Vendredi 30 janvier 5 30 /01 /Jan 18:23
 

 

 

 

Préambule

J'ai quinze ans et lui dix-huit ans, à demi

Il est charmant comme le Prince de ma légende.

Visage sage aux yeux bleus malicieux...

Il me plaît.

Mais je n'oserai jamais l’avouer


Souvent nos regards se croisent

Mais nous baissons nos têtes intimidées.


Parler d'amour n'est pas permis :

Ces sentiments n'existent pas.


Son visage m'apparaît plus beau que

Les équations polynômes

De Ronsard Du Bellay...


Je rêve !




Présentations

Une fin d'après-midi

Le chevalier qui hante ses rêves chevauche son « cyclobleu’ ».

Feu rouge. Stop !

Elle est à sa hauteur, son coeur s'affole : 

  • Pourvu qu'il me voie !

Il la voit. Il dit même : « Bonjour ! ».

Feu vert ! Son coeur a disparu...

Au coin de la rue, son visage lui sourit :

  • Faut laisser filer les gens pressés. — Elle est pétrifiée. Il parle :
  • Tu montes ? A question stupide réponse aussi :
  • Oui ! – Elle monte, à cheval sur son cyclomoteur… 

Ne plus marcher c’est au moins ça de gagné !

Il parle. Sa voix la berce : elle s'endormirait sur son chant...

Si demain pouvait bégayer l'aujourd'hui...

  • Où est-il ? Se demandent ses pas traînant dans le couloir.
  • Étudie ! Étudie ! - Hurle sa mère. Ah ! Ces fameuses Etudes !

Les études comme ersatz ?

Les études, comme paravent ou parents vent ?

Les études comme succédané

Comme succès des années ?

... Succès des ânes nés !

Et pourquoi pas : simili à sa solitude !

Ou pourquoi pas encore d’autres similitudes dans un choix pré mâché : l'église pour la morale, les parents pour la nourriture et l'enseignement pour l'instruction, un point et c’est tout…

Et la Connaissance, hé ! La connaissance ça n’existe pas ?

La connaissance, si ça existe, qui donc s'en inquiète ?

Bien sûr qu’elle allait étudier… Elle n’allait même faire que ça : découvrir, assimiler, étudier approfondir ; « Scientifier » le Savoir, Sanctifier la Connaissance… Consacrer l’Esprit de l’Erudition...

Ils n’allaient pas croire qu’elle ira travailler à l’usine comme son père. Ou faire six mioches comme sa mère. ça, jamais !

Et puis, de cette famille ci, dans le fond des actes comme dans les formes du discours, elle en avait soupé : définitivement

Elle avait quatre ans quand les événements les chassant de Tunisie, ses parents choisirent une terre d'accueil : la France. Elle débarqua à Marseille sans connaître un seul mot de français. Elle n'avait rien choisi.

  • Aujourd'hui, je suis une Française, AOC pur cru — Affirma-t-elle.

Elle précisa, qu’à cette époque déjà, elle supportait de plus en plus mal la mentalité de clan de sa famille. Un clan ? Pas précisément la structure du clan, plutôt celle d’un cercle qui se désocialise en raison de ses particularismes ; la mentalité d'une société ne se satisfaisant plus de banales critiques ; d'une société clouant « son » gouvernement au pilori de l'abandon du protectorat de la terre natale au profit d'une « bande de sauvages »  et de son avilissement aux rigueurs patronales... 

  • « En 68 fallait tout casser ! »

  • « Fallait faire la révolution ! »

  • « Fallait prendre le pouvoir ! »

  • « Fallait mettre les patrons en prisons ! »

  • Et patati et patata ! ... — Et Pâte à trac !

  • Dites-moi ! De quoi d’autre aurais-je pu parler avec eux ?

D’abord dans son lycée, personne n’avait jamais osé parler de 1968.

