ou du Perche halé, ou bien né de Navarre comme de Franche comté (mais pas né Avare) en charentaise échouant (et chouan aussi) à cette grande noblesse de perpétuer la vie...

Et, même si le « petit » Comte est aussi l'héritier d'une roturière, la joie de Monsieur le Marquis fait sincèrement plaisir à voir... Mais avant tout (pour défendre le Marquis), ne serait-il pas bon de rappeler qu'en République, trimballer un titre de Duc ou de Marquis ne devrait pas compter plus que d’avouer, a-priori, au moins à sa boulangère et entre deux miches, être balayeur plutôt qu’ingénieur ? Ou inversement ?

Remarquez, ça dépend ; ça dépend de l'âge ou des mœurs de la boulangère. A moins que … A moins que bien manipulée par son rouleur de pâte, elle ne laisse gonfler ses miches qu'au levain intime. Mais ceci, c'est un tout autre conte procédant d'un tout autre calcul.

De toute façon et sans aucune manière ni aucune raison procédant d'un calcul d’intérêts, de cela comme d'autres choses, le Marquis n'en perd pas la tête, ni ses bijoux de famille légués depuis longtemps déjà, au patrimoine culturel de la société libérale...

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Monsieur le Marquis

Gabriel Thomas DE LA TOUR, Marquis de CASTRIES, a longtemps vécu comme un grand duc, avant de se laisser ensorceler par les charmes de Carmen...

Il interpelle le lecteur, le sens de cette phrase ? D'accord ! Ne le laissons pas trop longtemps livré à lui-même. Sinon, gageons qu'il ne perdra pas son temps à chercher à quoi peut ressembler la vie de grand duc : il balancera plutôt le bouquin aux rats et courra s'acheter le dernier cancan où lui sont contés le compte des débordements de la reine des culs. D'autant que rien n'est plus simple : comme un grand duc, le Marquis vivait la nuit. Remarquez ! Ne Voici pas notre lecteur, qui, de ce Gars là à Paris Ici, aurait pu découvrir la sorcellerie des charmes de Carmen. Mais est-ce bien parce que monsieur le Marquis hantait toutes les nuits jet-set, chaudes, festives, frivoles, qu'il s'est épris de cette cabareteuse de feu chevelure noire et regard fauve ou chevelure fauve et regard noir (sincèrement ? On ne saurait choisir) superbe danseuse nue (splendeur magnifique, reliefs admirables, grâce somptueuse ou autres tautologies et synonymes faibles pour révéler sa beauté) piercing en tous genres et tatouages osés, tempérament pur-sang, gènes andalous, sans pudeur et sans-gêne, Carmen. Carmen qu’on pouvait reluquer, charnelle sur pages glacées, dans ces revues converties en torchons de café.

Soit dit en passant : ne faudrait-il pas considérer la dévotion portée à la noblesse (aussi à la snob laisse (laisse de petit chien) par le petit peuple d’aujourd’hui comme une insulte à nos convictions républicaines. Remarquez…

Remarquer ? Jugez plutôt ! Nous croyons bien à une Europe Unie ! Pourtant, celle qui nous régente aujourd’hui est aussi éloignée de nos convictions républicaines que le sont les royalismes démocratiques et les libéralismes hypocrites qui la dirigent, non ? Passons !

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L’héritage du grand Duc

Monsieur et Madame se marièrent en 1956 à MONTPELLIER.

En cet honneur, le Duc de SAVIGNAC léguait à Monsieur, le titre de Marquis de SAUVETERRE qui…

Comme tout le monde s'en moque...

La famille de LA TOUR apportait en dot de Marie-Cécile les ruines du Marquis de CASTRIES dont plus personne ne voulait relever la charge car tout le monde s'en moque aussi... Sauf, peut-être, les héritiers de Charles DE LA CROIX...

Charles de la Croix, Marquis de Castries, né à Montpellier en 1727, Maréchal de France sous Louis XV, ministre de la Marine de Louis XVI, Émigré sous la Révolution et Commandant d'une division de l'armée des princes en Champagne en 1792, est mort en 1801. —

Selon notre encyclopédie qui ne se mouille pas. Et si elle ajoute :

En 1873, la famille de Castries aurait été réhabilitée par la France, grâce au zèle et au patriotisme que montra Henri de la Croix à servir la IIIème République… —

C'est avec précautions et en usant d'un conditionnel passé très composé.