Persuadée d’avoir compris que « Mai 68 » fut la victoire de « la liberté de la libre expression », elle me demanda ce que devait signifier ceci :

  • Vous êtes ici pour réussir. Vous n’êtes pas ici pour user vos fesses sur les bancs, ni pour regarder à la fenêtre la fin de l'heure arriver... Vous n’êtes pas ici pour protester contre la discipline de l'établissement. Je ne supporterai aucune manifestation, ni tapage. Je sévirai contre les manipulateurs. Au besoin, je demanderai l'assistance des CRS. Vous n'avez qu'une seule chose à savoir : c’est le plus persévérant et le plus docile aujourd'hui qui aura demain l'opportunité de diriger les mauvais sujets d'aujourd'hui. Je vous laisse imaginer quel sera son pouvoir, sa vengeance... Parce que tout le monde a besoin de gagner sa vie pour manger, il faudra bien qu'un jour ceux-là aussi rentrent dans le rang... La discipline aujourd'hui, c'est la réussite demain ! »

Discours qu’elle disait être le « laïus d’intronisation » du nouveau proviseur de son lycée public, le jour de son entrée en première : septembre 1972.

Alors ? 1968 n’agitait rien dans sa tête, ni ailleurs en elle :

  • 68 restera toujours « trop loin » de moi… C’est peut-être pour cette raison que j’ai toujours préféré marquer ma faveur pour 69 … Ma faveur ? Et ma ferveur aussi !

Pouffa-t-elle.

Quelques semaines plus tard. Dans l’instant où elle ouvrait la porte de l’appartement, sa mère bondissait vers elle en hurlant :

  • C'était qui ce garçon.

  • Un copain qui m'a gentiment raccompagnée sur son cyclo : de me voir boitiller à cause des chaussures que tu m'as achetées et qui me blessent, il a éprouvé de la pitié. Y'a aucun mal à ça.

  • Je t'ai... —

  • C'est ça, hurle : je n'entends plus rien - Dit-elle avoir répondu :

  • Jetant mon sac, muette, en me closant dans les waters cabinets.

Appuya-t-elle, espiègle jusqu’au fond des yeux.

Elle me raconta qu’après cette fois là, elle en fit une coutume…

Et même, qu’elle en retirait un certain plaisir car sa mère ne suspecta jamais que ce comportement pouvait être une méthode à laisser couler là toutes ses remontrances. Ainsi, chaque fois qu’elle estimait que les sermons de sa mère bannissaient toute explication, elle s’y enfermait. Puis rageusement, elle troussait sa mini jupe, roulait sa culotte, s’installait sur le trône et poussait sa rancœur. Et presque toujours, elle parvenait à lâcher un étron. Alors, fière d’elle, elle tirait la chasse d’eau et regagnait ses pas perdus dans le corridor sans que sa mère ne revienne (ne re-verge (ou martinet)) sur ses propos antérieurs.

  • Avec le temps, j’ai trouvé cette habitude comique plutôt ridicule. Mais sûrement, vous y donnerez, vous, une autre signification. —

Souligna-t-elle, friponne.

  • Pourquoi ? Lui demandai-je

  • Pardon ?

  • Pourquoi portiez-vous la mini jupe ? Précisai-je.

  • Parce qu’en 1972, c’était la mode, non ? Et, avec les copines, on jouait même à celle qui porterait la plus mini.

Sourit-elle des yeux… plus fripons encore. Troublé (affolé plutôt), je braquai les miens sur mon calepin en bredouillant : — Pourquoi ? —

  • Comment ? Ah oui, pourquoi ma mère acceptait-elle que je porte des mini jupes alors qu’elle me réprimandait quand un garçon me grimpait sur la selle de son cyclo ? Oh ! Vous savez, Si l’on pouvait expliquer tous les paradoxes... Vous savez, vous, Docteur ? —

M’ébranla-t-elle.

Un peu plus tard encore, Marisa ouvrit la porte de son appartement à Jacques derrière elle :

  •  Maman ! Je te présente Jacques. —

Sa mère le dévisagea et constata :

  • C'est toi qui a monté ma fille sur la mobylette. Ça je veux plus... —

  • Non maman. Il vient m'aider pour les maths. —

C'était passé comme une lettre à la poste et jamais elle ne s'était sentie aussi gaie, ni aussi envahie de ces sensations inexplicables.


Jacques l'intéressait et il s'intéressait à elle : ça démarrait bien.

S'intéresser ?

Voilà le verbe le plus inadéquat en la circonstance.

S'intéresser !

Exactement comme une marchandise ou un objet :

  • Je ne veux pas que vous croyiez que j’ai la prétention de dire qu’il s'intéressait aussi aux oeuvres d'art ; comme si j’avais été une œuvre d’art... Non ! J’avais le choix ! Donc, je préférais dire qu’il s’intéressait à moi par sympathie : la tendresse, et puis l’affection, ça n’est venu que plus tard… Après que Jacques et moi ayons travaillés au savoir et à la connaissance. —

Et elle en fut remplie, farcie, bourrée, mais jamais rassasiée... Marisa !

*     *     *     *

Sensations

Jacques était là où ils s’étaient quittés plus tôt.

Elle courut vers lui et passa ses bras autour de son cou en effleurant sa joue d’un baiser. Elle eût peur. Une peur soudaine, incontrôlable. Mais presque naturellement, ses bras autour de sa taille, il lui rendit le baiser. Elle poussa un soupir haché. Lui, serrant sa taille, elle, tendue sur la pointe des pieds, les yeux dans les yeux, sans dire un mot.

  • J'ai peur ! —

Comment ? Avait-elle bien entendu : « J'ai peur » ?

  • Moi aussi ! —

Amoureux ? Si brutalement, si jeunes, si riens ! Pourtant, déjà Marisa avait su qu’elle et lui Même s'il lui avait été impossible d'expliquer l'Amour et encore moins ses effets...

Sincèrement ? Elle n’avait souhaité se poser aucune question à ce sujet.

  •  
    • Marisa je t'aime, tu m'aimes ?

Il l'attirait comme un aimant. Elle ne pouvait ôter ses mains de son cou, ni détourner son regard perdu dans ses yeux ; perdue dans le regard de Jacques qui la transperçait. Il posa délicatement ses lèvres entrouvertes à la base de sa joue. Un instant(s)… Elle sentit sa langue les caresser. Son cœur battait. Elle n'entendait que lui : elle n'avait plus de jambe…

Premier baiser !

Première Eternité ;

une ÉTERNITÉ, son premier émoi de femme oubliant ses quinze ans : elle n’était plus « petite Marisa ».


L'été débutait, avec ses vacances anticipées par l'indisponibilité de son lycée réquisitionné pour les examens de fin d’année,

Avec ses premiers jours à la mer

Avec Jacques près d’elle

Avec joie...

Et ce fut un vrai délice…

* * * * *

Jacques se pencha vers elle et l'embrassa tendrement.

Jacques avança ses deux mains vers son visage, mais elle les conduisit au dessus de ses seins pour qu'elles caressent en remontant jusqu'à sa nuque. Et, elle avait faim de la bouche de Jacques. Mais elle était encore trop loin de la sienne. Alors ? Alors, elle se lança et l'embrassa goulûment : la ’’grosse pelle’’, quoi... Et déjà, elle provoquait du scandale près d’elle : l’esclandre de la brave femme offusquée à côté d’eux... Comme quoi :

  •  
    • Si c'est pas malheureux ces frotadoux devant le monde ! ça m’escagasse Bonne Mêreu ! Si c’est pas tun exemple, qu'après on saùfusque plus des minots qu’anfreinent de la déssenceu en touchant pacholle, ou plus pireù...

Qu’elle aurait dit « avé l’assent fadasse » (Autrement c’eût été insipide). Et que... ça n'a vraiment aucun sens. « Eh têh ! Peuchère ! » Comme ils disent aussi, en bas. Mais, ainsi « têh ! » ça n'a plus, ni tête ni queue !