Donc, les DE LA CROIX DE CASTRIES n'ont pas à nous tenir rigueur d'attribuer le titre de Marquis de CASTRIES à un De la Tour ; dans le besoin, ils peuvent se défendre, et laver leur honneur en plantant La Croix au sommet de LA TOUR.

Nous en sommes où ? Faut dire, avec toutes nos révérences ! Ah oui !

Tout le monde s'en moque… —

— Oui ! —
Car au bout du conte, ça changera quoi ? —
Rien ! Surtout au cal en bourre ! —

? —

Le cal, qu'il soit en bourre ou en cor, qui interdit à une paresse de tout poil de pousser dans la main, était la grande noblesse du travailleur manuel —

? ? ? —

Camarades ! —

? ? ? ? ? ? —

—  !!!! (Eh oui ! Silences : il en reste si peu !) —

Et tout compte fait, ça ne vaut rien.

Surtout pour l’Histoire ...

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L’héritage ’’Marquisant’’

Monsieur Gabriel Thomas est né à Montpellier, début août 1968 : né de Marie-Cécile DE LA TOUR, Marquise de CASTRIES, et d'Albert DE SAVIGNAC, Marquis DE SAUVETERRE. Gabriel est le second fils que Marie-Cécile donne au Marquis, sur le tard, et dans un dernier souffle de vie. Ainsi, (et à sa manière qui restera toute sa vie très insolite et particulière) Gabriel Thomas en naissant, engendre une révolution dans la vie du noble couple.

D'abord, sa naissance tient de l'exploit...

C'est le petit matin… Le premier trait doré du soleil glisse lentement par-dessus la châtaigneraie là-haut sur la crête du Clairan, lèche les toits de Bragassargues, se faufile par la fente médiane des contrevents disjoints et darde sur la paupière droite d'Albert qui sursaute, renifle, ronfle, souffle, grogne, tout comme fait le toro poussé dans l'arène par l'aiguillon… Et Marie-Cécile crie : — Hola ! Oulala, lahlaah ! Ouille ! — Juste avant que le trait perfide ne rejaillisse sur le bronze de la cloche de Quissac… C’est le petit matin qui achève ainsi la dernière nuit du noble couple dans sa chambre du mas Roux… Mais, nous ne le jurerons pas. Parce que celui qui nous a rapporté cet événement, c’est le fils aîné du Marquis : Julien Débonnaire. Lui aussi est très, « particulier », mais, Marie-Cécile n'y est pour rien du tout. Chez Julien Débonnaire, le « caractère particulier » est encore plus insolite que chez Gabriel Thomas car en brillant comédien, il vous surprendra dix fois avant que vous vidiez votre Périer citron (si, entre-temps, et si, d’ici à là, vous n'avez pas coincé une bulle entre deux gorgées)...

L'histoire de Julien Débonnaire est une autre histoire : une histoire certes intéressante mais qui a peu à voir avec celle de Gabriel Thomas dont la naissance tient de l'exploit. Et un exploit, c'est souvent surprenant, mais c'est rarement intéressant.

(Là, on ne sait pas vraiment où l'on va... Mais on y va !)

Ce matin où Marie-Cécile crie,

Comme une femme saisie par une de ces contractions précédant la délivrance :  Hola ! Oulala, lahlaah ! Ouille ! — Albert surpris demanda :

Votre rejeton vous a botté au ventre ? —

Point du tout mon bon ami, ma tête est lourde et tout flotte autour de nous. — « Vasouille hasarda Marie-Cécile peu hardie. » Selon ce qu'a rapporté Julien Débonnaire

[Débonnaire ? ça ne va pas : c'est long et ça ne lui ressemble pas... Tenez : désormais si nous devons le citer, ou encore parler de lui, nous l'appellerons Julien ou Julien D, ou Dé, tout simplement]…

Vous avez sûrement faim. Prenez Une tranche de parme et de pain de seigle, cela vous fera du bien. Voulez-vous votre thé avec ? — Dit Monsieur Albert.