Mais, Jacques sourit : Jacques sourit à sa souris ahurie. Et, paré de son sourire infini, il dévisagea la grosse rumeur, l'examina entière et s’esclaffa :

  •  
    • A croire que votre miroir est de bois Madame ! Moi, de vous voir ça m'offense déjà. Regardez dans votre maillot : on dirait un étalage de charcutier. Regardez ! Votre bout de torchon voudrait bien voiler cette énormité mais il y a renoncé depuis des siècles et c'est d'une laideur répugnante. N'est-elle pas là, l'indécence Madame ? L'enfance au moins, c'est beau. —

Alors, la femme outragée ramassa ses hardes et quitta la plage.

  •  
    • Ah Jacques ! Il est comme ça. Et, il est fait pour me plaire : doux et beau, intelligent et fort… Ironique et intransigeant ! —

Dit-elle de ses yeux fardés de cette espièglerie envoûtante, de ses lèvres ornées de cet énigmatique sourire des portraits à Michel ANGE et des madones à Raphaël

Parviendrai-je intact au bout de cette…

Cachés au creux des rochers qui forment la digue abritant l'entrée du port de la « pointe rouge » des Marseillais, jour après jour l'un et l'autre ils se découvrirent, l’un à l’autre, l’un pour l’autre. Bien avant de devenir son amant, il fut autant son amoureux que son ami… Evidemment, ils furent amants… Bien avant leur mariage…

  • Aujourd'hui, plus de vingt ans après, il est toujours mon amant. —

Consciemment et inconsciemment, elle a toujours besoin d'être sa maîtresse alors qu’elle saurait bien se priver d'être son épouse : elle a besoin de se repaître de sa chair, nonchalamment et activement.

Il parle... Elle parle... Ils parlent... Beaucoup.

Mais elle reprend toujours son souffle dans son souffle, à pleine bouche.

Il parle... Elle parle... Ils parlent, leurs yeux baissés, rivés sur leurs sexes sans pouvoir les y contenir, à vouloir y jaillir, à ne plus entendre que leurs soupirs, là... Là, elle vient, et place son sexe contre celui de Jacques. Sa bouche dans sa bouche leurs langues battent la mesure jusqu'au point d'orgue du petit cri résonnant au fond de leurs crânes... Ils jouissent de ces plaisirs depuis toujours : c'est leur ÉTERNITÉ.

Parfois, ils n'avaient ni besoin de parler, ni envies. Serrés l'un contre l'autre, caresses dans ses cheveux, tendresses sur sa nuque, danse langoureuse de sa poitrine contre sa poitrine, de son ventre sur son ventre, de son sexe dans son sexe. De ces longs frissons, ils atteignaient l'Extase...

Marisa s’était expliquée sans hésiter :

  • L'extase, ce n’est absolument pas l’orgasme : ne nous y trompons pas. Et si l'Extase est toujours supérieure à la jouissance, par certains côtés, elle est beaucoup plus envahissante que l’orgasme : ne mélangeons pas tout. —

  • Et, pour vous, qu'est-ce que la jouissance ? —

  • C’est un peu comme ces instants nécessaires (comme ceux à traîner ses pas éperdus sur le marbre des pas perdus d’un hall d’aérogare) avant l’envol au dessus des nuages mais toujours sous le ciel étoilé où siège l’orgasme. —

  • Et l’orgasme alors ? —

  • C’est le petit voyage, loin dans l’espace, où le temps n’existe plus. Alors, dans ce vide sidéral, on dépasse tous les sens et l’on rejoint l’extase. Mais on peut, aussi, gagner l’extase sans jouissance ni orgasme. —

  • Alors, qu'appelez-vous : jouissance ? —

  • C’est l’état de conscience de l’excitation de la chair. En cela, l’extase est très supérieure à la jouissance. —

  • Mais alors l’orgasme n'est pas... —

  • Pourquoi ne serait-ce pas, au bout du plaisir, la frontière entre les deux mondes conscients et les deux mondes charnels : l’étape de franchissement de la « nouvelle dimension » ? —

  • D'accord ! Et l’amour dans tout ça ? — Lui demandai-je en introduction d’une nouvelle séance.

  • L’amour, c’est un sentiment mais ce n’est pas un état conscient ; généralement l’amour reste immanent, qu’il soit violent et passager paisible et permanent, ou permanent et ardent ou etc. —

  • Pourtant, certains disent que l’amour, n’est qu’un état d’être.

  • Pourquoi pas ! ça ne me dérange pas et je ne contesterai nullement, sauf s’il est un état fortuit engendré d’une prédication à forger la morale qu’on induit de la raison, non comme une inférence mais comme une tromperie. Pour ceux-ci, l’amour demeure impuissant… —

Et Marisa avait choisit d’en philosopher, ainsi :

  • Si l’amour ne contribue pas à donner la vie au désir, à exciter l’envie au plaisir, et si l’amour refuse de contempler les agitations de la jouissance, alors, l’amour reste vain. —


L’amour vain serait donc inutile, au moins à la joie de vivre du Bonheur. En fait, l’amour semble ne revendiquer aucune part à la provocation de l’orgasme même si son ivresse et sa fièvre l’embrasent. Toutefois, il semble que l’amour possède le pouvoir de rendre l’extase plus merveilleuse encore sous l’emprise de leur enchantement.

« Ouais, mais le petit Robert, il dit que… », Argueront certains.

« Larousse présente ça plutôt comme… », Confirmeront d’autres.

« Et Dieu dans tout ça ? », S’offusqueront les miss tiques.

  • Savez-vous ce que j’en dis ? J’informe petit Robert qu’aux temps machistes on disait : « 22 ! V’là les flics ! » Aujourd’hui, on dit :  « 69 ! Voilà la Rousse ! » ; au temps féministes. Petit Robert, tout ça, tu l’apprendras quand tu deviendras grand... Quant aux miss tiques, je réponds : « Je me moque autant des moustiques que des saintes ni touches ». Rassurez-vous, je n’en Quillet pas davantage sans des Bordas à l’Académie : la barbe ! Quant à la barbe à papa, que celui qui en veut, l’Hachette…) Car, à bien choisir, je préfère le con sensuel (pléonasme agréable) à tous les accords consensuels (pléonasme inutile mais convenu). Remarquez jouer du pléonasme, ça m’amuse. Parfois, j’arrive à lui faire jouer une jolie musique. Quelquefois, il laisse même entendre un joli ’’çon’’… D’autre fois, pour sur-réenchérir avec d’autres joueurs de pipeau qui pléonasment mieux que moi leurs : « Au jour d’aujourd’hui, grâce à un enseignement supérieur de très haut niveau… Je suis un expert... En pipi au lit », je mets : « play » au Name. —

Marisa adore vilipender et pas qu’avec des pléonasmes.

Quant à moi…

J’aime aussi jouer du pléonasme ;

jouer jusqu’à pousser ma grammaire dans les orties : C’est une religion comme une autre.

« OK, d’accord ? » : pléonasme convenu, bilingue sioux plaît !

Non ?

C’est comme vous voulez : moi, ça me convient. Mais je ne voudrais contraindre quiconque. Surtout que, Marisa, ne ressemblant à aucun autre de mes « impatients »...

Ou autrement, si vous préférez :

Marisa ne ressemblant à aucun autre de mes déphasés ou déboussolés patients ; Marisa me faisant beaucoup rire aussi, Marisa rafraîchissait et excitait, au moins, mon quotidien professionnel.

Apprentissages

Est-il nécessaire de dire qu'avant leur mariage imposé pour raisons de moralité, Jacques et Marisa ne pouvaient se voir qu'à l'abri de sombres stratagèmes ? Merci.