Merci mon tendre ami. Je n'ai pas faim. Si vous avez un peu de bonté pour moi, de l'aspirine, et une serviette : j'ai très chaud. — S'essouffla Marie-Cécile.

Un peu plus tard, après s'être rafraîchie, après avoir avalé l'aspirine remède de famille, Marie-Cécile se laissa glisser sur la soie et les plumes d'oie de son oreiller en disant à son noble époux :

Mon bon ami, ne vous souciez point davantage pour moi, sonnez Thérèse et vaquez aux obligations. Je vais me remettre, bientôt je serais mieux. —

Croyez-vous très chère ? Ne serait-il pas heureux d'envoyer chercher MIALET ? Voyez-vous, dans votre condition, on ne badine pas. — S’inquiéta le Marquis.

N'ayez point d'inquiétude. Vous n'aurez pas fini de distribuer vos gages que je serais rétablie. Sonnez Thérèse ! — Insista-t-elle.

C'est une aporie mais nous n'y pouvons rien : la noblesse, vous savez...

Marie-Cécile croyait ce vertige aussi éphémère que ceux des jours précédents et n'étant qu'au début de son septième mois, elle ne s'inquiétait nullement. Souvent au cours des premiers jours passés au mas, elle était un peu dérangée : estomac barbouillé, intestins encombrés, elle ressentait des vertiges semblables... Le médecin avait expliqué :

C'est l'eau. Ta source est riche en minéraux. ça change de celle de MONTPELLIER lavée à la javel. Ici, ton organisme réclame quelques temps pour se réadapter : ce n'est rien. —

Et le docteur savait ce qu'il disait : il connaissait bien Marie-Cécile : il l'avait fait naître, soignée de la scarlatine, et des intestins... Certes, depuis cinq ans, MIALET avait passé la main, mais chez les DE LA TOUR, depuis cinquante ans, on n'a confiance qu'en lui :

« Rendez-vous compte : Son remplaçant sort de TOULOUSE »

« Ah ! S'il avait fait sa médecine à MONTPELLIER, alors, peut-être... »

De SAVIGNAC estimait ça, comme un entêtement stupide, comme... Cependant, il garda toujours son avis enfoui comme un secret d'Etat. Et, quand Marie-Cécile n'allait pas bien, il envoyait son chauffeur à QUISSAC quérir le retraité docteur MIALET, qu'ils logeassent à la villa de MONTPELLIER, ou ici, au mas Roux. Le docteur se prêtait volontiers à ce jeu. Et, à jouer pour jouer, il préférait descendre à MONTPELLIER. Pas pour le « petit voyage » mais pour la compagnie d'Albert et de son cercle d'amis qu'il appréciait. Et sûrement plus, pour la bonne rousse de la Comédie... Non ! La rousse n’était qu’une bière écossaise au malt de whisky, qu'à l’époque et à deux cent kilomètres à la ronde, on ne trouvait qu'ici, dans cette brasserie (place de la Comédie, juste avant l’allée Paul Boulet de Platanes plantés), tenue par un ancien officier des forces libres, compagnon de MIALET et d'Albert. C'est ensemble, dans un camp d'Ecosse, qu'ils avaient découvert, puis aimé, cette rousse inconnue...

Tout le monde s'en moque ? Comment ! Se moquer d'une rousse pareille !

Le vieux MIALET n'était pas abruti... Dès le début, son remplaçant connut le dossier des « tares » des DE LA TOUR et DE SAVIGNAC unis. Tout comme le professeur Bernis de la faculté de MONTPELLIER et, à la ville, voisin des DE SAVIGNAC... Au cas où : le docteur MIALET n'était pas immortel.

Pourtant, aujourd'hui, Marie-Cécile allait mourir.

Marie-Cécile se croyait prise d'un banal étourdissement ?

Albert n'y voyait aucune alarme ?

Et Thérèse...