Ainsi, Marisa accompagna Jacques dans sa chambre pour se donner totalement à lui. Elle avait bien dit : — Me donner. —

  • Cet abandon de ma personne fut une erreur. – Avait-elle ajouté

singulièrement grave, précisant qu’elle s’était attendue à décrocher… Elle n’avait su dire que cette phrase au cliché banal mais consensuel :

  • Je ne sais quel paradis… —

Mais l'extase ne fut pas au rendez-vous, encore moins la jouissance. Marisa aima les baisers, les caresses ; celle « du bel oiseau sur la coiffe de mon petit nid » notamment, mais elle ne retint aucun plaisir de son exploration. Pourtant, elle l’avait désiré et encore plus convoité. Elle l’avait harcelé sans répit, opiniâtre, et hardie ; Elle l’avait tant assailli, qu’il avait fini par capituler en lui abandonnant les clés de sa chambre...

Elle avait pulvérisé son record du cent mètres, secoué la porte de l’immeuble, gravi trois par trois les marches des cinq étages, plongé sur son lit et s’était dévêtue avant que Jacques ait eu le temps de refermer la porte derrière lui. Douillettement couchée, cuisses bien ouvertes, offerte, elle ordonna pour qu’il entre en elle. Jacques l’honora, lentement, tendrement, mais Marisa ne sue pas communier avec lui. Imaginant qu'il lui était automatiquement dû, elle ne sollicita pas le plaisir, ni même ne guetta le moindre de ses signes d’excitations...

Certes, elle jouit ; elle jouit de ses caresses, comme à chaque fois, mais elle demeura insensible à sa pénétration. Alors ? Alors tout aurait pu mal se conclure, sur cet échec. Pourtant non, et bien au contraire : durant les quatre mois qui s'écoulèrent entre ce jour et son seizième anniversaire, ils réussirent à se retrouver, seuls, deux fois par semaine.

Alors, ils couraient vers sa chambre et ils faisaient l'amour. Et ce ne fut jamais deux fois de la même manière. Il leur arriva même de s'aimer à moitié habillés, sans aucune préparation. A peine le seuil franchi, elle ouvrait sa braguette, plongeait sa main, fouillait… Et extrayait le sexe de Jacques dressé… Il soulevait sa jupe, écartait sa culotte et la pénétrait là derrière la porte. Elle s'agrippait à son cou, ouvrait ses cuisses, quittait le sol et s'empalait profondément en lui…

Et elle sentait son sexe battre au fond dans son ventre...

Et elle aimait ça ! Et elle ne pouvait plus s'en passer…

Et elle ne voulait pas s'en priver...

Pire ! Pour les bégueules... ou les trouillards... Un jour, rayon librairie :

Elle lisait la quatrième de couverture d'un Camus.

Passant ses bras autour de sa taille, Jacques l'embrassa dans le cou. Ses lèvres étaient brûlantes. Sa main droite se plaquant sur son pubis la fit frissonner entière. Elle lâcha le livre et se retourna vivement. Jacques sursauta, ses yeux éperdus dans ceux de Marisa... Elle n’avait pas pu expliquer pourquoi ce regard avait mis le feu à son sexe. Ni pourquoi elle avait eut envie de le pousser contre l'issue de secours, à l'angle d'une gondole et du mur, d'ouvrir sa braguette, de saisir son sexe et de… Absolument. Là, devant tous ces gens :

  • Devant ces gens qui n’imaginèrent jamais qu’on avait eu le culot de faire ça « ici ». Nous avons baisé en trente secondes. Baisé ! Pas fait l'amour.

Nuance dont le plaisir que l'on en retire n'est pas dénué de charme... Elle, elle y avait découvert la méthode pour calmer les feux de ses désirs et avait été très satisfaite d’elle :

  • Mon pubis, mon ventre, inondés de son sperme, j'étais fière : immensément. Dans la rue, heureuse, je dévisageais les gens. Certains me toisaient. J'avais alors la troublante impression que leurs regards plongeaient sur mon ventre qui s'incendiait… Comme s'ils avaient su... Et cette sensation était encore plus excitante lorsque c'était des femmes. –

Chanta-t-elle, lèvres épanouies… Yeux étincelants et toujours autant… Incendiants.

Pour ses seize ans, Marisa invita Jacques et le présenta comme ’’son fiancé’’. Ses parents hurlèrent et ses sorties devinrent, dès lors, impossibles sans chaperon. Cependant, ils concédèrent qu'il leur rendît visites. Et sous prétextes qu'il l'aidât aux devoirs, ils les laissaient seuls dans sa chambre... Sur quoi, elle jouissait parfaitement à voix haute de formules très modernes :

[Si a A et b B tel que A X B, alors (a,b) A X B . Ou bien : soit l'ensemble E et l'ensemble produit E X E = E². Soit une propriété R vérifiée par certains couples (a, b) de E². Ces couples forment un sous-ensemble de E². On dit que R est une relation binaire sur E ...]

Elle jouissait si parfaitement et ses résultats mathématiques s'en ressentaient si bien que ses parents crurent au don de Jacques.

C'est vrai, Jacques avait des dons, et pas que pour les maths car vers fin juin, ses ménorrhées d'ordinaire réglées comme du papier à musique n'ayant pas circulé à temps, elle comprit qu’elle était enceinte et la panique s'empara d’elle. Quant à Jacques, et à ses calculs minutieux, ils se rongèrent les sangs... Faut dire que nous n'étions pas encore dans la glorieuse époque de la contraception ; à cette époque là, mis à par les préservatifs, les jeunes gens étaient plutôt… Disons-le : Désarmés ! Honnêtement ? Eux, les préservatifs, ils ne connaissaient même pas ça :

  • Et je n’aurais pas pu non plus faire ma mâline en citant Vian : « La vaseline et les préservatifs devraient être interdits par voie d'affiche car il faussent le con en fombles des rapports sentimentaux des êtres sentimentaux » (de mémoire !), car je n’avais pas encore lu Cantilènes en gelées — Sourit-elle naturelle.

Elle n’avait pas fait la maligne car elle avait su, immédiatement et intuitivement que « les sentimentaux sans manteaux » qu’ils étaient, se trouvaient « à découvert » :

  • Je n’avais pas fait ma maligne au souvenir de l’unique leçon d’éducation sexuelle m’ayant averti que, si les sentimentaux s'avisaient de faire passer l’œuf sous couvert, ils pouvaient se retrouver à couvert pour longtemps. « L'avortement volontaire, même à une date précoce de la grossesse est un crime puni par la Loi. » Comme le disait la Loi de l'Epoque. Subtile usa Marisa.

Marisa ne parvint pas à couver l’œuf jusqu'à son terme et tout rentra dans le désordre : ses parents firent monter la pression, rabâchant constamment ne plus supporter leurs incartades :

« …Vous marions … ou cessez de vous voir ! »

Ne plus se voir ? Ne plus jouir, plutôt ! Ils y connaissaient rien, aux plaisirs, eux ! Ou quoi ?

« ... Nous marions pour cesser de vous entendre ! »

Et même si cette noce précipitée devait les faire galérer, elle ne gâchera pas leur bonheur et ne les privera plus de leurs plaisirs.

Jacques, paraît-il, aurait pu présenter un Doctorat autour de ses vingt quatre ans : il avait fait le plus dur. Mais pour ne rien devoir à personne, il choisit un emploi salarié sans pour autant oublier l'Université qu'il quittera Docteur-Ingénieur à vingt-huit ans comme nombre d'autres.

Marisa aussi voulait « faire des études ». De toute façon elle ne serait jamais allée travailler après le bac, surtout pas pour ses parents. Même sans son mariage à dix-sept ans. Elle se serait inscrite dans une Fac, bien loin. Et ses parents auraient dû assumer… A ce qu’elle a dit.

Marisa poursuivra des études à AIX, plutôt bien d'ailleurs, et ses parents n'y seront pour rien...

Tout ceci, étant vérifié et s’avérant juste ; tout ceci prouvant que tout ce que Marisa avait déclaré jusqu’ici signifiant qu’elle n’était pas à considérer comme déséquilibrée, ou insensée, je devrais chercher ailleurs pour « comprendre » Marisa : pour la comprendre sans me méprendre, ou pire, sans me troubler.