Oh, Thérèse ! Depuis plus de cinquante ans au service DE LA TOUR, Thérèse était vieille, un peu sourde, mireaude, bancale... Et pire : elle refusait de l'admettre. Et comme c'était la dernière domestique (la seule que le couple n'a pas su remercier comme les autres et que le chauffeur n'est pas un domestique mais un salarié de la Fabrique que dirige Albert), il semblait n'y avoir personne dans la maison pour juger utile de faire appeler le docteur.

Et Marie-Cécile mourait...

Madame, voici votre thé au lait. — Hurla Thérèse.

Madame ne répondit pas, ne bougea pas. Respirait-elle encore ?

Madame ! — Hurla Thérèse.

Thérèse lâcha le plateau qui rejoignit le plancher. Thérèse hurlante se précipita hors de la chambre, dévala les escaliers, déboucha sur le perron, sauta trois marches et courut dans l'allée en criant :

Au secours ! Madame est morte ! Mon Dieu ! Madame est morte !

Thérèse se précipita… Enfin quoi, elle se précipita sans faire d'excès de vitesse :  vitesse limitée par l'arthrose des genoux de jambes de soixante dix ans. Cependant, elle en était absolument sûre, Thérèse :
      —
Madame est morte !

D’ailleurs, Elle s'expliqua ; elle s'expliqua gestes à l'appui, s'il vous plaît ! Elle s’expliqua autour d'elle :

Cinq minutes. Prendre l'eau, beurrer biscottes, c'est comme je dis, tout juste cinq minutes... Vous comprenez ? — 

Personne ne put comprendre car il n'y avait personne. Alors, elle parla à la nature, tout autour immobile : les arbres demeuraient, de la cime à la racine, figés. Les fougères gardaient le cap au nord, les oeillets restaient clos, les tournesols cherchaient les rayons du soleil… Même le ruisseau d'ordinaire si attentif au moindre frémissement n'écoutait que son cours d'eau continue. Thérèse éperdue poursuivit sa course vers la haie de buis au pied de la colline. Elle s'expliqua de nouveau mais seul l'écho de sa voix s'apitoya car la nature de ce côté-ci n'était pas encore réveillée. C'est dire si Thérèse était désespérée ! Heureusement que choisissant d'ignorer toute cette indifférence, elle s'en retourna vers la maison, sinon elle aurait perdu sa raison. Surtout, elle n'aurait pas vu cette voiture remonter le chemin, elle n'aurait pas pu l'appeler ni courir au devant d'elle et lui demander de l'aide. Heureusement ! Et la voiture comprit vite. Elle s'immobilisa net à côté d'elle et demanda de deux voix à l'unisson :

Marie Cécile ne va pas bien ? —

Madame est plus malade que tantôt ? —

Madame est morte ! — Hurla Thérèse sans entendre la question de la voiture.

Ce n'était pas grave car il sembla qu’elle avait compris, puisqu'elle démarra aussi sec que la terre du chemin et s'engouffra dans l'allée du mas, laissant Thérèse sur le bord du fossé, finir de hurler :

Madame est morte ! —

...
Dans la noble chambre le docteur
MIALET s'affaira autour de Marie-Cécile : réanimation cardiaque. Pronostic réservé, diagnostique indécis :

Le cœur bat à nouveau faiblement mais il bat. Combien de temps ? Je ne sais pas... Mais les séquelles seront irréversibles et ... — Se désola le Docteur.

Sauve l'enfant, Jules ! Sauve l'enfant. — Supplia le Marquis.

Gaspard, comprit qu'il devait solliciter les secours illico. Il quitta vivement la chambre, dévala les escaliers, surgit sur le perron, avala les trois marches, courut dans l'allée, bondit en voiture et fonça vers Quissac pour téléphoner...

Comment ? C'est ça, comme Thérèse tantôt. Sauf qu'il fut bien plus rapide qu'elle : dans la même période nécessaire à Thérèse pour atteindre le bas de l'escalier il avait avalé le kilomètre (ou durant le même laps de temps... Ou encore : une même durée d'action, ou de mouvement... Parfois, les Mesures Physiques s’avèrent utiles pour parler dynamique).

Comment ? Ah, pourquoi Gaspard devait-il aller à Quissac pour téléphoner ? Oh, Oh ! Qu’ils sont drôles !