  • Les débuts de ma seconde grossesse furent assez délicats. J'eus le bonheur de me trouver chez le Gynécologue quand se déclencha une hémorragie. — Poursuivait Marisa.

Cette fois, la fausse couche était passée près. Grâce à la célérité du gynéco, quelque six mois après, Marisa donnait naissance à un charmant petit garçon. Mais, Jacques, se sentant (semble-t-il) incapable d'élever un enfant, aussi tôt et dans leur condition, fit grise mine les premiers temps de la grossesse de Marisa. Toutefois, même s’ils ne roulaient pas sur l'or, Marisa était très heureuse et satisfaite de ne plus rien devoir justifier à personne d'autre qu'à eux-mêmes. Quant à Jacques, se ralliant vite à l'idée d'être papa, il en éprouva une joie intense. Alors, assez vite, il s’affirma ; il affirma son caractère intrépide : son optimisme mais parfois son dédain ; il manifesta aussi une volonté farouche et une vigoureuse santé… Collant son oreille contre le ventre de Marisa, écoutant leurs cœurs battre, il racontait des histoires au bébé… Et quand ils faisaient l'amour, Jacques berçait lentement Marisa en l’aimant tendrement et en parlant au bébé.

Le matin qui précéda l’accouchement, ils firent l'amour. Chaque fois que le sexe de Jacques était au plus profond de celui de Marisa, elle sentait son bébé tressaillir en elle. Et Jacques lui parlait en caressant son ventre. Plus il parlait, plus il bougeait... Et il eût hâte de voir le monde : Marisa accoucha en cinq minutes. La sage-femme le plaça sur sa poitrine nue et il chercha son sein. Son père se mit à parler et Il tourna la tête vers lui. A n'en pas douter un seul intant, il le reconnaissait déjà.,,

Quand la puéricultrice le prit pour sa toilette, il pleura. Peu après, on le leur rapporta. Il pleurait toujours. On le donna à Jacques. Il s'arrêta net de pleurer. Jacques lui parla doucement et il s'endormit.

Marisa avait dix-neuf ans à peine. Et elle était joyeuse d'être mère comme si elle avait attendu cet instant toute une éternité...

Sa maternité transforma Marisa. Elle devint « femme » : taille fine, cuisses galbées, buste épanoui. Jacques la trouvant plus belle encore ne tarissait plus d'éloges envers sa « nouvelle » plastique...

Elle sentait son sexe l'inonder. Elle sentait son sexe s'inonder.

Elle sentait tout son corps, tout son être, atterrir au Paradis.

  • Jamais je n'oublierai cette époque de ma vie… Ne me demandez pas : « Pourquoi ? » Je vous répondrai en parodiant Boris Vian : « Si l'on me demande à brûle chemise : l'innocence est-elle une vertu ? Moi, je ne répondrai pas. Je dirai : « Avez-vous lu Cézanne ? … Certains répondent : heu ! Je ne sais pas... Ma tante était pleine de vertus, et elle est morte… ». Mais, si mon absence de réponse vous dérange, de vous à moi, vous pouvez aussi bien aller vous suicider…




*    *    *    *    *

A suivre

Par Pateric - Publié dans : Nouvelles - Communauté : Des Fantasmes par la Langue
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  • : Le principal objectif de ce blog est la publication de textes "érotiques" écrits à "quatre mains" : Elle et Lui. Notre philosophie littéraire n'a d'autre vocation que d'exciter nos propres plaisirs ; nos plaisirs qui sont libertins et libertaires englobent la Langue : ils ne se limitent ni à la chair ni aux "nécessités". De fait, nos textes se moquent des "conventions éditoriales", du "prêt à penser". Et plus encore du "consensuel", sauf... S'il s'agit du con sensuel qu'on s'en sus...
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  • : 28/01/2009

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  • Couple libertin et libertaire, Scientifiques gourmets philosophes gourmands, passionnés d'arts et de "belles lettres" nous offrons ici nos textes fantasmatiques, nos pensées... non sans laisser libre cours à nos sautes d'humour, voire d'ironie.

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