Gavés tout sous la main le cul dans le fauteuil l’œil noyé dans la mare luminophorique ils l’ont oubliée, l'Epoque Marie-Cécile ! L'Epoque Marie-Cécile était très loin d’être aussi euphorique que notre « Fast Epoque » de mare soporifique…

A l'Epoque Marie-Cécile ? Quand ça décidait un peu, de fonctionner, c'était plutôt sombre, et en noir et blanc. Tu voulais que ça change ? Tu faisais, ni une ni deux : tu levais ton cul. Tu allais mettre ton doigt là, tu l’y enfonçais et tu faisais se dresser le bouton : clac ou clac. Tu n'avais pas d’autre choix.

Le téléphone ? Comment ça, le téléphone ? Le « 22 à Asnières ! », t'as oublié ? Pardon ? Le cellulaire ? C'est le « 22 » aussi. Oui ! Nous savons : pour le 22, on compose le 17 !

Mais vous savez aussi qu’on ne dit plus « 22 v’là les flics » mais « 69 v’la la rousse » ! Pardon ? Ah oui, le cellulaire à puces ! Voyons ! Mais, ce n'était (à peine mais tout juste) qu'une utopie lancée par deux ingénieurs farfelus qu'ON raillait sans retenue...

Et les P&T, n’allaient pas planter 160 poteaux et tirer huit kilomètres de câbles, depuis Quissac jusqu’au Mas Roux aux frais du contribuable pour brancher le Marquis de campagne au service public, même en récompense des mérites du capitaine de guerre, compagnon de la libération pour sauver la France…

A cette époque, à Quissac, ils n'étaient que sept abonnés : la mairie, la coopérative, la bonneterie, les deux cabines de la poste et la gendarmerie

Les pompiers ? Pas besoin : ils avaient le tocsin, car, avant tout, ils étaient bergers…

Heureusement que Gaspard était jeune et sportif, qu'il savait à qui s'adresser et qu'il était persuasif, donc efficace...

Et les secours arrivèrent en hélico.

* * * * *

Irrévérence…

Elle commence à m'agacer, ma co-auteure, mon alter-égale... Mon haltère de mas-critique, mon altière moi-même, ma face dévoilée :

Tu peux pas faire mourir la mère et sauver l'enfant aussi bêtement : pas en 68, pas en plein Causse. —

Comme qui dirait « en plein désert » (même si c'est le nom donné à l'endroit. Mais c'était à l'époque de Louis XIV, du temps des camisards)... Alors, j'ai planté l'image du téléphone. Et j’ai lancé Gaspard. Et puis, pleins Gaz ! Mais elle est restée… sceptique. Et alors ? Alors ! Quand elle a vu arriver l'hélico ! Non ! Elle commence à m'agacer !

Non mais ! C'est qui l'écrivain ? —

C'est toi ! T'es l'écrit vain ! —

Tiré d'un trait : ça m'a saoulé...

Moi, j'ai voulu écrire pour elle qui dévore les livres.

J'ai voulu écrire pour elle car même lorsque je la caresse, elle ne jouit en continu que de ce qu'elle a lu.

J'ai voulu écrire de jalousie.

J'ai voulu écrire pour reconquérir ma belle, pour reprendre du poil à la bête, pour regagner sur le flan du Cocteau...

Mais non.

Elle rigole et se moque ; elle se moque de moi, de mes histoires, de mes héros…

De mes mots comme de mes maux.

Non !

Je ne suis pas son Jardin ou son Prévert.

Je ne suis pas son Camus, même pas son Malraux…

Mais je crains d'avoir la peste !

Je ne suis pas un Dard du San Antonio.

Et je ne suis même pas le moustique Aghata du Nil…

Mais je suis piqué ; je suis piqué et marqué au rouge. 

Je suis rouge, saigné à vif.

Et tout le monde s'en fout.

Tant pis.

J'irais tenir compagnie au Marquis Gabriel.

Mais pour ça, il faut que je le sauve à tout prix.

Et comme Marie-Cécile est morte (ou tout comme), j'utiliserai la méthode qui me plaît.

Ne t'en déplaise, mon « amour vache » !

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